Abdou Sané Gnanthio
En l’absence d’une volonté politique hardie, le cadre de vie de notre pays s’est gravement dégradé au fil du temps au point d’atteindre un seuil inquiétant. C’est dans ce contexte que le président de la république Macky Sall a annoncé sa volonté politique de relever le défi avec un objectif de « zéro déchet ».
Nous saluons cette louable volonté politique du président car il est à rappeler que notre Constitution reconnaît aux citoyens le droit à un environnement sain. Toutefois la valeur d’une volonté politique se mesure par rapport aux leviers sur lesquels elle repose.
En effet, pour une gestion durable de notre cadre de vie, nous nous attendions à ce que cette volonté politique affichée du président de la République soit élaborée et traduite en un programme, puis en des projets et enfin en activités/interventions, pour éviter le pilotage à vue. Malheureusement tel ne semble pas être le cas.
Nous nous attendions à ce que cette volonté politique affichée du président de la République soit élaborée et traduite en un programme, puis en des projets et enfin en activités/interventions, pour éviter le pilotage à vue
Il est bon de rappeler que notre pays est riche d’un arsenal législatif et réglementaire assez contraignant à même de nous assurer un cadre de vie à la hauteur de la volonté du Président. Il s’agit du code de l’hygiène, du code de l’assainissement, du code de l’environnement, du code de l’eau, du code de l’urbanisme, du code de la construction, du code forestier, de la loi 2015-09 relative à l’interdiction de la production, de l’importation, de la détention, de la distribution, de l’utilisation de sachets plastiques de faible micronnage et à la gestion rationnelle de déchets plastiques.
La faiblesse remarquable de la gouvernance dans notre pays, découlant d’une absence viscérale de volonté politique explique pour l’essentiel la non-atteinte des objectifs à l’origine du dispositif législatif et réglementaire.
Quels sont les leviers sur lesquels va s’appuyer le gouvernement pour la mise en œuvre de cette annonce du chef de l’Etat ? Ces mécanismes sont-ils envisagés de façon structurelle pour la durabilité et non de manière conjoncturelle ?
En tout cas, l’amélioration de notre cadre de vie doit être perçue non comme un fardeau pour les finances publiques mais plutôt un investissement en ce sens qu’elle rendra notre pays beaucoup plus attractif (tourisme, installation de beaucoup d’organisations et institutions internationales), et beaucoup plus résilient face aux risques de maladies, en plus d’autres avantages : réduction du taux de morbidité et de mortalité, élimination de certaines maladies épidémiques et endémiques, hausse de l’espérance de vie, fluidité de la mobilité, accroissement de la productivité, rayonnement sur la scène internationale, etc.
Les ordures ménagères (…) ne connaissent aucun traitement et sont purement et simplement transportées et jetées dans la nature défiant ainsi le code de l’environnement et celui de l’hygiène
Le slogan « zéro déchet » nous amène à distinguer trois types de déchets :
- Les déchets à l’état liquide (eaux usées domestiques) dont le traitement pourrait nous mettre à l’abri de certaines maladies (virales, par exemple).
- Les déchets à l’état gazeux : ce sont ces concentrations de gaz dans l’atmosphère que produisent certaines industries, certains moyens de transport, et certains dépotoirs tel Mbeubeus. Dans cette décharge, nous constatons, impuissants, l’existence d’émanations de gaz parmi lesquels le méthane qui est un gaz à effet de serre et qui contribue gravement au réchauffement de la planète. Une maitrise de ces déchets nous exposerait moins à certaines maladies pulmonaires en particulier.
- Et enfin les déchets à l’état solide : ce sont les ordures ménagères qui jusque-là ne connaissent aucun traitement et sont purement et simplement transportées et jetées dans la nature défiant ainsi le code de l’environnement et celui de l’hygiène. Ces déchets sont à l’origine de pollutions et nuisances de toutes sortes.
En définitive, c’est seulement grâce à une gestion rationnelle et durable de l’ensemble de ces déchets avec une application rigoureuse des différentes lois, accompagnées d’un soutien financier conséquent que la volonté exprimée du président de notre cher Sénégal pourrait être traduite en réalité. Ainsi le Sénégal, les sénégalais, et les hôtes qui vivent parmi nous ne s’en porteraient que mieux.
Le Président s’est-il suffisamment préparé à faire face pour relever ce défi ? Le temps nous édifiera !
Crédit photo : Kaolack Infos
Abdou Sané Gnanthio est un géographe-environnementaliste. Il est le président de l’Association africaine pour la promotion de la réduction des risques de catastrophes. Actuel conseiller départemental de Ziguinchor, Abdou Sané a aussi été député de l’Assemblée nationale du Sénégal.