Auteur : Benjamin Augé
Organisation affiliée : Institut français des relations internationales (IFRI)
Type de publication : Editorial
Date de publication : 19 janvier 2021
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Les anciennes colonies portugaises ont été parmi les dernières du continent à obtenir leur indépendance, entre 1974 et 1975. Certaines l’ont acquise à l’issue de guerres de libération (Angola, Mozambique et Guinée Bissau), d’autres de façon plus pacifique (Cap Vert et Sao Tomé et Principe). Après le coup d’État du 25 Avril 1974 à Lisbonne contre la dictature salazariste, consécutif à la «révolution des œillets», la dictature de l’Estado Novo était mise à bas et remplacée par des dirigeants démocrates qui allaient accéder aux revendications d’indépendance.
Lorsque les colonies portugaises sont parvenues à se libérer de la tutelle de Lisbonne, les dirigeants des nouveaux États souverains ont dû affronter une profonde pénurie de ressources humaines. En effet, entre 500 000 et 700 000 retornados portugais ayant occupé les postes de l’administration coloniale ainsi que des fonctions essentielles dans le secteur privé, sont repartis au Portugal. De plus, le départ du colonisateur a laissé place à des longues guerres civiles en Angola (1975-2002) et en Mozambique (1976-1992), détruisant les infrastructures des deux pays.
Sur le plan économique par exemple, la plupart des pays lusophones africains se situent très loin derrière le Portugal avec un produit intérieur brut (PIB) de 238 milliards de dollars américains (Mds USD courants) en 2019 contre 1,98 pour le Cap Vert, 1,34 pour la Guinée Bissau, 15,29 pour le Mozambique et 418 millions pour Sao Tomé et Principe.
La politique africaine du Portugal se décline en trois axes. Le premier est mené via l’Union européenne et les organismes régionaux comme la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), via les organismes panafricains (Union africaine) et via la Communauté des pays de langue portugaise (CPLP). Le deuxième axe se traduit par une coopération économique et politique avec les anciennes colonies dont l’économie (Guinée Bissau, Cap Vert, Sao Tomé et le Mozambique) et la population (excepté le Mozambique) sont relativement faibles et le dernier avec l’Angola avec lequel les liens économiques, politiques et culturels sont particulièrement denses.
Quels sont les instruments de la politique africaine du Portugal ?
Le Portugal a des moyens relativement modestes pour mener sa politique africaine. Au Ministère des affaires étrangères, le directeur Afrique dispose d’une équipe restreinte de sept diplomates faisant partie de la Direction générale des affaires politiques.
Le Portugal peut s’appuyer sur un réseau diplomatique de 18 ambassades en Afrique dont 13 en Afrique subsaharienne (contre 42 pour la France et 38 pour l’Allemagne). Mis à part ses cinq anciennes colonies, Lisbonne n’est présente que dans les plus importantes économies du continent (Afrique du Sud, Kenya, Nigeria, Ethiopie) ou encore dans quelques pays proches de pays lusophones (Zimbabwe, RDC, Namibie et Sénégal). Le Portugal est par ailleurs membre observateur de la CEDEAO.
La politique africaine du Portugal se décline en trois axes. Le premier est mené via l’Union européenne et les organismes régionaux comme la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), via les organismes panafricains (Union africaine) et via la Communauté des pays de langue portugaise (CPLP). Le deuxième axe se traduit par une coopération économique et politique avec les anciennes colonies dont l’économie (Guinée Bissau, Cap Vert, Sao Tomé et le Mozambique) et la population (excepté le Mozambique) sont relativement faibles et le dernier avec l’Angola avec lequel les liens économiques, politiques et culturels sont particulièrement denses
Au même titre que l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) et le Commonwealth sont des vecteurs d’influence sur le continent pour la France et le Royaume-Uni, la CPLP est un instrument d’influence du Portugal. Cependant, si le siège de l’institution se trouve à Lisbonne, le leadership de l’organisation est partagé avec l’Angola et le Brésil. Cette institution, créée en 1996, est un espace de promotion de la langue portugaise et un cadre d’entraide politique. Un pilier économique devrait par ailleurs être ajouté aux objectifs de l’institution – il devait être officialisé lors du sommet de septembre 2020 de Luanda repoussé à juillet 2021 pour cause de Covid-19.
Conscient de la modestie de ses moyens, Lisbonne élabore de plus en plus sa politique africaine via des coopérations aux niveaux continental et régional. Le pays a par exemple toujours été à l’avant-garde de la coopération entre l’Union européenne (UE) et l’Union africaine (UA). Il a, à ce titre, été à l’initiative du premier sommet UE/UA qui s’est tenu au Caire en 2000 puis du deuxième sommet (2007) organisé à Lisbonne durant la présidence portugaise de l’UE.
La plupart des membres du CPLP passent d’ailleurs par le Portugal pour relayer leurs doléances à l’UE. Dans le document expliquant les priorités de sa présidence de l’UE (janvier-juin 2021), le Portugal évoque à 26 reprises l’Afrique et promet de participer activement au sixième sommet UE/UA. De plus, en avril 2021, le Portugal organisera à Lisbonne, conjointement avec la Banque européenne d’investissement, un forum de haut niveau Europe-Afrique sur l’économie et les investissements verts.
Des relations spéciales avec l’Angola et plus modestes avec les autres anciennes colonies
L’Angola a un statut à part dans la politique étrangère du Portugal. Cette relation a été forgée par de profonds liens historiques, familiaux et culturels entre les élites des deux pays, une relation qui a survécu à la guerre de libération comme à la guerre civile. La période coloniale a donné lieu à un métissage luso-angolais, très représenté dans les élites angolaises. Les métis sont très présents dans l’administration et l’économie angolaise.
L’Angola est le troisième partenaire commercial de Lisbonne jusqu’à la crise de 2008. Consécutivement à cette crise, des entreprises portugaises de télécommunications, des banques et des sociétés pétrolières se retrouvent alors rachetées ou investies par des hommes et femmes d’affaires angolais. L’Angola (30 millions d’habitants), qui connait alors une croissance soutenue liée au prix du baril de pétrole et au niveau de production, atteint un PIB de 145 Mds USD en 2014 tandis que le Portugal, alors en plein marasme économique, tombe à 199 en 2015. Selon les chiffres officiels de l’observatoire de l’émigration portugais, 92 783 Portugais travaillent alors en Angola en 2017 contre seulement 7014 en 2000.
Si l’ambassade du Portugal à Luanda parait modeste avec ses cinq diplomates, la relation politique et les interpénétrations économiques luso-angolaises demeurent très fortes. Le Portugal a, pendant les dix dernières années, tenté d’étouffer certains scandales liés à cette intrication économique.
La relation politique et économique entre l’Angola et le Portugal se distingue de celles entretenues avec les autres anciennes colonies en Afrique. Pour ces dernières, on peut davantage parler de relations de coopération avec des pays en développement.
L’Angola est le troisième partenaire commercial de Lisbonne jusqu’à la crise de 2008. Consécutivement à cette crise, des entreprises portugaises de télécommunications, des banques et des sociétés pétrolières se retrouvent alors rachetées ou investies par des hommes et femmes d’affaires angolais. L’Angola (30 millions d’habitants), qui connait alors une croissance soutenue liée au prix du baril de pétrole et au niveau de production, atteint un PIB de 145 Mds USD en 2014 tandis que le Portugal, alors en plein marasme économique, tombe à 199 en 2015. Selon les chiffres officiels de l’observatoire de l’émigration portugais, 92 783 Portugais travaillent alors en Angola en 2017 contre seulement 7014 en 2000
Quant à la politique à l’égard des pays africains non lusophones, les moyens qui sont alloués par le gouvernement portugais demeurent également très limités. Certains jouent tout de même un rôle politique non négligeable comme le Sénégal, qui est un poste d’observation indispensable du Portugal afin d’appréhender au mieux le dossier bissau-guinéen. Dakar est également une capitale régionale qui compte une importante diaspora cap-verdienne (25 000 personnes).
Le Mozambique, quelles promesses pour les compagnies portugaises ?
Si l’Angola n’est plus la destination phare des travailleurs et des firmes portugaises qui ont largement pâtis de l’effondrement des prix du baril depuis 2016, le pays demeure néanmoins la tête de pont des investissements portugais en Afrique.
Les principales firmes portugaises sont actives en Angola ou au Mozambique dans la construction avec Elevo (également au Cap Vert et Gabon), Mota Engil, ou encore Teixeira Duarte, ainsi que dans les télécommunications avec VisaBeira, dans le pétrole avec Galp et dans la production d’énergie, la mobilité électrique, l’ingénierie et les transports avec EFACEC.
Ces firmes observent avec attention l’évolution du Mozambique, futur grand producteur de gaz – dont le PIB est encore aujourd’hui cinq fois plus faible que celui de l’Angola et où le PIB par habitant est l’un des plus modestes du continent (503 USD en 2019). Depuis 2010, le Mozambique a découvert de gigantesques réserves de gaz dans le domaine maritime de la province de Cabo Delgado(frontalière avec la Tanzanie). Les multinationales Total et ENI développent depuis 2017 les gisements et les premiers mètres cubes devraient être commercialisés dès 2022. L’insécurité persistante en raison de la présence d’une insurrection djihadiste dans le nord pourrait toutefois ralentir le calendrier.
Quant à la politique à l’égard des pays africains non lusophones, les moyens qui sont alloués par le gouvernement portugais demeurent également très limités. Certains jouent tout de même un rôle politique non négligeable comme le Sénégal, qui est un poste d’observation indispensable du Portugal afin d’appréhender au mieux le dossier bissau-guinéen. Dakar est également une capitale régionale qui compte une importante diaspora cap-verdienne (25 000 personnes)
Futur géant de la liquéfaction du gaz, le Mozambique est susceptible de devenir un important terrain d’opportunités pour des firmes portugaises implantées de longue date dans le pays. Ce dernier pourrait dans les prochaines années attirer une petite partie de la main d’œuvre qualifiée en partance d’Angola.
Conclusion
Le Portugal est conscient de ses faiblesses du fait d’un petit marché domestique et de la succession de crises économiques qui ont limité ses moyens financiers et sa capacité à déployer des ressources humaines dans la représentation diplomatique. Cependant, cette situation économique a forcé nombre de firmes de construction portugaises à se projeter à l’international, favorisant la création de géants dans le secteur des bâtiments et des travaux publics.
Ces firmes ne dépendent pas du soutien de l’État portugais et elles ont su acquérir depuis des décennies des parts de marché notamment en Afrique lusophone. Politiquement, l’attention du Portugal en Afrique reste focalisée sur ses anciennes colonies et leur environnement immédiat et principalement sur l’Angola avec qui la relation demeurera prioritaire et ce même si la situation économique y est aujourd’hui très difficile. Le regard reste également tourné vers le Mozambique où les premiers revenus significatifs du gaz sont attendus à l’horizon 2030.
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