Ousmane Touré
Le continent africain est significativement atteint par la faible capacité de création d’emploi, la précarité des emplois et le sous-emploi dans le secteur informel. Les données récentes montrent que le taux de chômage est très élevé sur le continent, en particulier chez les jeunes dont le nombre avoisine 200 millions, soit 60% des chômeurs en Afrique. Les jeunes font preuve de beaucoup d’énergie, de créativité et sont dotés de talents qui sont des atouts pour le développement.
Les ressources culturelles et créatives africaines devraient être davantage valorisées car elles représentent un vaste potentiel économique et social qui peut contribuer à réduire le chômage des jeunes en Afrique. À cette fin, il est important de mettre en œuvre des politiques publiques qui prennent en compte le chômage des jeunes en lien avec notamment les secteurs de l’éducation, de la culture, de la jeunesse et de l’emploi. Cela nécessiterait le développement de l’entrepreneuriat, la valorisation des talents créatifs des jeunes, la reconnaissance et la promotion des savoirs, des savoir-faire et de la culture traditionnelle africaine.
Afin de susciter cette approche intégrée des politiques en faveur de l’emploi des jeunes, il nous faut impérativement redéfinir les orientations de l’entrepreneuriat culturel. Autrement dit, il ne doit plus s’agir de faire de la culture pour le simple plaisir d’en faire mais plutôt pour améliorer le futur et créer des emplois dans ce secteur.
Du 28 au 30 novembre 2013, conjointement avec le gouvernement du Cap-Vert, l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) a organisé une réunion ministérielle de haut niveau réunissant un certain nombre de pays africains. Lors de cette rencontre, Le Sénégal a partagé ses expériences et ses bonnes pratiques en matière de politiques éducatives, culturelles, de la jeunesse et de l’emploi. L’objectif de la réunion était d’examiner les différents moyens de tirer parti du vaste potentiel de l’économie créative afin de réduire le taux de chômage élevé des jeunes sur le continent.
Les ressources culturelles et créatives africaines devraient être davantage valorisées car elles représentent un vaste potentiel économique et social qui peut contribuer à réduire le chômage des jeunes en Afrique.
Lors de la cérémonie de clôture du 30 novembre 2013, les ministres et responsables politiques présents à la réunion ont adopté la déclaration de Praia avec une feuille de route nationale définissant des interventions prioritaires pour les quatre années suivantes. Les représentants des pays présents ont pris l’engagement de mettre en œuvre ladite déclaration afin de permettre l’éclosion de projets pilotes dans l’économie créative. Ils ont notamment souligné la nécessité de renforcer leur politique culturelle.
Quant à la question de savoir comment améliorer l’employabilité des jeunes dans l’économie créative, l’une des propositions les plus importantes était de soutenir les entreprises inclusives et de veiller à ce que les entrepreneurs puissent maîtriser l’utilisation d’Internet qui est un outil essentiel du 21e siècle.
Beaucoup d’autres suggestions ont été présentées et retenues dans les recommandations de la déclaration de Praia. L’Organisation des Nations unies (ONU) devait soutenir les pays dans la mise en œuvre de leurs plans de travail et projets pilotes. Plusieurs pays ont déjà pris des mesures concrètes visant à mettre en œuvre le manifeste de Praia. Le Nigéria a mis en place un fonds pour faciliter les productions de Nollywood (industrie cinématographique). Au Sénégal et en Côte d’Ivoire, les fonds d’appui à l’industrie cinématographique ont été également mis en place. Le magazine trimestriel Seneciné magazine a ainsi été lancé au Sénégal fin 2014.
Dans d’autres pays, des efforts sont fournis dans le même sens afin de permettre un essor des économies créatives. Ils contribuent ainsi à la réduction du chômage des jeunes et au développement durable. Le gouvernement du Cap-Vert a créé une banque culturelle innovante qui prend en compte les besoins et les réalités locaux du secteur culturel à travers notamment la mise en place d’un “cluster” d’industries créatives et le lancement de trois réseaux nationaux de diffusion (artisanat, arts et musées).
Dans ce pays, le Fonds Autonome d’Appui à la Culture (FAAC) ou banque de la culture a pour ambition de devenir la plus grande institution d’aide et de financement de projets culturels élaborés par des artistes et opérateurs culturels dans les dix prochaines années. Avec cette stratégie, le fonds autonome d’appui à la culture veut faire de ce secteur un atout au service du développement du Cap-Vert.
La banque culturelle vient justement servir de garantie auprès des banques commerciales pour que les acteurs culturels puissent bénéficier de financements nécessaires pour le démarrage de leurs projets.
Il devra générer des revenus afin de maximiser la création d’emplois, d’améliorer la qualité de vie et de promouvoir l’inclusion sociale et la cohésion des artistes et acteurs culturels nationaux. Il importe peut-être d’indiquer que les sources de financement incluent la mobilisation de ressources auprès des entreprises nationales à travers une loi sur le mécénat, le remboursement des financements accordés à travers les contributions provenant du budget de l’État. Le fonds autonome d’appui à la culture sert également de garantie auprès des banques commerciales pour faciliter l’accès au financement.
Au niveau de l’appui des banques aux projets culturels, on constate de nombreux blocages dus au à la fragilité financière des acteurs culturels, particulièrement des jeunes. Ces blocages les empêchent d’obtenir des prêts car les taux d’intérêt sont trop élevés. La banque culturelle vient justement servir de garantie auprès des banques commerciales pour que les acteurs culturels puissent bénéficier de financements nécessaires pour le démarrage de leurs projets. En cas de difficulté, la banque culturelle se substituera à l’entrepreneur pour le remboursement de l’emprunt.
Ce système devrait permettre à tout jeune ayant un projet sérieux dans le domaine de la culture de pouvoir accéder à une somme minimale pour démarrer. Mieux encore, c’est une façon de dire aux jeunes qu’ils ont des possibilités de faire quelque chose par eux-mêmes. Ce type de démarche peut contribuer à faire renaître chez les jeunes l’espoir de lendemains meilleurs qui ne passent pas par la très dangereuse émigration vers l’Europe par la mer.
Les politiques culturelles en cours de mise en œuvre au Cap-Vert devraient inspirer les autres pays africains. Elles peuvent susciter l’éclosion de projets culturels pertinents qui créeraient des emplois, et contribueraient au développement économique et social.
Photo : Cinémas et Culture d’Afrique
Ousmane Touré est étudiant en Master de Communication à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, Sénégal. Entrepreneur social, il est le président fondateur de l’Assemblée des générations patriotes et citoyennes (AGEPCI).