Michaël C.E.N. Matongbada
La nécessité d’une coopération entre les États africains de manière générale et ceux ouest- africains dans divers secteurs (économie, sécurité, Politique) n’est plus à démontrer. Malgré ses limites actuelles, l’Union européenne en est un exemple puisqu’elle est parvenue à surmonter certains de ces défis majeurs cités.
L’Afrique de l’Ouest, composée de 15 États, compte à elle seule cinq (05) organisations sous-régionales et régionales à savoir : le Conseil de l’Entente, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), l’Union économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), l’Union des pays du fleuve MANO et la plus récente qui est le G5 Sahel. Elles partagent toutes le même objectif: celui de renforcer l’intégration. Cette pléthore d’organisations suscite une interrogation face aux questions multiples auxquelles notre sous-région fait encore face.
De multiples organisations dans la région pour un même objectif?
Comprendre la motivation de la création des blocs sous régionaux et régionaux est important pour mieux appréhender la pertinence de ces institutions. Le Conseil de l’Entente est la plus vieille des organisations ouest-africaines. Sa création en 1959 partait du désir d’en faire un instrument de solidarité financière et diplomatique. Quant à la CEDEAO, elle a vu le jour en 1975 à Abuja au Nigéria, avec un objectif purement économique : le développement économique accéléré et durable des États membres aboutissant à l’union économique de l’Afrique de l’Ouest. En 1994 à Dakar, l’UEMOA naît de la volonté des Chefs d’État d’édifier un espace économique harmonisé et intégré en assurant une totale liberté de circulation des biens, services, capitaux et des personnes… sur l’ensemble du territoire communautaire. L’Union des pays du fleuve MANO, créée en 1973 et relancée en 2004 a pour finalité la coopération et l’intégration régionale. Elle regroupe Liberia, la Sierra Leone, la Guinée et la Côte d’Ivoire. En 2014, naît le G5 Sahel suite aux défis communs de développement et de sécurité auxquels le Niger, le Tchad, le Mali, le Burkina-Faso et la Mauritanie font face.
Cette pléthore d’organisations suscite une interrogation face aux questions multiples auxquelles notre sous-région fait encore face
À l’exception du G5 Sahel, les organisations de la sous-région ont toutes un objectif économique. Il est vrai que la CEDEAO, face aux défis sécuritaires actuels, mènent d’importantes missions de résolution de conflits et de maintien de la paix dans la région (Gambie, au Nigéria ou au Mali). Il importe alors de se demander pourquoi l’Afrique de l’Ouest n’a toujours pas atteint cet idéal de développement économique recherché depuis 1959. L’existence d’une panoplie d’organisations pour la même cause serait-elle un frein ?
Multiplicité des organisations en Afrique de l’Ouest : avantages ou inconvénients?
Le travail réalisé par les organisations régionales ne peut être totalement peint en noir. En effet, des avancées importantes ont suivi la création de ces institutions . Parmi elles, nous pouvons dénombrer :
- L’union douanière de l’Afrique de l’Ouest ;
- La libre circulation des personnes et des biens dans l’espace ouest-africain ;
- La création de la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières ;
- L’augmentation du commerce intra régional ;
- Les progrès dans la définition des politiques sectorielles et la surveillance multilatérale ;
- Le règlement des conflits dans la sous-région (le cas de la Gambie en est un exemple)
Cependant, il reste encore de nombreux chantiers non couverts par ces organisations malgré leurs nobles ambitions. Les retards dans les progrès économiques ont des causes profondes. La multiplicité des organisations qui regroupent pratiquement les mêmes États pose un problème de coordination et d’harmonisation des actions. En effet, le Conseil de l’Entente, la CEDEAO, et l’UEMOA poursuivent des buts similaires, en mettant en place des stratégies semblables.
La multiplicité des organisations sous régionales et régionales ne saurait favoriser le développement de l’Afrique de l’Ouest
Un décalage persiste entre les décisions prises et les actions qui sont effectivement menées (c’est le cas de la CEDEAO lors des missions de résolution de conflits ou encore le G5 Sahel dans ses politiques d’intervention dans la région du Sahel). Cette situation est liée à des ressources financières et militaires limitées dans les cas des opérations de maintien de la paix. De plus, ces institutions se servent des mêmes sources de financement internes et externe, ce qui constitue une réelle limite financière pour l’aboutissement de leurs divers projets. Il existe une guerre de leadership au sein de ces organisations. Chose curieuse, la CEDEAO, l’UEMOA, le Conseil de l’Entente ou encore le G5 Sahel constituent des « gâteaux » que les chefs d’Etats se partagent. Il aura fallu assez de tractations avant que le président du Sénégal Macky Sall cède la présidence de la commission de l’UEMOA à son homologue du Niger, le président Mahamadou Issoufou, lors de la dernière session tenue à Abidjan le 10 Avril 2017.
Pour une Afrique de l’Ouest débarrassée des conflits, une approche inclusive et coordonnée est indispensable pour répondre aux réelles attentes des populations. Dans cet ordre d’idées, la multiplicité des organisations sous-régionales et régionales ne saurait favoriser le développement de l’Afrique de l’Ouest. Il est urgent d’ harmoniser les prérogatives des organisations sous- régionales et régionales avec une focalisation de chacune d’elles sur un volet précis. La souveraineté, l’endogénéisation des solutions et un mode financement interne sont de mise pour un décollage effectif de la région .
Crédit photo : leral.net
Michaël C. Matongbada est diplômé en statistiques. Il est intéressé par les questions de paix et de sécurité dans les pays de l’Afrique de l’Ouest et du Sahel. Il est également volontaire pour le think tank citoyen de l’Afrique de l’Ouest, WATHI.