Femmes et accès à la terre au Mali
Aminata Diarra, Fédération nationale des Femmes rurales, 2008
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Dans le droit coutumier malien, les femmes sont exclues de l’accès à la propriété foncière, alors qu’elles participent largement à l’exploitation des terres. Dans les conflits fonciers de plus en plus répandus, elles sont les principales lésées, avec des conséquences sur la sécurité alimentaire des familles. La loi d’orientation agricole d’août 2006 a bien organisé leur protection, suite à d’importantes concertations auxquelles elles ont participé. Il reste à l’appliquer, alors que dans les mentalités le pouvoir reste largement dévolu aux hommes.
La question foncière est devenue centrale au Mali, entraînant de nombreux conflits depuis la fin des années 1980. Ces conflits pour l’accès à la terre, qui font couler du sang chaque année, sont alimentés par le manque de clarté de la réglementation en matière foncière. Selon les textes, toutes les terres appartiennent à l’Etat, mais dans les pratiques et usages, elles sont gérées par le chef de village et les chefs coutumiers. Ces derniers peuvent ainsi attribuer, prêter ou vendre une terre. L’acquéreur ne dispose alors d’aucun titre de propriété, l’attribution définitive de la terre demeurant une prérogative régalienne.
Des femmes centrales, mais lésées
Parmi les acteurs du monde rural, les femmes jouent un rôle central au Mali et sont les premières affectées par l’insécurité foncière. Elles représentent 51,6 % de la population dans les campagnes, constituent 60 % de la main-d’œuvre agricole et apportent environ 80 % de la production alimentaire. Mais elles font face à un statut précaire au regard du droit coutumier, qui ne leur reconnaît pas le droit d’être propriétaires des terrains qu’elles cultivent. Alors que ces dernières années, la spéculation foncière s’est accélérée dans le pays, elles sont les premières victimes de la concurrence, sans titres de propriété, souvent sans revenus pour accéder à des parcelles dont le prix est devenu trop élevé, n’ayant pas non plus accès au crédit.
La femme n’est en général pas propriétaire des terres. On lui prête toujours un bout de terrain à cultiver, mais il appartient à sa famille ou celle de son mari. Pour que les femmes puissent devenir propriétaires comme les hommes, le droit coutumier représente un frein. Nous-mêmes, nous ne pensons pas pouvoir être à égalité sur ce plan là avec les hommes, parce qu’ils sont chefs de famille. Ils ont la responsabilité de nourrir la famille, même si nous y contribuons pour une grande part. Le rôle de la femme dans l’agriculture est très important mais le responsable, c’est le chef de famille. Nous, femmes rurales, nous ne cherchons pas à obtenir de grandes superficies, mais nous voulons qu’une femme qui veut travailler et produire puisse trouver un lopin de terre et avoir l’assurance de pouvoir continuer à le travailler durablement, sans passer d’un lopin à un autre. Mais il ne s’agit pas d’abandonner complètement le droit coutumier, car il renferme beaucoup de choses positives pour les femmes. Par exemple, les hommes ont le devoir de les protéger.
Une nouvelle législation protectrice des femmes paysannes
Le 16 août 2006, une Loi d’Orientation Agricole (LOA) a été adoptée par l’Assemblée nationale du Mali, suite à de larges concertations menées auprès des paysans et les paysannes pendant plusieurs mois, aux niveaux local, régional et national. C’est la première fois au Mali qu’une partie de la société civile a été impliquée à un aussi haut niveau, et que des acteurs sociaux – à plus forte raison des paysans – ont été « maîtres d’œuvre » dans l’élaboration d’une loi. Ces concertations ont été l’occasion pour les paysans et les femmes rurales de parler de leurs difficultés et de leur vision de l’agriculture pour les années à venir, permettant qu’une partie de leurs revendications soient intégrées à la loi.
La LOA a pour objet de définir les grandes orientations d’une politique de développement agricole au Mali, à savoir la promotion d’une agriculture « durable, moderne et compétitive reposant prioritairement sur les exploitations familiales ». Elle vise « à garantir la souveraineté alimentaire et à devenir le moteur de l’économie nationale en vue d’assurer le bien-être des populations » (article 1er). Grâce à ce texte, il s’est forgé au Mali une vision paysanne consensuelle de l’agriculture, ce qui constitue un pas symbolique considérable dans le combat pour la reconnaissance paysanne. Mais le vote de la LOA ne représente qu’une première étape, puisque désormais il s’agit de la mettre en application, avec toutes les difficultés que représente la mise en œuvre de principes venant bouleverser des coutumes et traditions patriarcales.