Partie III: les recommandations du rapport
Les auteurs
L’Office national de lutte contre la fraude et la corruption, OFNAC, est une autorité administrative indépendante de l’Etat du Sénégal créée par la loi N° 2012-30 du 28 décembre 2012, votée à l’unanimité par l’Assemblée Nationale. Son champ de compétence couvre la prévention, la sensibilisation ainsi que la lutte contre la fraude, la corruption, les infractions connexes et les pratiques assimilées.
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Macky Sall, élu président du Sénégal en 2012, a affirmé sa volonté de mettre en place une gouvernance basée sur la vertu et la sobriété. Cette volonté a été traduite quelques mois plus tard par la création de l’OFNAC, l’organe chargé de lutter contre les faits de corruption et de fraude au Sénégal. Nous avons porté notre choix sur le rapport de l’OFNAC car il constitue une source officielle d’informations précises sur le fléau majeur de la corruption et de l’impunité qui l’encourage dans les pays de la zone WATHI. Le rapport de cette institution permet d’exposer les abus dans l’utilisation de l’argent public et de graves malversations par la mise en évidence d’exemples précis.
Le rapport fait état des plaintes et dénonciations provenant des populations, des enquêtes et investigations, des audits et vérifications diligentés par l’OFNAC. Il présente également une série de recommandations sur le renforcement du cadre de lutte contre la corruption au Sénégal et l’efficacité de l’OFNAC dans ses missions. WATHI avait fait ce choix avant le déclenchement d’une polémique au Sénégal à propos de ce rapport. Le 25 juillet 2016, le président Macky Sall a nommé la magistrate Seynabou Ndiaye Diakhaté en remplacement de Nafi Ngom Keïta, présidente de l’OFNAC depuis 2013, décision interprétée dans la presse locale comme un limogeage. La polémique confirme la sensibilité politique de la question de la corruption au Sénégal et invite d’autant plus à se pencher sur le contenu de ce rapport.
Parmi les recommandations du rapport, trois pistes d’action devraient faire l’objet d’une attention particulière de la part des autorités politiques, des décideurs économiques du Sénégal et des citoyens, qui paient le prix le plus élevé de la corruption et de la mauvaise gouvernance. Ces recommandations peuvent aussi inspirer d’autres pays de la région où la mise en place d’une stratégie efficace de lutte contre la fraude et la corruption apparaît indispensable et urgente :
- La mission de l’OFNAC doit être renforcée pour lui permettre d’accroître sensiblement les ressources humaines de son Bureau des plaintes et dénonciations et de son Département des enquêtes et investigations. Le renforcement des effectifs dans ces services permet d’accroitre la célérité dans le traitement des dossiers et l’efficacité de l’OFNAC. L’ouverture d’antennes régionales permettra également de rapprocher l’organe des populations à travers une campagne de sensibilisation sur les méfaits de la corruption au Sénégal.
- La puissance étatique doit relever de leurs fonctions les responsables qui entravent l’exécution normale d’une mission de vérification de l’OFNAC et prendre toutes les mesures utiles pour qu’il ne leur soit plus confiée la direction d’un organisme public. Cette disposition permettra aux équipes de l’OFNAC de mener leurs missions dans un cadre de coopération avec les dirigeants des organismes du service public.
- L’Etat doit s’assurer de la mise en place dans le milieu scolaire et universitaire de programme de formation et de sensibilisation sur les méfaits de la corruption en misant sur une démarche participative impliquant l’ensemble des acteurs concernés. Il devra veiller à adapter les contenus de ce programme en fonction de l’âge des interlocuteurs et une prise en compte de certaines contraintes (volume horaire par exemple). La sensibilisation sur la prévention de la corruption à ces deux niveaux du système éducatif sénégalais peut connaitre des résultats probants dans l’avenir.
Extraits choisis du document
Les extraits suivants proviennent des pages : 150, 151, 152, 153
Recommandations
Gestion des plaintes et dénonciations
Recommandation 1 :
Renforcer les moyens financiers de l’OFNAC, notamment en prenant les mesures appropriées, afin de lui permettre de percevoir un certain pourcentage des avoirs recouvrés à l’issue de ses travaux d’enquête, d’investigation, d’audit et de vérification d’une part, et sur certains fonds destinés à la lutte contre la corruption, la fraude et l’évasion fiscale ainsi que ceux dédiés à l’équipement de certaines régies financières, d’autre part.
Recommandation 2 :
Renforcer l’appui consenti à l’OFNAC pour lui permettre :
– d’accroître, sensiblement, les ressources humaines du Bureau des Plaintes et dénonciations et du Département des Enquêtes et Investigations ;
– de parvenir à une plus grande proximité avec les populations, grâce notamment à l’ouverture d’antennes régionales.
Recommandation 3 :
Faire prendre les mesures nécessaires pour que les Responsables des structures sanitaires renforcent la fonction « accueil » dans leurs services et effectuent une sélection rigoureuse des personnes devant occuper ces postes, en mettant l’accent sur l’intégrité, l’ouverture d’esprit et la disponibilité. Par ailleurs, ils devront également veiller au strict respect des règles déontologiques en évitant les conflits d’intérêt.
Recommandation 4 :
Pour une meilleure protection de l’intérêt des jeunes, faire prendre les mesures nécessaires en vue d’un encadrement strict des activités de recrutements massifs de candidats, notamment celles comportant un paiement de frais de dossier ou d’inscription.
Recommandation 5 :
Relever de ses fonctions, le Directeur du COUD pour entrave à l’exécution normale d’une mission de vérification et prendre toutes les mesures utiles pour qu’il ne lui soit plus confié la responsabilité de diriger un organisme public.
Recommandation 6 :
Finaliser et présenter à la signature de Monsieur le Président de la République le projet de décret portant transposition dans le droit interne sénégalais de la directive n° 03/2012/CM/UEMOA du 29 juin 2012 portant sur la comptabilité des matières appartenant à l’État, aux Collectivités locales et aux Établissements publics.
Recommandation 7 :
Prendre les mesures pertinentes, pour renforcer la rigueur dans la tenue de la comptabilité des matières dans les structures publiques, par une formation adéquate des agents concernés et par un contrôle plus strict sur cette comptabilité. Veiller au respect de la réglementation financière, en général, par des contrôles plus fréquents dans les collectivités locales.
Recommandation 8 :
a. Renforcer les moyens financiers de l’OFNAC afin de lui permettre de mettre en œuvre le Programme de recrutement de cinquante (50) praticiens comprenant : des enquêteurs, des investigateurs, des auditeurs et vérificateurs, sur la période 2016 – 2020.
Cet effectif sera pluridisciplinaire, intégrant des fiscalistes, des spécialistes des questions foncières et domaniales, des analystes financiers et patrimoniaux, des spécialistes en audit des systèmes d’informations, des spécialistes en forensic, etc.
b. Envisager une réforme de la loi n° 2012 30 du 28 décembre 2012, portant création de l’OFNAC, afin d’y inclure des dispositions de nature à renforcer les prérogatives de l’Office en matière d’enquête et d’investigation.
Programme préventive et mobilisation sociale
Recommandation 9 :
Veiller à intégrer dans les programmes scolaires et universitaires la prévention de la corruption, en adoptant une démarche participative impliquant l’ensemble des acteurs concernés, et en veillant à adapter les contenus à l’âge des jeunes, avec une prise en compte de certaines contraintes (volume horaire par exemple).
Recommandation 10 :
Mettre en place des cellules d’intégrité et d’exemplarité (CIE) au sein des établissements scolaires et universitaires en vue de semer chez les jeunes la graine de l’intégrité et de l’exemplarité.
Déclaration de patrimoine
Recommandation 11 :
Renforcer le système sénégalais de déclaration de patrimoine en prenant les mesures ci-après :
- rendre plus dissuasives les sanctions prévues en cas d’inobservation de l’obligation de déclaration par un assujetti ;
- appuyer la digitalisation intégrale du processus de déclaration de patrimoine ;
- élargir l’assiette des assujettis sur la base d’une bonne identification des risques pour cibler par exemple les personnes dont la signature ouvre l’accès à des ressources naturelles, les personnels chargés de missions de contrôle les mettant en relation avec des entités gérant des ressources substantielles, les acteurs habilités à trancher les litiges, ainsi que les membres
de l’OFNAC ; - prévoir une prise en charge par l’État des frais relatifs à la déclaration de patrimoine des personnes assujetties, notamment les frais d’expertise de certains biens immobiliers.
Recommandation 12 :
Faire prendre les mesures nécessaires pour mettre en conformité notre cadre juridique avec la Convention des Nations Unies contre la Corruption, afin d’accroître son efficacité dans la prévention et la répression de la corruption.
Recommandation 13 :
Impératif du renforcement de la gouvernance foncière
Recommandation 14 :
Faire prendre des mesures pour la protection des citoyens sénégalais en matière d’accès à la terre et à la propriété bâtie, en renforçant l’encadrement et le contrôle des activités des promoteurs immobiliers.
Recommandation 15 :
Prendre les mesures nécessaires en vue de :
- renforcer les initiatives pour une meilleure prise en compte de la problématique des valeurs dans la gouvernance publique en général, en veillant notamment à encadrer, de façon stricte, l’implication dans la politique des hauts cadres de l’Administration.
- finaliser le projet d’élaboration d’un Code de déontologie pour les agents publics, initié par le Ministère chargé de la Fonction publique.
Système de valeurs et politisation de l’administration
Recommandation 16 :
Renforcer la moralisation de la vie publique par un encadrement du financement des partis politiques et des candidats à des postes électifs, afin d’assurer une meilleure protection des ressources publiques.
Recommandation 17 :
Améliorer la gouvernance des ressources naturelles en prenant les mesures suivantes :
- renforcer les capacités techniques des acteurs intervenant dans l’élaboration des conventions et la gestion des ressources naturelles ;
- augmenter les équipements et le personnel chargé du contrôle;
- mettre à la disposition du public toutes les informations utiles, conformément aux règles de transparence ;
- assujettir à la déclaration d’intérêts et de situation patrimoniale, les agents intervenant dans la gestion des ressources naturelles.
Recommandation 18 :
Prendre des mesures pour lutter contre les actes d’indiscipline et d’incivisme, afin d’améliorer le cadre de vie des citoyens et de prévenir la fraude et la corruption, à travers notamment :
- l’adoption de sanctions pécuniaires suffisamment dissuasives ;
- l’application effective de ces sanctions ;
- la prévision de sanctions sévères privatives de liberté et surtout pécuniaires;
- l’application stricte de ces sanctions.
Photo: http://soninke.tv/