Wathinote Constitution : Tchad
La Constitution du Tchad a été adoptée par référendum le 31 mars 1996 à l’issue d’une conférence nationale souveraine. Elle comporte 12 166 mots, 239 articles répartis en 15 titres.
Droits, devoirs et garanties
La Constitution tchadienne se référant à la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, ainsi qu’à la Charte africaine des droits de l’homme, intègre la dichotomie droits-devoirs. La conception des droits inclut outre les droits civils et politiques, des droits sociaux et économiques.
Les droits civils et politiques reconnus sont notamment: l’égalité devant la loi, l’inviolabilité et le caractère sacré de la personne humaine, le refus des traitements dégradants et arbitraires (discrimination à l’égard de la femme, torture, esclavage, arrestations et détentions illégales) les libertés de conscience, opinion, association, réunion, manifestation, circulation, droit de propriété, la présomption d’innocence, l’inviolabilité du domicile et de la correspondance, le droit de grève. Les droits socio-économiques sont le travail, l’instruction, la culture, la protection de l’environnement, l’éducation des enfants par leurs parents.
Les devoirs concernent autant les citoyens (respect des lois, participation aux charges publiques, défense nationale, protection de l’environnement) que l’État (protection des citoyens, neutralité de l’administration, garantie de la liberté d’entreprise).
La garantie de l’effectivité des droits et devoirs est du ressort de l’État et des collectivités territoriales. Le pouvoir judiciaire est le gardien des libertés et de la propriété individuelle. Il veille au respect des droits fondamentaux ». Dans cette optique, toute juridiction saisit le Conseil constitutionnel lorsqu’un citoyen soulève l’exception d’inconstitutionnalité dans une affaire le concernant. Le Conseil constitutionnel statue dans un délai de 45 jours.
Références :
Titre II : Articles 12-58
Titre VI : Article 148
Titre VII : Article 171
Organisation politique
Le pouvoir exécutif
Le système institutionnel tchadien se caractérise par la prééminence du pouvoir exécutif – notamment du Président de la République – sur les pouvoirs législatif et judiciaire. Le Président, Chef de l’État, Chef des forces armées, assure le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et la continuité de l’État. Il nomme le Premier ministre et les membres du gouvernement sur proposition de ce dernier. Il nomme en Conseil des ministres aux emplois civils et militaires et signe les ordonnances et décrets.
Un pouvoir législatif aux moyens de contrôle limités
Le gouvernement partage l’initiative des lois avec le Parlement – composé d’une Assemblée nationale dont les membres sont élus au suffrage universel direct et d’un Sénat dont les membres sont élus au suffrage universel indirect par un collège d’élus locaux. La discussion des projets de lois porte sur le texte du gouvernement. Le gouvernement peut obtenir que le Parlement se prononce par vote unique sur un projet de loi en ne retenant que les amendements gouvernementaux. Les outils à la disposition du Parlement pour le contrôle de l’action de l’exécutif sont : l’interpellation, les questions écrites et orales, l’audition en commission, la motion de censure et la commission d’enquête. L’article 133 stipule que la Chambre des comptes de la Cour suprême « assiste le Gouvernement et le Parlement dans le contrôle de l’exécution des lois de finance». Le Parlement peut causer la démission du gouvernement lorsqu’elle adopte une motion de censure ou elle désapprouve à la majorité de ses membres la déclaration de politique générale du Premier ministre.
Le pouvoir judiciaire
Le pouvoir judiciaire est exercé par la Cour suprême, les Cours d’appel, les tribunaux et les justices de paix.
- Le Conseil supérieur de la magistrature
Le pouvoir exécutif exerce une tutelle étroite sur le pouvoir judiciaire via le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) en dépit de la reconnaissance du principe d’indépendance. Le président et premier vice-président du CSM sont respectivement le Président de la République – garant de l’indépendance de la justice – et le ministre de la Justice. Or cet organe propose les nominations et les avancements des magistrats au Président de la République qui les nomme par décret.
- La Cour Suprême
La Cour suprême est l’instance supérieure du pouvoir judiciaire. Elle comprend une chambre judiciaire, une chambre administrative et une chambre des comptes. Elle compte seize membres : quinze conseillers et un président nommé par décret par le Président de la République après avis des présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat. Parmi les conseillers : huit sont choisis parmi les hauts magistrats de l’ordre judiciaire (trois par le Président de la République ; trois par le Président de l’Assemblée nationale, deux par le Président du Sénat) ; sept sont choisis parmi les spécialistes du droit administratif, droit budgétaire et comptabilité publique (trois par le Président de la République, deux par le Président de l’Assemblée nationale, deux par le Président du Sénat).
- La Haute Cour de justice
Une Haute Cour de justice est instituée afin de juger le Président de la République et les membres du gouvernement en cas de haute trahison. Le Tchad a une conception étendue de la haute trahison qui couvre les violations caractérisées de droits de l’homme, les détournements de fonds publics, la corruption, la concussion, le trafic de drogues et l’introduction des déchets toxiques et dangereux sur le territoire national. La Haute Cour est composée de quinze membres (six députés, quatre sénateurs, deux membres du Conseil constitutionnel, deux membres de la Cour suprême) élus par leurs pairs respectifs. Il est cependant à noter que la procédure de traduction devant la Haute Cour n’est pas constitutionnalisée mais est définie par une loi organique.
Le Conseil constitutionnel
Il existe un Conseil constitutionnel, qui juge de la constitutionnalité des lois, traités et accords internationaux ; ainsi que du contentieux électoral. Les neuf membres du Conseil constitutionnel sont nommés par le Président de la République (trois), le Président de l’Assemblée nationale (trois) et le Président du Sénat (trois).
Contrôle de l’administration
Le contrôle de l’administration relève du pouvoir exécutif. En effet, le Président de la République nomme aux hautes fonctions tandis que le gouvernement dispose des organes de contrôle de l’administration et s’assure du bon fonctionnement et de la bonne gestion des services publics. La Constitution tchadienne témoigne d’une ambition de déconcentration de cette prérogative car il est prévu qu’une loi organique détermine les emplois nommés en Conseil des ministres et les conditions de délégation du pouvoir du Président dans ce domaine. Il n’est pas prévu d’institution de médiation entre l’administration et les citoyens.
Références :
Titre III : Articles 60-99
Titre IV : Articles 104-110
Titre V : Articles 125-145
Titre VI : Articles 146-163
Titre VII : Articles 164-175
Titre VII : Articles 176-181
Animation de la vie politique
Régulation des partis politiques
En vertu de l’article 4 de la Constitution, les partis politiques concourent à l’expression des suffrages. Une charte politique adoptée en 1994 et révisée en 2009 définit les modalités de création et d’animation des partis politiques. Il est notamment interdit de créer des partis sur une base ethnique, religieuse ou régionale. En conséquence, les membres fondateurs d’un parti doivent être originaires de la moitié au moins des régions du pays.
Élections
- Organisation et contrôle des élections
Dans la Constitution, le Conseil constitutionnel veille à la régularité du scrutin, constate les résultats et en effectue une proclamation provisoire puis définitive. La Cour suprême statue sur le contentieux des élections locales.
Depuis 2007, une Commission électorale nationale indépendante est en charge de l’ensemble du processus électoral : de l’enregistrement des électeurs à la proclamation des résultats provisoires. (La composition de la CENI a évolué au fil des ans de 31 membres à 41. Depuis 2013, elle compte 6 représentants de la société civile, 17 représentants de la majorité et 17 représentants de l’opposition. Le Président de la CENI est élu par consensus par ses membres. La CENI est assistée en période électorale par un Bureau Permanent des Elections (BPE) qui en constitue le secrétariat. Hors période électorale, le BPE qui est rattaché au ministère de l’administration territoriale s’occupe de la révision de la liste électorale et de la gestion du fichier électoral. Le statut flou du BPE mène à s’interroger sur l’effectivité de l’indépendance de la CENI envers le pouvoir administratif et politique. (cf. Loi électorale 2013)
- Modes d’élection
Le Président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois. Les députés sont également élus au suffrage universel direct pour une durée de quatre ans. Les sénateurs sont désignés au suffrage indirect par un collège d’élus locaux pour un mandat de six ans renouvelable par tiers tous les deux ans. Le premier tiers à renouveler est désigné par tirage au sort.
La Constitution tchadienne ne prévoit pas de mécanisme de participation des citoyens aux affaires publics hors élection.
Références :
Titre III : Article 61
Titre IV : Articles 106-112
Titre VII : Article 166
Organisation administrative
L’article 2 stipule que « la République est organisée en collectivités territoriales décentralisées dont l’autonomie est garantie par la … Constitution ». Le Tchad compte quatre types de collectivités territoriales administrées par des assemblées : les communautés rurales, les communes, les départements et les régions.
La Constitution tchadienne se distingue d’autres lois fondamentales par le caractère détaillé des dispositions traitant des collectivités territoriales. Elle énonce ainsi les domaines de compétence des collectivités territoriales : la sécurité publique, l’administration et l’aménagement du territoire, le développement économique et social et la protection de l’environnement. Par ailleurs, elle précise aussi l’origine des revenus des collectivités : une part du produit des impôts et des taxes, des dotations de l’État ; et également un pourcentage du produit des droits issus de l’exploitation des ressources du sous-sol.
Références :
Titre I : Article 2
Titre XI : Articles 203-213