Désiré Y. Ngom
La victoire de Julius Maada Bio, leader de l’opposition, à l’élection présidentielle de 2018 en Sierra Leone est la confirmation d’une volonté de changement déjà manifestée au premier tour. Samura Kamara de l’Alliance People Congress (APC) qui comptait sur un rassemblement général des Nordistes derrière son parti a subi “l’effet Yumkella”. Leader du National Grand Coalition (NGC) et ancien membre du Sierra Leone People’s Party (SLPP), Yumkella a redéfini les enjeux électoraux dans le nord. Pour le vainqueur de cette élection, le grand rassemblement des Sudistes a été une réalité, Maada Bio a aussi réussi à s’adjuger deux fiefs de l’APC : Kono (partie Est) et Freetown la capitale. Ainsi le SLPP a obtenu 51, 86% des votes et l’APC 48,19% à l’issue du second tour.
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Si la présidentielle a attiré tous les regards, les législatives ont été singulières et marqueront certainement les esprits tout au long du mandat de Julius Maada Bio. La nouvelle formation politique victorieuse devra coexister avec l’ancien parti au pouvoir – l’APC – à l’Assemblée nationale. L’APC a remporté 68 sièges, le SLPP 48, quant au Coalition for Change (C4C) et au NGC, ces partis ont respectivement obtenu huit (08) et quatre (4) sièges.
Les résultats des législatives viennent redessiner les enjeux liés à l’exercice du pouvoir en Sierra Leone. Longtemps dominé par la majorité présidentielle, le Parlement, cette fois-ci est majoritairement détenu par le parti d’opposition- l’APC-. L’appareil législatif est en phase de devenir un contre-pouvoir essentiel pour limiter l’action de l’exécutif. Toutefois sans une réelle volonté des acteurs parlementaires de mener le bateau à bon port, la vie politico-institutionnelle du pays risque d’être mouvementée.
Pour l’instant la virevolte de Samura Kamara, qui a félicité son rival puis contesté les résultats, présage un climat tendu entre l’APC et le SLPP au Parlement (https://bit.ly/2HcrEIE). Les projets de lois et les nominations devront désormais être soumis à un processus qui devrait être un peu plus « démocratique ». La Constitution donnant le pouvoir à l’Assemblée nationale d’approuver toutes les nominations ministérielles (https://bit.ly/2HJdn31 ) ; le brigadier à la retraite devenu président hérite du pouvoir politique et civil dans un contexte particulier et propice à la démocratie.
L’appareil législatif est en phase de devenir un contre-pouvoir essentiel pour limiter l’action de l’exécutif. Toutefois sans une réelle volonté des acteurs parlementaires de mener le bateau à bon port, la vie politico-institutionnelle du pays risque d’être mouvementée
Il est important de souligner que Maada Bio n’en est pas à sa première expérience en tant que président, il a accompagné Valentine Strasser dans le coup d’Etat contre le président Joseph Saidu Momoh en 1992 ( https://bit.ly/2qRkZJx ) . Le 16 janvier 1996, il chasse ses frères d’armes du pouvoir notamment Strasser . Après trois mois au pouvoir, il remet le pays aux mains des civils permettant au président Ahmed Tejan Kabbah, du SLPP, de diriger le pays après l’organisation d’élections. Maada Bio est considéré par certains Sierra-Léonais comme le sauveur de la démocratie, même s’il a à son actif la participation à un coup d’Etat en 1992, une entrave majeure à la démocratie.
La Sierra Leone est un “petit” pays qui présente des particularités jusque-là rares en Afrique de l’Ouest. La victoire d’un candidat de l’opposition à l’élection présidentielle et les législatives remportées par le parti au pourvoir sortant en sont une preuve. Cette situation augure d’une configuration politique nouvelle. Le pays a fini par se relever d’une longue guerre civile (1991-2002) et d’une histoire politique mouvementée marquée par des coups d’Etat à répétition depuis que la République a été instaurée en 1971.
L’épidémie d’Ebola a été le drame le plus récent, affectant sévèrement l’image internationale du pays et fragilisant les efforts de la reconstruction post-conflit. L’épidémie a aussi révélé l’ampleur du travail qu’il reste à faire sur le terrain de la consolidation du système de santé publique et au-delà sur celui de la construction d’un Etat capable de fournir les services publics essentiels. Aussi le nouveau régime de Maada Bio aura-t-il la tâche de fournir des réponses immédiates au chômage massif et à la corruption endémique (https://bit.ly/2HUgDc3).
Quoique l’on puisse avancer sur ce pays d’Afrique de l’Ouest, force est de constater la grandeur de son peuple face aux situations les plus extrêmes. Espérons que le pouvoir en place consentira à consolider davantage les institutions de la République afin de bâtir une Sierra Leone stable et encore plus apte à relever des défis.
Good luck Mr President!
Crédit photo: Senenews
Désiré Y. Ngom est diplômé en Droits de l’Homme et Droit international humanitaire de l’Université Evry Val d’Essonne (France). Il est intéressé par les affaires politiques, électorales et par la prévention et la gestion des conflits armés.
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Très bon article. voilà une occasion de faire s’exprimer davantage la démocratie. Cependant si elle est mal gérée….