Dr Abdoul Aziz Kassé est le Président du Centre international de cancérologie de Dakar
L’équipe de WATHI est allée à la rencontre du docteur Abdoul Aziz Kassé, le 25 février 2020 au Centre international de cancérologie de Dakar. Cette rencontre a été l’occasion d’aborder de nombreux sujets cruciaux pour l’avenir du Sénégal, de l’Afrique de l’Ouest et du continent. Le docteur Kassé est revenu sur son riche parcours en tant que médecin et enseignant, sur le système éducatif de nos pays, sur la gouvernance de nos systèmes de santé ainsi que sur les défis actuels et futurs du continent et la place des jeunes dans la bonne marche de leurs pays.
Extraits de l’entretien avec le Dr Abdou Aziz Kassé
Formations et parcours
« Je suis le docteur Abdoul Aziz Kassé, médecin militaire de formation, retraité du service de santé des armées. J’ai été formé concomitamment à l’École militaire de santé de Dakar et à la Faculté de médecine de Dakar. En fin de parcours de formation, j’ai réussi au concours d’internat des hôpitaux de Dakar, ce qui m’a permis de me lancer dans une carrière universitaire débutée au Sénégal, complétée par une série de formations à Paris, où j’ai eu un diplôme de formation en cancérologie clinique, en cancérologie générale et en cancérologie spéciale.
J’ai ensuite bénéficié d’une formation comme interne des hôpitaux dans le cadre d’un échange avec les hôpitaux universitaires de Montpellier en France. Par la suite, j’ai été nommé assistant des Hôpitaux universitaires du Sénégal en 1988 avant d’être nommé assistant associé à Paris à l’Institut du cancer de Villejuif à Paris. Pendant cette période, de 1991 à 1993, j’ai bénéficié d’une large formation dans les différents métiers de la cancérologie. J’ai eu à peu près 16 diplômes de cancérologie ou dans les différents secteurs de la cancérologie.
J’ai été sélectionné par une fondation aux États Unis qui m’a donné l’une des bourses les plus confortables données aux enseignants. Cela m’a permis également de rajouter à ma formation, d’autres spécialisations dans l’épidémiologie, la bio statistique, les maladies liées au sida et aux cancers.
En tant qu’enseignant dans le cadre d’un échange avec l’Université de Washington, j’ai pu rajouter quelques lignes de formation à mon CV. Ce n’est qu’après que j’ai été en formation en Israël pendant quatre mois et demi et où, en 1998, j’ai pu encore me spécialiser dans la chirurgie minimale invasive, cette chirurgie est effectuée sans l’ouverture du malade et avec l’utilisation des nouvelles technologies.
Bien sûr, en tant qu’universitaire, je n’arrête pas de me former dans les nouvelles technologies. Récemment, j’ai été à Metz pour me former encore à des techniques de traitement des lésions très invasives du sein, de même que les lésions microscopiques, non palpables ou infra cliniques qui ne se voient pas. Je suis à la fois un enseignant et un étudiant.
Pourquoi avoir choisi de devenir médecin?
Je suis né au Sénégal oriental, dans une zone carrefour. C’était un carrefour de plusieurs civilisations et sociétés ; malienne, guinéenne, mauritanienne, wolof, peul… J’ai été très tôt impliqué dans ce qui se passait dans cette société multiculturelle. Mais, il y avait une femme particuliere ma grand-mère Deguéne Diop, qui était une veuve qui a élevé seule ses deux filles.
J’ai vu la souffrance de toutes ces femmes veuves qui n’ont jamais perdu leur dignité, qui travaillaient nuit et jour et qui n’ont jamais emprunté le chemin de la facilité comme la mendicité. Je n’ai pas perçu cela comme quelque chose de négatif, mais comme quelque chose de positif. En voyant comment des femmes pouvaient, avec beaucoup de courage, beaucoup d’abnégation, vivre de leur travail dignement, cela m’a interpellé.
D’autres choses m’ont interpellé. J’ai été blessé enfant en faisant du football et j’ai eu une très mauvaise plaie au niveau de la jambe droite qui a été très mal soignée, et cela a laissé des séquelles cicatricielles. J’ai vu à plusieurs reprises ma grand-mère tomber malade, elle n’a jamais pu trouver de médecin. À l’époque, il n’y avait qu’un seul médecin à Tambacounda qui était responsable de Tamba, de Kédougou et de Bakel. Ce médecin qui faisait en plus de l’administration, était absent un tiers ou deux tiers même de son temps parce qu’il devait faire des tournées dans les autres départements pour soigner les malades.
Alors, nous étions laissés à la merci d’un personnel paramédical qui n’avait aucune formation et qui nous soignait quand même. C’étaient des hommes qui étaient formés sur le tas, des infirmiers ou aides infirmiers qui devenaient chirurgiens à l’occasion. Donc, vous comprenez que quand j’ai vu toutes ces choses, j’ai compris qu’il y avait là aussi une mission et je me suis juré enfant d’être médecin. Mais déjà médecin militaire, j’en rêvais. J’ai rêvé d’être médecin et militaire.
Par contre, j’ai été très déçu par la gouvernance qu’il y avait au niveau du système de santé militaire au Sénégal. Cette situation a fait de moi un “révolutionnaire” simplement parce que je n’acceptais pas la façon dont la gouvernance de l’école militaire de santé était établie. Donc je me suis opposé à cette administration et à ses pratiques ».
Le docteur Abdou Aziz Kassé est né au Sénégal Oriental, à Tambacounda le 20 janvier 1957. Après l’obtention de son baccalauréat au Lycée Blaise Diagne de Dakar, il s’inscrit à la Faculté de médecine de Dakar en tant qu’étudiant de l’École militaire de Santé, où il obtient son Doctorat en 1982. Cancérologue, le Dr Kassé est médecin commandant du Service de santé des armées. Maitre-assistant de chirurgie oncologique depuis 1988, en fonction à l’Institut du Cancer et dans différentes Facultés et Écoles de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Il est le Président du Centre international de cancérologie de Dakar.
Le Dr Kassé est membre fondateur du Groupe euro-africain de cancérologie et de l’Organisation pour la recherche et la formation sur le cancer (AORTIC). En 2012, il reçoit la Médaille d’Or de l’Organisation mondiale de la santé. Le Dr Kassé est très connu pour son engagement dans la lutte contre le Cancer, notamment du sein et du col de l’utérus, qui font beaucoup de victimes chaque année au Sénégal. Il est également le président de la Ligue sénégalaise contre le tabac.
Entretien réalisé par Marième Cissé, WATHI
Source photo: Intelligences Magazine