Les enseignants et la qualité de l’éducation de base en Afrique subsaharienne
Thibaut Lauwerier et Abdeljalil Akkari, 2015.
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FRANÇAIS
La question cruciale et sensible des conditions de travail des enseignants est centrale pour toute analyse de la qualité de l’éducation de base en Afrique sub-saharienne. En effet, une revue de la littérature depuis 2000 confirme une précarisation de ce métier, alors même que l’enseignant est considéré comme un pilier de la qualité de l’éducation de base.
Les salaires des enseignants représentaient dans les années 1990 en moyenne plus de six fois le PIB par habitant et engageaient jusqu’à 90 % du budget éducatif national. En ce qui concerne le PNB par habitant, les enseignants en Afrique de l’Ouest, en particulier ceux du Sahel sont, en termes comparatifs, parmi les mieux payés au monde. Toutefois, une enquête d’Education International (2007) révèle que les salaires des enseignants sont faibles et généralement en dessous de la ligne de référence de la pauvreté ou du coût de la vie.
Cette situation défavorable du point de vue salarial peut pousser certains enseignants à des pratiques inefficientes. Ils sont d’ailleurs souvent la cible privilégiée des politiques et des médias : ils sont par exemple considérés comme un des corps professionnels les plus corrompus. Il leur est aussi fréquemment reproché leur absentéisme. Ainsi, n’effectuent-ils pas toujours le nombre d’heures officiel préconisé pour l’enseignement, du fait d’absences non autorisées.
Au-delà d’une précarisation de la condition enseignante du point de vue des salaires, la profession doit également faire face à des environnements d’enseignement défavorables. Par ailleurs, les enseignants n’ont pas toujours les outils nécessaires dans leur pratique pour faire face au manque de manuels ou à leur obsolescence.
Aussi, est-il important d’évoquer la question de la motivation. De nombreuses données portant sur le métier en Afrique subsaharienne ont traité du faible niveau de satisfaction des enseignants .La baisse des salaires en Afrique a eu des effets néfastes sur la qualité de l’éducation, en décourageant les enseignants, en particulier les enseignants expérimentés ayant de l’ancienneté.
À cela s’ajoute une absence de perspectives de carrière qui joue défavorablement sur leur satisfaction dans le travail. La faible motivation des enseignants dans ce contexte joue défavorablement sur la qualité de leur enseignement et a pu conduire à une instabilité institutionnelle dans de nombreux pays, avec notamment des grèves à répétition et des « années blanches ».
Finalement, le faible niveau de formation des enseignants d’Afrique subsaharienne entrave l’amélioration de la qualité de l’éducation de base. Un des moyens pour pallier en partie la carence d’une formation initiale de faible qualité en Afrique subsaharienne serait la mise en place de formations continues adéquates. Or, là aussi, la plupart des auteurs mettent en évidence la faiblesse, voire l’inexistence de celles-ci. Le plus souvent, il s’agit de formations courtes (quelques semaines, jours, voire heures) planifiées au niveau central par le ministère de l’éducation sur des thèmes spécifiques, comme l’introduction de nouveaux curricula.
Les enseignants africains ont souvent des difficultés à mettre en pratique ce qu’ils ont acquis lors de leur formation. Mais la question enseignante ne doit pas être envisagée isolément des autres dimensions de l’école. Les langues d’instruction, la disposition de supports pédagogiques ou des environnements scolaires et extrascolaires favorables sont quelques-uns des éléments qui entrent en jeu dans la qualité de l’éducation de base, et par là même, le travail des enseignants.
Il est peu probable que, dans les prochaines années, les gouvernements africains ou la coopération internationale soient capables d’investir davantage dans l’éducation de base, d’attirer de meilleurs candidats et de réformer la formation initiale et continue. Il est donc important de creuser ce qui permet dans de telles situations de faire un bond au niveau de la qualité en valorisant les potentialités pédagogiques de certains enseignants plutôt que d’insister sur ce qui ne fonctionne pas.
Les enseignants étant l’un des piliers d’une éducation de qualité, il est important de voir, au-delà des acquis scolaires quantifiables, si l’enseignant a les outils nécessaires pour permettre une éducation pertinente, c’est-à-dire qui correspond aux attentes et aux besoins des élèves et de leur communauté, pour améliorer les acquis d’apprentissage et contribuer ainsi au développement du pays.
ENGLISH
The crucial and sensitive issue of teachers’ working conditions is central to any analysis of quality of the basic education in sub-Saharan Africa. Indeed, a review of the literature since 2000 confirms casualization of this profession, even though teaching is considered a pillar of quality basic education.
Teachers’ salaries accounted for more than six times the GDP per capita on average in the 1990s and up to 90% of the national education budget was allocated to them. Regarding GDP per capita, teachers in West Africa, particularly the Sahel are, in comparative terms, among the highest paid in the world. However, a survey of Education International (2007) found that teachers’ salaries are low and generally below the reference line of poverty or the cost of living.
Salary-wise, this unfavorable situation can lead some teachers to inefficient practices. They are often the main target of politicians and media: e.g. they are considered one of the most corrupt professional bodies. They are also frequently criticized for their absenteeism. Thus, they do not always perform the official number of hours recommended for teaching, due to unauthorized absences.
Beyond a casualization of the teaching profession from the perspective of salaries, the profession must also face unfavorable educational environments. Moreover, teachers do not always have the tools in their practice to address the lack of textbooks or obsolescence.
Also, it’s important to raise the question of motivation. Many data on the trade in SSA have treated the low level of teacher satisfaction .The lower wages in Africa has had adverse effects on the quality of education by discouraging teachers, especially experienced teachers with seniority.
Added to this, a lack of career prospects that adversely plays on their job satisfaction. Low motivation of teachers in this context adversely affects the quality of their teaching and could lead to institutional instability in many countries, including repeated strikes and “white years”.
Finally, the low level of training of teachers in Sub-Saharan Africa hinders the improvement of the quality of basic education. One way to compensate in part the lack of initial training low quality would be the establishment of adequate continuing education. Yet, here again, most authors highlight the weakness or lack thereof. Most often, these short courses (a few weeks, days or hours) planned centrally by the Ministry of Education on specific themes, such as the introduction of new curricula.
African teachers often struggle to put into practice what they have learned during their training. But the teacher issue should not be considered in isolation from other dimensions of the school. The languages of instruction, the provision of teaching aids and supportive school and school environments are some of the elements that come into play in the quality of basic education, and thus, the work of teachers.
It is unlikely that in the coming years, African governments or international cooperation are able to invest more in basic education, attract better candidates and reform the initial and continuing training. It is therefore important to dig allowing in such situations to make a leap in quality level by enhancing the educational potential of some teachers rather than dwell on what is not working.
Teachers are one of the pillars of quality education, so it is important to see beyond measurable learning outcomes, if the teacher has the tools necessary to enable relevant education, that is to say, which corresponds to the expectations and needs of students and communities to improve learning outcomes and contribute to national development.
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