« Comment dormir si je suis tout le temps obligée de me battre ? »
Extraits de l’entretien
La situation des femmes au Sénégal
« Chaque femme essaye de s’en sortir au mieux parce que nous n’avons personne sur qui compter. »
« Je suis vendeuse de repas, Je termine mon travail vers 04h du matin. Chaque femme essaye de s’en sortir au mieux parce que nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes. J’essaye de gérer mes fonds de commerce. En cas de perte, je vais emprunter ce dont j’ai besoin au marché, je rembourse à la fin de la journée et pouvoir emprunter à nouveau.
Les femmes sont braves, dans certaines maisons, c’est elles qui gèrent tout. Elles assurent la dépense quotidienne, elles payent le loyer, l’eau et l’électricité. C’est elles qui prennent en charge les frais médicaux des enfants. Elles font tout.
Nous n’arrêtons pas de courir pour avoir de quoi vivre dignement
Beaucoup d’hommes n’ont pas d’emplois. Si une femme peut se réveiller à l’aube, prendre sa marchandise, aller au marché vendre ne serait-ce que 2000 francs CFA pour en faire la dépense, l’homme à côté ne peut pas le faire. Les femmes sont beaucoup plus débrouillardes. Donc, si on avait juste un coup de pouce, on pourrait s’en sortir. Nous sommes vraiment braves, il nous manque juste les moyens.
Nous n’arrêtons pas de courir pour avoir de quoi vivre dignement. Mon lit est impeccable chaque matin mais je n’ai même pas le temps de m’y allonger. Tout est difficile, mes heures de sommeil sont très courtes. Comment dormir si je suis tout le temps obligée de me battre ? ».
Les difficultés économiques des femmes
« Si j’avais l’opportunité de trouver un emploi rémunéré, j’aurais déjà arrêté de vendre des repas la nuit. »
« Même si ce n’est pas facile de financer toutes les femmes, qu’on leur trouve au moins des emplois décents. Certaines préfèrent travailler et percevoir un salaire à la fin du mois. C’est toujours mieux que de vendre dans les rues. Pour moi, c’est très dur, je continue parce que je n’ai pas le choix. Je vends à perte la plupart du temps. Si j’avais un travail rémunéré, même si c’est 75000 francs CFA par mois, je pourrais vivre correctement. Si j’avais l’opportunité de trouver d’autres moyens de subsistance, j’aurais déjà arrêté de vendre des repas la nuit.
Même si ce n’est pas facile de financer toutes les femmes, qu’on leur trouve au moins des emplois décents
Cela me fatigue, je ne trouve même plus le temps de m’habiller correctement. Les gens finissent par croire que je ne possède pas de vêtements corrects. Pourtant, j’en ai, mais ils peuvent rester plus d’une année dans mon armoire sans que je ne puisse les porter. »
L’importance des études
« Cela me fait mal de n’avoir pas eu la chance d’étudier… »
« Je conseille aux jeunes filles de persévérer dans leurs études et d’obtenir des diplômes. Il leur sera plus facile ainsi d’avoir un emploi décent. Ce qui leur permettra de rester indépendantes même quand elles seront mariées. Il ne faut pas compter sur les hommes de nos jours. Ils veulent bien faire mais n’ont pas suffisamment de moyens. Un homme qui est au chômage ne fait pas assez d’efforts, au contraire tout finit par reposer sur la femme.
Si c’était possible de retourner en arrière pour aller à l’école je n’aurais pas hésité. Je rate beaucoup d’opportunités à cause de cela
Je n’ai pas fait d’études, mais j’encourage les filles à vraiment prendre au sérieux leurs études. Seules les études peuvent les aider à s’en sortir. On m’a plusieurs fois proposé des petits boulots. Je n’ai pas pu y aller juste parce que je ne savais ni lire ni écrire. Cela me fait mal de n’avoir pas eu la chance d’étudier. Si c’était possible de retourner en arrière pour aller à l’école, je n’aurais pas hésité. Je rate beaucoup d’opportunités à cause de cela.
J’ai donné ma fille en mariage car elle avait un niveau vraiment faible
Certaines filles sont mariées tôt parce qu’elles prennent le mauvais chemin. Elles ne sont pas concentrées à l’école et ont de mauvais résultats. Les parents ne veulent juste pas qu’elles perdent leur temps. J’ai donné ma fille en mariage car elle avait un niveau vraiment faible, elle séchait les cours et ne gardait pas ses fournitures. C’était mieux de lui trouver un mari. »
La prise en compte des femmes dans les politiques
« Les politiciens ne viennent vers nous qu’à l’approche des élections. »
« Les politiciens cherchent juste à avoir du public. Une fois les élections passées, ils nous oublient. Ils doivent mettre en place des systèmes de financement efficaces. Les femmes ne sont pas vraiment prises en compte dans leurs politiques. Ils ne viennent vers nous qu’à l’approche des élections.
Je leur demande aussi de diminuer le coût du loyer. Nous rencontrons chaque jour des difficultés à cause des prix du loyer. Personnellement je l’ai vécu, c’est très dur pour une femme de payer son loyer. Ils devraient prendre des mesures pour faire baisser les prix. Je dirais aussi aux femmes de continuer à travailler et d’essayer d’économiser, un jour avec la grâce de Dieu ça ira. »
Photo : WATHI
Maguette Diouf vend des repas le soir dans un garage non loin de son domicile à Pikine dans la banlieue de Dakar.