Florent Houessinon
Après les travaux du séminaire sur la stratégie de développement de l’Enseignement supérieur, en juillet 2021, le gouvernement béninois a mis en exécution un vaste plan de réformes dans les universités publiques : nomination des recteurs après appel à candidature, élection d’un conseil d’administration dans les universités, mise en place d’un comité de suivi et d’un organe d’éthique.
Cependant, les récents résultats catastrophiques de la session de rattrapage à la Faculté de Droit et de Sciences politiques, ainsi qu’au département d’anglais de l’Université d’Abomey-Calavi ont montré le vrai visage du système universitaire.
Le sujet de l’échec massif dans les facultés publiques au Bénin, et plus particulièrement à l’Université d’Abomey-Calavi, a été remis sur le tapis, le 11 novembre 2021, par un message du professeur Philippe Noudjènoumè, enseignant à la retraite. Il fournit des statistiques de l’année académique 2020-2021 qui font froid dans le dos : sur 2.166 étudiants, seulement 67 sont admis en 3e année, soit un taux de réussite de 3,09% à la Faculté de Droit et de Sciences politiques (FADESP).
Sur 5.000 étudiants, 177 admis en 2e année, soit un taux de 2,1%, dans la même Faculté. Statistiques que conteste le Professeur Roch Gnahoui David, Doyen de la FADESP, qui fournit, à son tour, des chiffres à titre indicatif : « en Licence 3, droit privé, ils sont quasiment 1.500 à composer.
On compte à peine 6% de réussite. En Science politique par contre, nous avons 90% de réussite. En Droit public, nous avons près de 46% de réussite. Et on prend seulement le Droit privé pour dire qu’il y a péril à la demeure ». « Rien qu’à y penser, ça m’énerve », se désole Moucharafou Adékambi, étudiant.
« Notre péché, c’est de s’inscrire en Faculté de droit. Après les compositions, nous avons l’impression que les enseignants débordés, sélectionnent des masses de copies auxquelles ils attribuent des notes identiques », témoigne Benoît Samadori, responsable du Bureau des étudiants à la FADESP.
« Au Département d’anglais, la programmation ne permet pas la compréhension et l’assimilation des cours. L’impact de la pandémie de Covid-19 a rejailli sur la qualité des activités pédagogiques de l’année 2020-2021. Ce qui explique les résultats catastrophiques dans notre Département », ajoute Jean Kponon, étudiant en anglais.
Compétences douteuses
Au cours de sa campagne pour l’élection présidentielle d’avril 2021, le président Patrice Talon, a lâché la pilule amère : « Les enseignants du supérieur, pour un grand nombre, sont laxistes. Beaucoup sont mal formés », remettant en cause la pertinence des offres de formation à la Faculté des Lettres, arts et sciences humaines.
Une boutade qui sonne mal dans les oreilles des directeurs des écoles doctorales au sein desquelles un nombre impressionnant de thèses de Doctorat avec mention d’excellence sont soutenues ces dernières années, en collaboration avec des collègues, souvent dépêchés du Togo.
Selon Eléonore Yayi Landékan, ministre de l’Enseignement supérieur, le problème est plus profond. Elle évoque entre autres la faible qualité des offres de formation, l’absence d’une évaluation des enseignants et d’un organe opérationnel de contrôle et d’éthique dans l’Enseignement supérieur, l’obsolescence des enseignements, des supports de cours non actualisés, le harcèlement sexuel et la fraude aux examens.
Au cours de sa campagne pour l’élection présidentielle d’avril 2021, le président Patrice Talon, a lâché la pilule amère : « Les enseignants du supérieur, pour un grand nombre, sont laxistes. Beaucoup sont mal formés », remettant en cause la pertinence des offres de formation à la Faculté des Lettres, arts et sciences humaines
« Des choses inacceptables ont désormais droit de cité dans ma faculté. Des enseignants titulaires d’enseignements donc compétents pour le faire, arrivent au cours les premiers jours, balancent à la tête des étudiants leurs supports de cours ou leurs ouvrages. Ces derniers disparaissent tout le reste du temps du déroulement de leurs enseignements et à leur place, ils envoient des répétiteurs à compétence douteuse. On apprend d’autres choses autour des séances de corrections », déplore Philippe Noudjènoumè.
Évaluation des enseignants du supérieur
Jusqu’à une récente période, les enseignants du supérieur étaient recrutés par cooptation au Bénin. Ce qui n’est pas du goût du président Patrice Talon qui décide d’y mettre un terme, en procédant à l’évaluation des enseignants et à leur recrutement sur concours. L’Objectif est d’instaurer un challenge.
La refonte du système universitaire que propose le Gouvernement comporte 7 innovations : l’adoption des statuts-types des universités publiques, le mode de recrutement, l’organisation des promotions dans les grades, la gouvernance des universités, le profil des enseignants, la recherche et l’innovation ainsi que l’instauration d’un comité de contrôle et d’éthique.
Le temps d’un séminaire de travail, le gouvernement a maintenu au poste les recteurs sortant pendant quelques mois. En accord avec le Conseil national de l’éducation, le président de chaque Conseil d’administration d’université publique a lancé un appel à candidature pour la désignation des candidats aux hautes fonctions universitaires de direction. Il s’agit d’un processus lancé en août dernier pour la nomination des recteurs, vice-recteurs, des doyens et vice-doyens, des directeurs et de leurs adjoints dans les unités de formation.
A la fin du processus, les universités publiques ont été pourvues en personnel administratif avec un cahier de charge clair et des objectifs à atteindre. Rappelons que la vision du gouvernement est de faire des universités publiques un pôle économique de développement.
Credit photo: Bénin Regard
Florent Houessinon est titulaire d’une licence professionnelle ès Philosophie à l’Université d’Abomey-Calavi et d’un master en Journalisme. Il est journaliste, secrétaire de rédaction et chef desk société à l’hebdomadaire catholique La Croix du Bénin.