Émile Yves Sidibé
La Lutte contre la désertification est depuis plusieurs années un combat que mènent les Nations unies. En effet, dès le Sommet de Rio du 17 juin 1994, les États réunis au Brésil ont signé la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification.
Qu’est-ce que la désertification ?
Il s’agit de « La dégradation des terres dans les zones arides, semi-arides et sub-humides sèches par suite de divers facteurs, parmi lesquels les variations climatiques et les activités humaines ». Elle entraîne de nombreux risques pour les populations qui vivent dans les zones désertiques ou semi désertiques. Aujourd’hui, près d’un milliard de personnes risquent d’être touchées par ce fléau selon l’ancien secrétaire général de l’ONU, Ban Ki Moon.
Les risques liés à la désertification au Sahel
Les zones comme le Sahel sont les plus touchées par le phénomène de désertification. Avec un quart de la population mondiale vivant dans des zones arides, et près de deux tiers de la population africaine se retrouvant dans ces zones, la désertification est un enjeu de survie.
L’avancée du désert conduit à la diminution des zones arables et a pour conséquence de créer au sein des populations rurales le risque d’une insuffisance alimentaire. A cela s’ajoutent les terres arables en diminution, des précipitations plus faibles et une pauvreté qui empêchent d’acquérir une technologie leur permettant de faire de la production hors-saison. Les populations qui ne dépendent que de la terre pour leur survie sont souvent obligées de migrer.
Les zones comme le Sahel sont les plus touchées par le phénomène de désertification
“Selon les Nations Unies, il existerait environs 25 millions de déplacés pour des raisons climatiques dans le monde (avancée du désert, catastrophes naturelles, sècheresse…). En 2018, on comptait environ 764 000 migrants climatiques qui ont été touchés par la sécheresse.”
La faim ne touchant pas que les hommes. Il est de coutume dans les régions du Sahel que durant les mois les plus chauds de l’année, les éleveurs se déplacent vers le Sud où, on peut le dire, l’herbe est plus verte. Ce phénomène que l’on appelle la « transhumance » a perduré pendant des dizaines, sinon des centaines d’années. Il se complexifie de plus en plus depuis les années 1990. En effet, les périodes de sècheresse devenant de plus en plus longues ; les pasteurs se voient contraints de commencer leur processus de transhumance de plus en plus tôt dans l’année et de le prolonger plus longtemps.
Cependant, les terres cultivables se faisant plus rares, les cultivateurs sédentaires n’ont plus autant de pâtures qu’ils avaient auparavant et se retrouvent à devoir partager le peu qu’ils ont, souvent à peine suffisant, avec des pasteurs et leurs bétails affamés.
L’entente entre pasteurs et cultivateurs s’effrite avec le temps et des tensions communautaires commencent alors à se développer, et prennent parfois une tournure très violente. Au Mali ou au Tchad par exemple, les conflits entre pasteurs nomades et cultivateurs sédentaires ont occasionné des morts par centaines ; on se rappelle notamment l’attaque meurtrière du village de Koro dans la région de Mopti, sous fond de tensions entre pasteurs et cultivateurs.
Comment combattre la désertification au Sahel ?
Le constat initial est que la désertification n’est pas un phénomène que nous pouvons totalement arrêter. Il est pourtant possible d’entreprendre des actions qui permettraient de la ralentir et par conséquent d’en atténuer les effets. En Afrique, plusieurs projets sont mis en place pour lutter contre la désertification, par le biais de reboisement, de reconstruction de biodiversité en perdition ou encore par l’encouragement de changements de pratiques.
Les terres cultivables se faisant plus rares, les cultivateurs sédentaires n’ont plus autant de pâtures qu’ils avaient auparavant et se retrouvent à devoir partager le peu qu’ils ont, souvent à peine suffisant, avec des pasteurs et leurs bétails affamés
La Grande Muraille Verte est un projet mis en place par L’Union africaine. Il prévoyait la création d’une muraille de végétation de 11 millions d’hectares, s’étendant de Dakar à Djibouti. Ce projet «met en œuvre des actions visant à mettre un terme à la dégradation des terres et à la perte de biodiversité dans les zones arides africaines ou à inverser la tendance actuelle ainsi qu’à s’assurer que les écosystèmes résistent aux effets des changements climatiques, et continuent à fournir les services essentiels, contribuant ainsi au bien-être humain de même à l’élimination de la pauvreté et de la faim.»
Ce projet concerne les pays de la bande sahélienne, qui sont les premiers concernés. Cette initiative qui doit être pilotée par chaque pays (qui font des rapports à l’Union africaine) se base sur l’agriculture régénératrice et un changement de comportement des populations touchées.
Au Sénégal par exemple, plusieurs facteurs rendent ce bras de fer avec le désert indispensable, parmi ces raisons :
Cet état des lieux alarmant pousse l’État Sénégalais à redoubler d’efforts et à mettre en place des politiques qui visent à éduquer les populations sur les pratiques agricoles à adopter, ou à éviter.
Le constat initial est que la désertification n’est pas un phénomène que nous pouvons totalement arrêter. Il est pourtant possible d’entreprendre des actions qui permettraient de la ralentir et par conséquent d’en atténuer les effets
A ce jour, le Sénégal est l’acteur le plus actif de cette GMV. Cette initiative, si bien menée, pourrait réellement changer la vie des populations du Sahel en leur permettant une plus grande sécurité alimentaire. Elle participe aussi à redynamiser la place de la femme dans les sociétés rurales sénégalaises.
Aujourd’hui, le nouvel homme fort de la Grande muraille verte est l’écologiste sénégalais Ali El Haïdar qui explique que parmi les défis majeurs, la faible pluviométrie du nord du pays et l’éducation des populations sont les plus importants. Il affirme vouloir transformer la Grande muraille en un « Eden ». C’est véritablement une course contre la montre que mènent les pays de la bande sahélienne et le Sénégal.
Bilan de l’avancée de la lutte contre la désertification : 1-0 pour le Désert
La lutte contre la désertification et la dégradation des terres est d’abord une lutte pour le changement de comportements et pratiques des populations locales. Nous constatons qu’avec des pratiques adéquates et la volonté des États, les populations rurales peuvent ralentir voire repousser la désertification.
L’insécurité prégnante dans ces pays du Sahel et l’insuffisance des ressources à disposition sont des freins au projet de la Grande muraille verte. Les ressources que nécessite ce projet sont systématiquement réallouées à des tâches jugées plus impérieuses notamment la restauration de la sécurité
Il n’est pas candide de croire que la lutte contre la désertification puisse porter des fruits, cependant, il le serait de penser que cela peut être fait dans un avenir proche. Si des pays comme l’Éthiopie, le Soudan ou le Niger connaissent des avancées considérables dans cette lutte pour regagner la nature perdue, d’autres tels que le Burkina Faso, le Mali ou la Mauritanie voient des progrès plus timides.
Un retard considérable est à noter dans l’avancée de cette grande muraille verte, n’ayant atteint que 4 millions d’hectares de terres restaurées sur les 100 millions prévues pour l’horizon 2030.
L’insécurité prégnante dans ces pays du Sahel et l’insuffisance des ressources à disposition sont des freins au projet de la Grande muraille verte. Les ressources que nécessite ce projet sont systématiquement réallouées à des tâches jugées plus impérieuses notamment la restauration de la sécurité. L’espoir est néanmoins permis si la gestion de ces fonds est effectuée de manière efficace et transparente.
Une promesse de 12 milliards d’euros d’investissement, à l’issue de la COP21, par la Banque mondiale et l’Union européenne entre autres auront-ils pour effet de « booster » l’avancée du projet ?
Crédit photo : Grande Muraille Verte
Émile Yves Sidibé est un jeune consultant en géopolitique, spécialisé dans les questions sécuritaires. Il est titulaire d’un Master 2 en Géopolitique et Sécurité internationale et d’un MBA en Droit des affaires. Il est passionné de recherche et s’intéresse aux facteurs de crises et de conflits sur le continent africain.