Au cours des dernières semaines, WATHI a exploré l’une des crises sanitaires les plus dévastatrices d’Afrique de l’Ouest : celle causée par le virus Ebola. Dès la fin de l’année 2013, la propagation de la maladie a fait plus de 11 000 victimes dans la région. La majorité des décès a été enregistrée au Liberia, en Sierra Leone et en Guinée. Les pays les plus touchés par cette catastrophe sanitaire sans précédent ont connu l’intervention d’une multitude d’acteurs du secteur de l’humanitaire à l’échelle internationale.
Malgré les avertissements de l’ONG spécialisée dans la santé Médecins sans frontières (MSF) à propos de l’épidémie en avril 2014, la situation en Afrique de l’Ouest n’a attiré l’attention de la communauté internationale qu’à la fin de l’année : lorsque l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré « l’urgence de santé publique internationale ». Après les premiers cas confirmés aux États-Unis et en Europe, le président Obama a annoncé le déploiement de 3 000 soldats au Liberia pour la construction de centres de traitement.
Outre l’investissement dans les centres de confinement, l’action humanitaire s’est focalisée sur la recherche (infructueuse) d’un vaccin et la prévention de la propagation de la maladie au-delà des frontières des pays affectés grâce à la fermeture des frontières et la restriction des mouvements des personnes qui ont été dans les pays affectés. Ce type d’intervention basé exclusivement sur la sécurité ne peut régler le problème posé par le manque de capacités structurelles. Dans d’autres cas tels que ceux du VIH, de la tuberculose et de la malaria, les décideurs du secteur de la santé au niveau international ont opté pour des solutions rapides et visibles, facilement mesurables plutôt qu’un investissement à long terme dans les systèmes de santé nationaux.
Cette approche de lutte contre une épidémie basée sur la sécurité est problématique, surtout dans le cas d’Ebola. Au Liberia par exemple, le système de santé comptait moins de cinquante médecins avant l’apparition du virus, ce qui équivaut à un médecin pour 100 000 habitants. Outre le manque de personnel médical, l’équipement de première nécessité tel que les sels de réhydratation orale, les fluides intraveineux et les produits sanguins se faisaient également rare dans les pays touchés par le virus.
Des centaines de morts ont toutefois été évitées dans d’autres pays de la région grâce aux solides systèmes de surveillance des maladies. Au Nigeria ou « seulement » huit cas mortels ont été enregistré, un centre d’urgence créé pour la lutte contre la polio était déjà opérationnel. Dès l’apparition du virus, une équipe de 40 médecins nigérians formés dans le domaine de l’épidémiologie a été réassignée pour le traitement des premiers patients présentant les symptômes de la maladie, et 1 800 personnels de santé ont été rapidement formés. La différence des résultats entre le Nigeria et les pays de l’Union du fleuve Mano montre la nécessité de l’établissement de systèmes de santé qui permettront aux pays de faire face par leurs propres moyens à d’autres flambées du virus.
Pour créer des systèmes de santé résilients, les pays de la région devraient suivre ces recommandations inspirées des initiatives ayant enregistré des résultats satisfaisants :
- Investir dans des Centres d’opération d’urgence (COU). Ces centres sont des agences nationales responsables de la préparation face à des crises sanitaires publiques et de la coordination des interventions déployées à l’échelle nationale. Les COU établissent des biosurveillance en temps réel à travers des réseaux de laboratoires et forment des équipes multisectorielles d’intervention rapide. Elles maintiennent également la capacité du personnel à déclencher une intervention d’urgence coordonnée dans un délai de 120 minutes en cas d’urgence sanitaire publique.
- Favoriser la flexibilité et l’inventivité des fonctionnaires impliqués dans la gestion de la crise. Au Liberia par exemple, le programme President’s Young Professional (PYP) a pour objectif le transfert des connaissances nécessaires dans le domaine du leadership et l’inculcation aux jeunes fonctionnaires d’un esprit de résolution de problèmes de manière active grâce à l’appui de mentors. Au-delà de l’investissement dans les capacités sanitaires, il est important de penser à des innovations pour une administration capable de réagir rapidement en cas de crise.
- Établir un système de lignes d’assistance téléphonique où la priorité est donnée aux appels des personnes malades. Dans un contexte où la surveillance médicale a été un échec et où les questions que se posait la population à propos du virus Ebola sont restées sans réponse, les communautés se sont vues obligées de créer des solutions par leurs propres moyens. Des quarantaines ont donc été organisées au niveau des communautés et les populations locales ont recyclé divers objets tels que des sacs-poubelle et des imperméables pour en faire des équipements de protection personnelle. Bien que ces solutions aient été indéniablement efficaces dans la lutte contre Ebola, les pouvoirs publics doivent trouver de meilleures manières d’impliquer les communautés dans la lutte contre les épidémies, notamment en s’assurant que des informations correctes sont communiquées aux populations à travers des lignes d’assistance téléphonique fonctionnelles.
- Améliorer la coordination régionale dans le cadre de la formation des spécialistes de la santé. Partiellement financé par L’Agence française de développement (AFD), le projet RESOLAB+ vise le renforcement durable de la formation des techniciens de laboratoires et des biologistes. Il vise également la mise sur pied d’un système d’accréditation pour la qualité des laboratoires dans huit pays d’Afrique de l’Ouest. Outre le renforcement des capacités au niveau national, la création de laboratoires efficaces et coordonnés à travers la région permettra l’amélioration du suivi et de la surveillance médicale et limitera ainsi les risques d’une épidémie à grande échelle.
Photo : Médecins sans frontières