La démocratie à l’africaine
Biléou Sakpane-Gbati, 2011.
Éthique Publique, 13 (2)
http://ethiquepublique.revues.org/679
FRANÇAIS
À l’école de la démocratie, les États africains ont la triste réputation d’être de mauvais élèves. L’édification d’une véritable démocratie est mise à mal par la persistance de considérations tribales, ethniques ou encore claniques. Il importe alors de repenser la démocratie en Afrique en commençant par s’affranchir du mythe selon lequel, en raison de leur organisation traditionnelle, les sociétés africaines seraient incompatibles avec la démocratie. La marche engagée par l’Afrique vers la démocratie par la voie institutionnelle ne sera véritablement effective qu’avec l’essor d’une véritable culture démocratique des hommes.
Le discours du président américain Barack Obama prononcé au Ghana en 2010, lors d’une visite officielle, disait : « L’Afrique, au lieu d’avoir des hommes forts, doit avoir des institutions fortes. » Cela étant, la nécessité de choisir des personnes de bonne volonté pour animer ces institutions est également primordiale. Il faudra d’ores et déjà mettre fin au manque d’indépendance de certaines institutions et aux contraintes de nature économique, financière, sociale, suscitant la désaffection des citoyens.
Il faut établir une gestion participative en faisant la promotion de la démocratie locale par la décentralisation, en passant par l’organisation d’élections libres, fiables et transparentes et au niveau des partis politiques organiser des élections primaires. Il y a lieu de travailler à l’instauration d’une culture de l’alternance, un principe sacro-saint de la démocratie, de prévoir un statut de l’opposition et d’oser aller vers une bipolarisation de la vie politique qui aura pour avantage d’éliminer les nombreux partis politiques à caractère tribaliste, sans assise nationale, voire sans idéologie politique claire et dirigés par des individus guidés par des intérêts inavoués.
Une moralisation de la vie politique est souhaitable, on ne cessera de le dire. « On ne fait pas de la politique avec la morale, on n’en fait pas davantage sans » (André Malraux). Cela doit passer par l’arrêt de la pratique répandue des achats de consciences et de votes, une libéralisation encadrée des médias, une véritable lutte contre l’impunité et la consolidation de l’État de droit. La nécessité de la réinstauration des services militaires obligatoires ou des travaux d’intérêt général pour renforcer la fibre patriotique et inculquer des valeurs citoyennes se fait sentir pour parachever l’œuvre de création des nations, aux dimensions des États qui se sont imparfaitement constitués.
ENGLISH
At the school of democracy, African States have the infamous distinction of being the bad students. The construction of a true democracy is undermined by the persistence of tribal, ethnic or clanic considerations. It is therefore important to rethink democracy in Africa by abandoning the myth that African societies are incompatible with democracy because of their traditional organization. The process towards democracy initiated by Africa at the institutional level will only be truly effective with the development of a true democratic culture among the citizens.
The US president Barack Obama said in 2010, during an official visit in Ghana that: “Africa doesn’t need strong men, rather it needs strong institutions”. However, the need to choose good people to lead these institutions is also essential. There is a need to end the lack of independence of certain institutions as well as social, financial and economic constraints that cause citizen disengagement.
There is a need for a participatory management through the promotion of local democracy, decentralization, the organization of free, fair and transparent elections and the holding of primary elections within political parties. There is a need to establish a culture of alternance, a sacrosanct principle of democracy, to provide a status to the opposition and dare the venture to a polarization of politics. These measures will help eliminate the various tribalist, local and ideology-lacking political parties, led by individuals with unavowed ambitions and interests.
Better ethics in politics is desirable, and it has been stated numerous times before. “One does not do politics with morals, but one cannot be into politics without morals” (André Malraux). For this to happen, there is a need to end the widespread practice of buying consciences and votes, liberalise the media, fight against impunity and strengthen the rule of law. It is also necessary to reintroduce compulsory military service or community work in order to strengthen patriotism and instill civic values. This will complete the nation-building process in many countries where it is still incomplete.
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