L’Afrique est-elle partie ?
Les expériences régionales
Auteurs
Karl Wohlmuth Professor University of Bremen, Germany / Director, Research Group on African Development Perspectives/ Chief Editor of the African Development Perspectives Yearbook
Léonard Matala-Tala Maître de Conférences, Université de Lorraine
Koffi Nutefé Tsigbé Maître de Conférences d’histoire contemporaine, Université de Lomé
Koffi Bakayota Kpaye Enseignant-chercheur,Université de Lomé
Ndiack Fall Enseignant – chercheur Université Cheikh Anta Diop, Dakar
Towards Transformative Regional Integration and Measuring Integration Progress
The Linear Regional Integration Model and the Reality of African Regionalism
Economists describe the process of regional economic integration in Africa largely as a failure in terms of trade, investment, global and regional value chains, skilled labour and entrepreneurship mobility, business cooperation, and policy coordination. But, the steps towards the Lagos Plan of Action, towards the African Economic Community (AEC), and towards NEPAD are successes as they provide a frame for continent-wide action, which is based on a common vision.
But, the processes of regional economic interaction and of policy coordination have nonetheless contributed directly and indirectly to deeper forms of regional integration. Looking at the direct effects regional integration was strengthened because trade between border areas was always important, capital flows occurred to countries in the region with more effective macroeconomic policies, skilled labour moved to places with higher salaries and better working and doing business conditions, and regional government to government cooperation was always used as a tool to strengthen the countries of the region in their third-country negotiations (with EU, USA, China, World Bank, IMF, and WTO).
The whole regional integration process was trade liberalisation-centred. It was assumed that the “behind-the-border trade barriers” will be eliminated in tandem with the “border barriers”. This model was taken from the classical theories of regional integration and borrowed from experiences of the European Union (EU) and some Asian and Latin American regions (like ASEAN and MERCOSUR), with strong states and strong institutions in Europe and significant business-to-business cooperation in Asia and Latin America (Ebaidalla/Yahia 2016).
The focus was and still is on border trade barriers. Therefore, the neglect of behind the border trade liberalisation measures in regional integration negotiations led to biases in the whole process. The lack of coordination of trade policies with market policies, infrastructure policies, competition policies, investment policies, entrepreneurship and skills development policies, and mobility-enhancing policies has impeded progress in regional integration.
RoO can be used as a protective and as a liberalising instrument, and government administrations may change their character quickly and often. Although RoO are important as key border trade barriers, action is needed on both, border trade barriers (BTBs) and behind-the-border trade barriers (BTBTBs); these two groups are therefore parts of the broader concept of “trade facilitation”.
Le rôle et la place des communautés économiques régionales dans le développement de l’Afrique
Pour harmoniser les législations et les pratiques, la création d’un mécanisme officiel de suivi permettrait « d’identifier, de manière rationnelle et objective, les pays réalisant le plus de progrès en matière d’intégration régionale, les domaines dans lesquels certains pays prennent du retard, et les politiques et institutions qui s’avèrent les plus efficaces dans leurs efforts de promotion de l’intégration régionale » (Davis, 2016). En outre, les États devraient habiliter leurs CERs à disposer des ressources propres pour remplir leurs missions. Sans tout cela, il sera difficile d’atteindre les objectifs du traité d’Abuja.
Une quête continue et ardue d’un rôle effectif sur le terrain
Les initiatives pour renforcer l’intégration africaine ne manquent pas : zone de libre-échange continentale, zone de libre-échange tripartite, ou tarif extérieur commun en Afrique de l’Ouest. Les CERs devraient conduire l’Afrique à abandonner son statut de fournisseur de produits de base (Dieye, 2015) et de matières premières qui la confine actuellement au bas des chaînes des valeurs globales.
Le fonctionnement voire la survie des CERs est fortement tributaire des États membres. En effet, tant que « les dirigeants nationaux conservent la main haute dans les instances de décision, les CERs restent très timides lorsqu’il s’agit de dénoncer des cas de fraude électorale ou de répression policière organisée par les États ». Pour sortir de cette impasse, des États locomotives devraient émerger au sein de chaque CER, à l’image du couple franco-allemand, pour faire avancer l’intégration régionale. Pour le moment, la situation politique des États comme l’Algérie, le Nigeria, la République démocratique du Congo, l’Angola et la République Sud africaine, qui pourraient jouer ce rôle, fragilisent le processus. C’est là l’un des handicaps qui affectent ces organisations qui se cherchent encore.
L’Union africaine et les CERs devraient « prendre des mesures fortes pour restaurer et maintenir la paix et la stabilité dans les régions touchées par des conflits » (UNECA/OCDE, 2015 : 7). Dans cette perspective, elles méritent un soutien ferme des États africains. Elles devraient aussi prendre les devants dans les négociations internationales. L’article 6 de l’Accord de Cotonou reconnaît aux CERs le rôle d’acteur. A ce titre, elles reçoivent une assistance technique et financière de l’Union européenne notamment pour le renforcement de leurs capacités institutionnelles, la création de marchés régionaux intégrés, le soutien au secteur privé et le raccordement des réseaux d’infrastructures entre eux. Toutefois, il importe d’impliquer davantage les CERs dans ce partenariat entre l’Afrique et l’Union européenne, car elles ont actuellement un rôle marginal.
A l’origine, la plupart de mécanismes transfrontaliers coloniaux ont été maintenus après les indépendances africaines afin d’appuyer le programme d’intégration régionale. C’est ainsi que l’ancienne Communauté financière africaine (CFA) avec son Franc a été intégrée à la CEDEAO et à la CEMAC. En 1994, le traité d’Abuja appelle à instituer une Communauté économique africaine en jetant les bases d’une intégration africaine dont les Communautés économiques régionales (CERs) sont les principaux vecteurs. De nombreux arguments plaident pour le renforcement de l’intégration régionale africaine : faiblesse des échanges internes, perméabilité des frontières, vétusté ou absence des infrastructures. Cette dimension économique fait partie d’un dispositif qui justifie les aides des bailleurs de fonds tandis que la mondialisation relance la question des ‘territoires pertinents’ pour les échanges mondiaux.
Une existence juridique incontestable mais des moyens limités
Sur les 54 pays africains (Gbaguidi 2013 : 51), 27 sont membres de 2 groupements régionaux, 18 appartiennent à 3 groupements, 1 pays est membre de 4 groupements tandis que 8 pays seulement ne sont membres que d’un seul groupement. Toutes les CERs africaines poursuivent les mêmes objectifs : intégration économique, libre circulation, établissement d’une union douanière précédant une union économique et monétaire et une union politique, le tout sur fond de paix et sécurité. Elles ont toutes des structures institutionnelles multiples avec un grand écart (Vanheukelom et al. 2016) entre leurs objectifs et les fonctions qu’elles remplissent réellement.
La question de la libre circulation des biens dans l’espace CEDEAO (1975 – 2015)
L’intégration commerciale dans l’espace CEDEAO vue par les textes
Dès sa création, la CEDEAO (composée de 15 pays aujourd’hui) a fait de la libre circulation des biens, l’un de ses objectifs majeurs dans le contexte de l’intégration sous-régionale. À cet égard, la libre circulation des biens consiste à permettre aux produits ou marchandises originaires des États membres de franchir les frontières sans être soumis à la fiscalité de porte (droits de douane et autres droits et taxes) qui frappe exclusivement les produits étrangers lors du franchissement des frontières4. Plusieurs instruments juridiques ont été adoptés à cet effet, en vue de créer un cadre réglementaire pour la libre circulation des biens.
Par ailleurs, en vue de compléter le Protocole A/P1/5/79 relatif à la libre circulation des personnes, le droit de résidence et d’établissement, adopté à Dakar le 25 mai 1979, le Conseil des ministres de la CEDEAO a adopté la Décision C/DEC.8/11/79. Celle-ci porte sur l’exonération totale des droits de douane et taxes, la libre circulation des marchandises sans aucune restriction quantitative ainsi que le non-paiement d’une indemnité pour perte de recettes résultant de l’importation. Cette décision a amorcé le processus de libéralisation des échanges dans l’espace communautaire.
Par la suite, d’autres textes additionnels ont complété les dispositions du Traité. Ce sont essentiellement :
– la Convention A/P4/5/82 du 29 mai 1982 portant institution du Transit routier inter-états de marchandises (TRIE) ;
– le Protocole A/P.1/1/03 du 31 janvier 2003 relatif à la définition de la notion de produits originaires des États membres de la CEDEAO ;
– le Règlement C/REG.4/4/02 relatif à l’adoption d’un certificat d’origine des produits originaires de la communauté.
Dans l’ensemble, ces textes garantissent la liberté de circulation en franchise de tout droit de porte des produits du cru, de l’artisanat traditionnel et industriels originaires des États membres de la CEDEAO.
Des réalités de terrain qui contrastent avec les dispositions juridiques
Il n’est pas superflu de rappeler que, le mode d’intégration pour lequel la CEDEAO a opté est celui par le marché. Pour y parvenir, il faudrait réaliser : (i) la libéralisation des échanges, (ii) l’établissement d’un tarif extérieur commun et (iii) la suppression entre les États membres, des obstacles à la libre circulation des personnes, des biens et des services8.
À la vérité, le choix même de ce mode d’intégration pose problème, du fait « qu’il ne semble adapté qu’aux économies complémentaires, ce qui n’est pas le cas en Afrique occidentale » (Ahadzi-Nonou, 2009). Les conséquences sur la libre circulation des biens sont évidentes. En effet, si les produits du cru et de l’artisanat circulent librement dans l’espace communautaire, les produits industriels notamment les matériaux de construction, eux, circulent moins. Sur le terrain, certains produits tels, les poissons, l’eau minérale, etc. font face aux obstacles de tous ordres empêchant leur libre circulation dans les pays membres. D’autres sont carrément refoulés aux frontières de certains États (Kassah-Traoré 2010 : 169). L’espace communautaire étant constitué de plusieurs zones linguistiques, la situation est bien pire lorsqu’on passe d’une zone à l’autre.
À l’intérieur d’une même zone linguistique, la multiplicité des points de contrôle officiels sur les axes routiers constitue en elle un obstacle à la libre circulation des biens, dénoncé par les usagers, puisqu’il y règne une lenteur réelle dans les formalités administratives. Par exemple, sur l’axe Lomé-Ouagadougou distant de 986 km, il existe 34 postes de contrôle. De Niamey à Ouagadougou (529 km) il en existe 20. À ces différents postes, il existe des faux frais et des pourboires qui dérogent à toutes les réglementations en vigueur. Face à cette situation, il se développe le commerce de contrebande au sein de l’espace communautaire, à travers des réseaux commerciaux qui échappent peu ou prou au contrôle des douaniers.
Les obstacles ci-dessus évoqués n’ont pu émerger que sur le terreau de l’insuffisante volonté politique. Celle-ci se manifeste entre autres, par le fait que plusieurs États membres ne sont pas toujours à jour dans leur contribution au budget de l’Organisation.
Santé et croissance économique dans les pays de l’union économique et monétaire ouest africain (UEMOA)
Dans un contexte où pratiquement tous des pays de l’UEMOA, mettent en place des programmes de couverture sanitaire universelle, la question de l’effet de la santé sur la croissance économique se pose.
La mesure de l’efficacité du système de santé n’est pas chose aisée car elle repose sur des concepts qualitatifs et subjectifs comme l’amélioration de la qualité de vie ou de l’état de santé. L’évaluation des performances économiques attribuables au secteur de la santé est encore beaucoup plus difficile et ces évaluations peuvent être de plusieurs natures parmi lesquelles, nous pouvons citer :
– une évaluation de la contribution de la santé à l’efficacité du système productif au niveau microéconomique ou macroéconomique (Kocoglu et Rodrigo, 2009) ;
– l’effet positif que la hausse de l’espérance de vie aurait sur l’épargne et la croissance (Zhang, Zhang et Lee, 2003) :
– la baisse de la mortalité infantile, qui réduit le taux de fécondité ; ce qui, en limitant la croissance de la population totale, favorise celle du PIB par habitant (Lee, 2003) ; Galor, 2005) et Murtin, 2009).
Par ailleurs, la relation entre taux de croissance et état de santé a été, durant la période 1950-1980, présentée et analysée dans le sens allant de la croissance vers l’amélioration de la santé. En effet, il semble être admis que l’augmentation du revenu moyen dans une économie permettrait aux individus et à la société de mieux prendre en charge les problèmes de santé et que donc, la croissance améliore l’état de santé général de la population.
Dans les pays de l’UEMOA, l’amélioration de la situation économique et financière se poursuit depuis 2012 sous l’effet de l’accroissement des investissements et de bonnes conditions climatiques dans plusieurs États membres. Toutefois, des risques pèsent sur ces perspectives, notamment la baisse de la demande en provenance de la Zone euro, principal partenaire économique de l’UEMOA, la crise sécuritaire dans la zone du sahel qui se généralise de plus en plus avec les attentats de Ouagadougou et d’Abidjan, l’épidémie de la fièvre à virus Ebola et les éventuelles crises sociopolitiques.
En effet, l’impact de l’épidémie d’Ebola sur le bien-être économique a opéré à travers deux principaux canaux distincts. Il y a les effets directs et indirects de la maladie et de la mortalité. Ces effets se traduisent, d’une part, par une hausse des dépenses publiques en soins de santé et d’autre part par une soustraction des personnes temporairement ou définitivement du marché du travail. Il y a également les effets comportementaux résultant de la peur de la contagion. Les conséquences sont nombreuses : la fermeture des lieux de travail ; la fermeture des frontières terrestres ; des restrictions à l’entrée des citoyens de pays touchés ; la limitation des échanges, des voyages et du commerce [(annulation de vols commerciaux réguliers et réduction du service de transport et de fret (The World Bank Group, 2014)].
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