Les leçons non apprises de l’opposition politique en Afrique de l’Ouest
D’une année à l’autre, d’une élection à l’autre, les constats sur les performances des partis d’opposition dans bon nombre de pays ouest-africains sont les mêmes. La présentation d’une foison de candidats et les dissensions internes font que la barre des 10 % des votes n’est généralement pas atteinte. Les formations politiques de l’opposition ne tirent pas les leçons de leurs échecs qui ne s’expliquent pas exclusivement par le manque de ressources financières, la fraude ou les choix à tendance ethnique. Elles ne jouent pas suffisamment leur rôle de contrepoids et d’acteurs de la consolidation de la démocratie.
La limite des candidatures multiples aux élections
Si la vague de démocratisation dans les années 1990 a consacré l’avènement du multipartisme en Afrique de l’Ouest, l’on est en droit de poser un regard critique sur la plus-value de ce système tel que pratiqué dans notre espace régional. Le multipartisme, nourri par des aspirations étriquées ou tout simplement appliqué comme une fin en soi, tarde à se décliner en instrument de consolidation effective de la démocratie. Cette situation est plus manifeste dans les pays francophones de la région.
Les tendances observées dans la partie anglophone à l’instar du Ghana en 2013 et du Nigéria en 2015 indiquent un regroupement autour de candidats « poids-lourds »[1], tandis que dans la partie francophone, les candidatures multiples semblent être privilégiées. Cette stratégie a abouti davantage à des déboires qu’à des résultats probants.
Cette année 2015 donne suffisamment d’indications sur le poids électoral des formations politiques issues de l’opposition dans la région. En octobre dernier, sur les huit opposants candidats à la présidence guinéenne, les cinq ont obtenu un résultat d’environ 1% du vote de leurs concitoyens selon les chiffres officiels de la Cour constitutionnelle. En Côte d’Ivoire, sur les dix candidats en lice à l’élection présidentielle, Pascal Affi N’guessan, le principal opposant au président sortant Alassane Ouattara, a obtenu moins de 10% des suffrages exprimés.
Cette tendance à la faiblesse de l’opposition aurait pu être renversée au Burkina Faso qui va boucler la boucle des élections de 2015 en Afrique de l’Ouest. Le 29 novembre prochain, quatorze candidats vont briguer la magistrature suprême à l’occasion d’une élection historique devant mettre fin à la transition que connait le pays depuis le départ de Blaise Compaoré en octobre 2014. On peut hélas déjà évoquer une occasion manquée pour la classe politique de faire bonne figure autour d’une poignée de candidats et/ou de partis proposant de vrais projets de société conformes aux aspirations de changement du peuple burkinabé.
Si les élections constituent des événements importants ponctuant la vie politique d’une nation, elles ne doivent pas constituer le ‘terminus’ des partis d’opposition.
La grande pluralité des acteurs de l’opposition a partiellement ou totalement entrainé des dissensions au sein des formations politiques et/ou des coalitions qu’elles forment à l’approche des élections. Il existe d’innombrables exemples de ces pratiques dans la région ouest-africaine. N’arrivant pas à s’entendre, les partis d’opposition vont en rangs dispersés aux élections, pour le plus grand bonheur du parti ou de la coalition au pouvoir.
Les grands perdants dans ce scénario de divisions sont les populations qui se retrouvent ainsi condamnées à vivre des décennies durant sans véritable alternance, sans perspective de changement. Au Burkina Faso, les données seront certes quelque peu différentes en raison de la situation exceptionnelle de transition et de l’absence d’un président sortant candidat à une réélection.
Mettre en place des stratégies de conquête du pouvoir au-delà des échéances électorales
Si les élections constituent des événements importants ponctuant la vie politique d’une nation, elles ne doivent pas constituer le ‘terminus’ des partis d’opposition. Ces derniers se doivent, aux côtés des autres forces vives de la nation, de veiller à ce que les dirigeants élus s’inscrivent dans la trajectoire de la bonne gouvernance économique, politique et sociale. Il devient crucial pour les partis d’opposition de faire un bilan de leurs participations aux joutes électorales.
La crédibilité des partis de l’opposition auprès des populations passe par un certain nombre d’actions. Voici une liste non exhaustive d’initiatives à entreprendre à court, moyen et long terme :
- L’organisation d’assises de l’opposition, suivies de réunions d’évaluations ;
- La création ou la fréquentation de centres de formation politique à l’instar du Centre international de formation politique Kwamé N’Krumah établi à Ouagadougou en février 2015 ;
- L’organisation de campagnes de proximité et d’information sur les propositions tant dans les zones urbaines que rurales, et pas seulement pendant les périodes électorales ;
- Le choix de candidats sérieux présentant les meilleurs profils et ayant une expérience reconnue dans leurs domaines;
- L’exercice de la démocratie au sein même des partis pour en assurer la vitalité, le renouvellement et la crédibilité.
Il est vrai que les actions proposées ne suffisent pas à rendre plus attractifs les partis d’opposition qui font face aux problèmes de liberté d’expression, d’indépendance de la justice et d’allocation équitable de ressources dont les Etats doivent se porter garants. Les stratégies de conquête de l’électorat requièrent des moyens financiers conséquents. Cette réalité est une raison de plus pour encourager la formation de partis politiques moins nombreux et plus forts dans tous les pays d’Afrique de l’Ouest.
[1] Akufo-Addo est arrivé deuxième à l’élection présidentielle du Ghana avec près de 48% en 2012, tandis que Goodluck Jonathan a obtenu une performance similaire avec 45% des voix au Nigéria en 2015.
Myriam Wédraogo travaille pour la coopération allemande au développement depuis 2010, en tant que conseillère en paix et sécurité près de la Commission de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Elle a fait des études en paix et sécurité à l’université de King’s College à Londres dans le cadre d’un programme de bourses dédié aux femmes africaines. Myriam a aussi été journaliste et productrice d’émissions radio portant notamment sur les questions de citoyenneté, d’inclusion démocratique et de genre en Afrique de l’Ouest. Myriam est membre de WATHI.
1 Commentaire. En écrire un nouveau
Madame,
Je vous remercie pour votre article. Mais pour moi, votre publication participe de ce que j’ appelle de l’opposition bashing qu’on constate à chaque fois dans nos pays africains? Dans les grandes démocraties que nous imitons montrer moi une opposition unie? Regarder la France? Dans aucun pays démocratique l’opposition n’a pas vocation à s’unir. Mais a animer le débat politique et permettre une offre politique diversifiée pour permettre aux populations de faire le choix. Comme l’a dit Jean Luc Mélenchon, les politiciens n’ont pas vocation en s’entendre. En le faisant ils privent le peuple du choix. A la limite on peut reprocher à nos oppositions de ne pas avoir de plate forme qui leur permet de se retrouver au second tour ou après les élections pour peser sur les grandes orientations du pays.
L’autre problème aussi, tout le monde semble découvrir les oppositions à l’approche des élections. Alors que rien n’est fait pour permettre aux oppositions d’exister, d’occuper l’espace républicain et formuler de façon permanente leur alternative aux populations. Pas de financement, pas d’accès aux médias publics, tracasserie des leaders. A quel moment va pouvoir se faire entendre? Donc le débat c’est de savoir si nos pays et la majorité qui gouverne reconnaissent un rôle à l’opposition dans la république et dans le débat public et lui garantit ses droits? Le vrai problème qui plombe l’opposition c’est la démocratie de façade que nous avons dans nos pays. C’est ça qu’il faut corriger au lieu de s’en prendre aux opposants. Ils méritent plutôt notre respect et notre encouragement.