Dans le cadre du débat sur l’énergie et l’électricité en Afrique de l’Ouest, WATHI a rencontré Aboubakar Compaoré, enseignant-chercheur à l’université de Ouahigouya au Burkina Faso. Dans cet entretien, il évoque les liens entre changement climatique et énergie et propose des recommandations pour le secteur de l’énergie au Burkina Faso.
Quelles sont les avancées et les limites de la politique énergétique au Burkina Faso?
Le contexte énergétique burkinabè est caractérisé par quatre éléments : une prédominance de l’utilisation des énergies de la biomasse, une dépendance du pays vis-à-vis des énergies fossiles, un faible et inéquitable accès aux énergies modernes et une très faible valorisation des énergies renouvelables endogènes. La politique énergétique pour accroître la disponibilité et l’accessibilité de l’énergie au Burkina Faso est depuis des années tournée vers le mix énergétique (électricité, hydrocarbures et énergies renouvelables), l’efficacité énergétique, la mutualisation de la production énergétique des pays de la région c’est à dire établir des interconnexions avec les pays de l’Afrique de l’Ouest.
Une avancée importante dans cette politique est l’option prise d’une transition énergétique vers les énergies vertes et renouvelables avec singulièrement une orientation radicale vers l’énergie solaire. Le solaire est la ressource naturelle dont dispose abondamment le pays dans toute son étendue. Pour ce faire, suivant l’axe 2 du Plan national de développement économique et social (PNDES), l’exécutif ambitionne d’accroitre la part des énergies renouvelables dans la production énergétique totale, de 6,4% en 2015 à 30% en 2020.
Mais cette politique pourrait être limitée sans un nouveau cadre institutionnel, législatif et règlementaire adéquat, sans le renforcement du parc existant de production d’énergies conventionnelles, sans un partenariat public-privé attrayant et une stratégie de financement de cette politique.
Quels sont les risques que le changement climatique fait peser sur le secteur de l’énergie dans votre pays et le reste de la région?
Au niveau du sous-secteur des énergies renouvelables, le changement climatique a contraint les populations à l’abandon de l’utilisation des sources d’énergies traditionnelles telles que la biomasse. Le secteur du bois-énergie tend à disparaitre dû à la législation en vigueur tendant à protéger l’environnement contre la sècheresse et la désertification sur toute l’étendue du territoire.
Une avancée importante dans cette politique est l’option prise d’une transition énergétique vers les énergies vertes et renouvelables avec singulièrement une orientation radicale vers l’énergie solaire
Une politique de promotion des énergies de substitution (gaz butane, briquette) au bois est opérée comme une solution. Le secteur des biocarburants peine à se développer car la culture de la biomasse dont sont issus ces biocarburants rencontre des rendements faibles dûs aux effets du réchauffement climatique.
Pour l’énergie hydraulique, sa contribution dans l’offre énergétique diminue de plus en plus, elle est dûe à un débit volumique d’eau moins conséquent pour fournir l’énergie hydroélectrique. Ces débits faibles sont dûs à une pluviométrie capricieuse et au tarissement des cours d’eaux traversant les pays de la région.
En ce qui concerne les sous-secteurs de l’énergie électrique et des hydrocarbures, le changement climatique pourrait entrainer l’accroissement du déficit de l’offre en énergie et l’augmentation des taxes–carbone du secteur de l’énergie. Cette situation pourrait affecter directement la compétitivité des entreprises du secteur et le pouvoir d’achat de l’énergie des populations.
Comment accroitre la résilience du secteur de l’énergie face à ces menaces?
Pour accroitre la résilience du secteur de l’énergie face à ces menaces de changement climatique, la stratégie politique doit être l’utilisation des sources d’énergie verte ou renouvelable pour nos besoins énergétiques afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Pour ce faire, des projets et programmes de fonds verts pour le climat devront être élaborés au niveau national et régional pour accompagner cette résilience.
Le changement climatique a contraint les populations à l’abandon de l’utilisation des sources d’énergies traditionnelles telles que la biomasse
Il est nécessaire de développer davantage de stratégies de diversification des sources d’approvisionnement en énergie et de mener des actions d’anticipation, d’adaptation et d’atténuation des effets des changements climatiques. Il est nécessaire d’améliorer l’efficacité de nos pays dans leur utilisation des ressources énergétiques mais également améliorer leur expérience en matière de gestion durable des zones aménagées pour la production d’énergies.
Quels sont les savoir-faire et les technologies utilisés en matière d’énergies renouvelables au niveau local?
Les savoir-faire et technologies au niveau local pour un accès aux énergies renouvelables sont entreprises par les populations elles-mêmes avec l’appui de certains acteurs indépendants du secteur de l’énergie tels que les ONG et les Organisations de la société civile (OSC). Pour la cuisson et le chauffage, c’est l’utilisation des foyers améliorés qui sont des foyers économes en bois‐énergie afin d’économiser le bois-énergie pour un service optimal. Il y a aussi l’utilisation du biogaz produit à partir de bio-digesteurs offerts dans le cadre de programmes initiés par des ONG. Pour le besoin en électricité, ce sont les kits solaires de modules photovoltaïques qui sont utilisés pour l’éclairage.
Quels sont les principaux défis que vous rencontrez dans le cadre des enseignements, de la recherche académique et dans le cadre de la mise en œuvre de projets liés à l’énergie?
Dans le cadre de l’enseignement, il nous faut une diversification des spécialités concernant les formations dans le domaine des énergies renouvelables et des bancs de travaux pratiques répondant aux besoins réels des employeurs potentiels d’étudiants. Il faut des contenus de formation pour les chargés d’enseignement technique et pratique en énergie renouvelables.
Dans le cadre des projets de recherche, le grand défi est le financement des projets de recherche en matière d’énergie renouvelable. Cependant, il existe un fonds national d’aide à la recherche pour tous les domaines de la recherche et pour tous les projets d’enseignant-chercheurs d’universités et de chercheurs des centres de recherche. Ces fonds d’aide ne sont pas destinés spécifiquement à la promotion des énergies renouvelables bien que, au vu de l’urgence climatique, la recherche pour améliorer l’accès aux énergies renouvelables devrait être intensifiée.
Le financement des projets énergétiques est un véritable dilemme en Afrique. Existe-t-il des solutions innovantes qui n’ont pas été assez testées?
Jusque-là le financement des projets énergétiques est assuré sous la vision d’une solidarité internationale par les coopérations bilatérales et multilatérales des partenaires techniques et financiers externes avec les différentes structures chargées de l’énergie de l’exécutif.
Il nous faut une diversification des spécialités concernant les formations dans le domaines des énergies renouvelables et des bancs de travaux pratiques répondant aux besoins réels des employeurs potentiels d’étudiants
Des solutions innovantes pourraient être, entre autres, le financement des projets de recherche d’accès à l’énergie par les opérateurs privés internes. Pour ce faire, l’exécutif pourrait élaborer des politiques fiscales et préférentielles pour intéresser le privé à investir dans la recherche de solutions énergétiques renouvelables. Cet investissement pourrait être renforcé sur la base des résultats obtenus par la recherche scientifique.
Source photo : Sidawa.info
Aboubakar Compaoré est un enseignant-chercheur en Énergie et Génie Climatique à l’Université de Ouahigouya au Burkina Faso.