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L’Inspection générale d’État (IGE) est une institution administrative supérieure de contrôle placée sous l’autorité directe du Président de la République du Sénégal. Garantie d’une indépendance fonctionnelle, elle constitue une source d’informations objectives sur la gouvernance économique et financière au sein de l’administration.
Date de publication: Novembre 2016
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Site de l’organisation : IGE
La remise du rapport annuel de l’Inspection générale d’État (IGE) sur l’état de la gouvernance au président de la République est devenue un évènement marquant au Sénégal. Les éléments du rapport sont exploités par les médias et la société civile et occupent le devant de l’actualité durant plusieurs jours.
Sur la période avril 2015 à juillet 2016, l’IGE a établi des rapports dans différentes missions d’inspection, d’enquête, de vérification et d’audit dans des services publics et parapublics, ainsi que dans entreprises privées bénéficiant du concours financier de l’État.
WATHI a choisi ce document parce qu’il constitue une source officielle d’informations précises sur les dysfonctionnements relevés dans la gestion administrative et qu’il présente un bilan sur la gouvernance de l’administration sénégalaise ; des établissements publics de santé tels que l’hôpital Aristide Le Dantec de Dakar, le Centre national hospitalier de Pikine (banlieue de Dakar) et des collectivités territoriales. Si l’anonymat a volontairement été privilégié dans le rapport pour préserver les aspects personnels et confidentiels des informations, il est assorti de recommandations pertinentes dans la perspective du renforcement de la bonne gouvernance.
Le rapport de 2016 présente une nouveauté dans sa troisième partie avec une nouvelle rubrique dénommée « Memento ». La vocation de cette nouvelle partie est pédagogique et elle traite d’un ou de plusieurs principes ou vertus de la bonne gouvernance pour davantage les faire connaître et en susciter une meilleure application au sein de l’administration.
Face aux différents constats observés, l’Inspection générale d’État n’a pas manqué de formuler des recommandations :
- Les normes en vigueur relatives à la création, à l’organisation et au fonctionnement des structures publiques devraient faire l’objet d’une plus grande appropriation par tous les acteurs de l’administration centrale, mais également par tous les acteurs impliqués dans la gestion des collectivités territoriales.
- La capacité des agents devrait être renforcée pour améliorer le contrôle de légalité et réduire ainsi l’ampleur et la récurrence des manquements constatés dans l’organisation et le fonctionnement des organes des villes et communes.
- L’organisation, les missions et les méthodes de gestion des administrations, centrales et décentralisées, devraient faire l’objet d’une actualisation régulière, conformément au principe de mutabilité du Service public qui les oblige, notamment, à tenir compte des évolutions de leur environnement.
- Il devrait être envisagé de rendre systématique, dans les administrations, la création de dispositifs de contrôle interne et de veiller à leur opérationnalisation, là où ils existent. En effet, le changement de l’approche du contrôle est crucial. Il apparait comme une évidence, au regard du spectre étendu de structures ou d’opérations devant faire l’objet de vérifications qui, manifestement, ne peut pas être couvert, de manière exhaustive, par les organes compétents en la matière, au sein de l’État.
- Il est nécessaire de faire évoluer les méthodes de contrôle, partant de la mise en œuvre au Sénégal, en 2017, du nouveau Cadre harmonisé des Finances publiques, dans les pays membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Une réforme où toute l’administration publique est appelée à s’ancrer dans une démarche de performance, le budget de l’État étant présenté par politiques publiques, elles-mêmes déclinées en programmes, objectifs et indicateurs de résultats.
Les extraits suivants proviennent des pages : 12-14 ;22-25 ;28-29 ;42-48 ;50-56 ;59 ;74-80 ;84-85 ; 119 ; 121-122 ; 125-126 ; 140-146.
Gouvernance des administrations et organismes publics
Administrations centrales
L’inspection générale d’État (IGE) a relevé divers dysfonctionnements, en matière de gestion administrative et de gestion économique et financière dans plusieurs de ces administrations.
Décalages organisationnels
Des décalages manifestes ont été observés entre l’organisation effective des services et celle prévue par les organigrammes.
Ainsi, il a été relevé que le décret n° 2011-760 du 08 juin 2011 portant organisation du Ministère de l’Environnement et de la protection de la nature, qui régit actuellement le Ministère de l’Environnement et du développement durable, cite encore parmi les directions du ministère, la Direction des Eaux, Forêts et Chasses et la Direction de la Conservation des Sols (DEFCCS), comme entités distinctes, alors que ces deux (02) directions ont été fusionnées par le décret n° 2012-437 du 10 avril 2012 portant répartition des services de l’État et du contrôle des établissements publics, des sociétés nationales et des sociétés à participation publique entre la Présidence de la République, la Primature et les ministères. Il convient de rappeler, comme déjà relevé dans les précédents rapports publics, qu’un décret portant répartition des services n’a pas pour vocation de créer, fusionner, changer d’appellations ou supprimer des structures administratives.
Cette situation doit être régularisée par une mise à jour du décret n° 2011-760 du 08 juin 2011 précité, en tenant compte de l’organisation actuelle du Ministère en charge de l’Environnement où ces deux (02) entités sont fusionnées. En outre, la DEFCCS, qui continue à être régie par l’arrêté ministériel n° 10621 du 17 septembre 1981, fonctionne aujourd’hui sur la base d’un organigramme ne reposant sur aucun texte.
Il en est de même à la Direction de la Surveillance et du Contrôle de l ‘Occupation du Sol (DSCOS) où il a été observé une inadéquation entre l’organigramme théorique et l’organisation effective. En outre, aucun arrêté ministériel ne précise les attributions de la structure. Il y a aussi été observé que des divisions sont constituées d’un seul agent, du fait d’un manque notoire d’effectif.
Structures inopérantes
Il a été identifié plusieurs structures ayant une existence juridique, mais qui ne fonctionnent pas. C’est le cas du bureau matériel et sécurité prévu à la DEFCCS, mais qui n’est pas fonctionnel à cause d’un défaut de personnel et de plan d’équipement militaire. Il en est de même du bureau du contentieux de la même direction qui fait doublon avec un conseiller juridique, rattaché au Directeur.
Il faut noter qu’outre ce doublon, la nomination de Conseillers techniques est une pratique ayant tendance à se généraliser dans les directions de l’Administration centrale, alors qu’elle n’est pas prévue par un texte réglementaire. Aux manquements susvisés, il convient d’ajouter ceux observés dans deux (02) structures dont les activités sont largement obérées par des problèmes de structuration. Il s’agit de la Commission nationale de Classement des Niveaux de Formation (CNCNF) et de la Commission de Suivi de la Gestion du Patrimoine immobilier de l’État à l’Étranger (CSPIEE).
Gouvernance économique et financière
La présente section met en exergue des manquements dans la gouvernance économique et financière de l’Administration centrale. Ces manquements sont relatifs à l’exécution des marchés publics, à la tenue de la comptabilité des matières et à la gestion de certains fonds.
Exécution des marchés publics
Il a été constaté, dans certaines structures de l’Administration centrale, que les commissions de marchés de certains ministères, bien que régulièrement constituées, connaissent de nouvelles compositions au gré des changements de ministres. Par exemple, rien que pour l’année 2012, il a été noté la mise en place de trois (03) commissions différentes au ministère chargé de l’Environnement, composées à chaque fois de membres différents.
S’il est vrai que la dénomination du ministère a changé à chaque fois, il faut cependant souligner que le personnel administratif et particulièrement les agents choisis, pour siéger au sein de cette commission, restent des employés permanents du ministère. Il doit être rappelé que le respect du principe de la continuité demeure un des fondements de la qualité du service public.
Il s’y ajoute, concernant un autre département ministériel, qu’au courant de la gestion 2014, le ministre en fonction a nommé par arrêté, les membres de la Cellule de passation des marchés publics, qui ont officié en lieu et place de la Commission des marchés publics. Il convient ici de relever, pour le déplorer, la confusion entretenue dans ce département, sur les attributions de la Cellule de passation des marchés publics et celles de la Commission des marchés publics.
Toujours dans le cadre de l’exécution des marchés publics et des demandes de renseignements et de prix, il a été constaté, pour la gestion 2012, l’absence de contrats dûment enregistrés par les services des Impôts et Domaines, au niveau d’une direction du ministère chargé de l’Urbanisme. Ce défaut de contrat écrit permet ainsi à des prestataires de se soustraire au paiement des droits d’enregistrement et de timbre, en violation des dispositions du Code général des Impôts.
Une revue des marchés exécutés par la Direction de la surveillance et du contrôle de l’occupation du sol (DSCOS) a permis de relever des procès-verbaux de réception technique de travaux de réparation de véhicules administratifs, non signés par le représentant du Contrôleur des Opérations financières (COF), ce qui soulève un problème de régularité de la pièce administrative. Pour ce qui concerne des travaux d’entretien et de maintenance des matériels informatiques et de climatisation, l’absence de procès-verbal de réception technique a été constatée.
A ce propos, il importe de souligner le manque de vigilance relevé dans le traitement de ces dossiers, par les services du Ministère de l’Economie, des Finances et du Plan qui, malgré de tels manquements, ont procédé au règlement des dépenses relatives à ces rubriques budgétaires.
Au total, la revue de l’exécution des marchés de l’Administration centrale fait apparaitre :
- Des cas de non-respect des règles régissant la commande
Dans une direction de l’Administration centrale, des factures ont été payées en espèces, avec défaut de mise en concurrence et absence de marchés écrits. Les paiements ont été faits, suite à des retraits de fonds opérés à partir d’un compte ouvert par cette direction, dans une banque commerciale, à l’insu du Ministère chargé des Finances, sur simple présentation des factures.
Ces pratiques constituent une violation des dispositions du règlement général sur la comptabilité publique, ainsi que du Code des marchés publics.
- Un défaut de clarté dans la définition des besoins lors des demandes de renseignement et de prix.
Lors des consultations pour certaines demandes de renseignements et de prix (DRP), les besoins n’ont pas été clairement définis et leur formulation a été source de confusion. En effet, une description approximative ou erronée influe de manière déterminante sur les offres formulées.
Il s’agit, conformément à l’article 5 du décret n° 2014-1212 du 22 septembre 2014 portant Code des Marchés publics, de veiller à formuler avec précision, dans les cahiers des charges, la nature et l’étendue des besoins à satisfaire, dans le cadre des demandes de renseignements et de prix.
- L’inopportunité de la passation de certains marchés.
Il a été constaté au niveau d’une direction, le lancement, chaque année d’une DRP, pour l’assurance de certains de ses véhicules, ainsi que pour l’entretien et la maintenance de son parc roulant.
Pour l’assurance, il s’agit de véhicules de projets, initialement immatriculés en admission temporaire, rétrocédés à la direction en fin de projet. La procédure appropriée aurait été que cette direction formule une demande d’acceptation de dons et d’immatriculation des véhicules concernés, dans la série AD, à la Commission de Contrôle des Véhicules administratifs. Le respect de cette procédure lui aurait épargné la souscription de polices d’assurance.
S’agissant de l’entretien et de la réparation du parc roulant, cette direction disposant d’un garage de mécaniciens, il aurait été ainsi plus efficient de se limiter à l’achat de pièces détachées de véhicules.
- La consultation de structures inappropriées pour une DRP.
Pour les besoins d’une formation de ses agents sur l’usage des armes, une direction a lancé une demande de renseignements et de prix (DRP) relative à un atelier de formation pratique. Les quatre (04) entreprises présélectionnées étaient :
- SARL ;
- GIE E. ;
- S. P.S. ;
- P.
Les prestations attendues, en dehors de la prise en charge des participations pour l’alimentation, consistent en la fourniture de matériels didactiques, y compris des munitions et la formation pratique en tir. Or, aucune de ces entreprises n’est spécialisée en armurerie. La DRP aurait dû concerner les armureries et les clubs de tir de la place. Il s’y ajoute que cette direction a noué un partenariat avec l’Armée qui est d’ailleurs mieux outillée pour assurer une telle formation.
Conflit d’intérêts
Il a été donné à l’IGE de constater un cas de conflit d’intérêts relatif à l’utilisation de sommes logées dans un compte bancaire, ouvert irrégulièrement par une direction de l’Administration centrale.
Les vérificateurs ont ainsi relevé les faits troublants suivants :
- à la date du 15 juillet 2013, une association reconnue d’utilité publique, sous tutelle du département auquel est rattachée cette direction, a viré deux cent soixante-quinze millions cinq cent mille (275 500 000) francs CFA dans ledit compte bancaire, au titre d’un appui budgétaire. Or, le statut d’association de cette structure et ses moyens ne lui permettent pas, en principe, de venir en appui à une direction de l’Administration et pour un tel montant ;
- sur ce montant, un chèque de cent cinquante millions (150 000 000) de francs CFA a été remis, le 23 juillet 2013, à une association dont l’ancien président était le ministre en fonction à cette période dans le département concerné. Interpellé, le ministre, redevenu entre temps président de l’association bénéficiaire du chèque, a déclaré que les fonds ont servi au règlement d’une prestation et que toutes les pièces justificatives ont été transmises à l’association émettrice du chèque ; interpellée, la structure supposée dépositaire des pièces justificatives a indiqué n’avoir jamais contracté avec l’association présidée par le ministre et que, par conséquent, elle ne saurait détenir quelque justificatif de paiement que ce soit ;
- en réalité, aucune facture de la structure privée du ministre ne figure parmi ces justificatifs, mais plutôt des états de paiement d’ouvriers, des factures de carburant et des factures de location de véhicules. Tout porte donc à croire que les activités avaient été réalisées par les services techniques du département ;
- l’association présidée par l’ancien ministre n’a fourni aucune preuve formelle de sa prestation de service, notamment la certification du service Cela a pu être facilité par le fait que son actuel président était, au moment des faits, le ministre de tutelle de la structure qui a payé.
Le ministre était, par conséquent, en situation de conflit d’intérêts manifeste.
L’analyse des constats et recommandations issus des différents rapports d’audit et de vérifications administratives et financières (VAF) exécutés sous le contrôle de l’Inspection générale d’État, laisse apparaitre, comme par le passé, un certain nombre de manquements ou d’entorses aux règles de la comptabilité publique. Ces manquements sont relatifs à des défaillances dans les contrôles de légalité et de régularité des dépenses, des conflits de compétence entre responsables financiers. Des cas spécifiques de mal gouvernance financière sont également abordés.
Dépenses de matériel
Des dépenses à hauteur de huit cent quatre-vingt-onze millions deux cent huit mille six cent quatre-vingt-huit (891 208 688) francs CFA, sans pièces justificatives, ont été exécutées à l’Agence nationale de la Recherche scientifique appliquée (ANRSA), au cours des gestions 2008 et 2011.
Cette absence de pièces justificatives a été aussi notée dans l’utilisation de la trésorerie de cette même agence pour un décaissement de cent trente-neuf millions trois cent vingt-cinq mille huit cent quatre-vingt-dix (139 325 890) francs CFA.
A l’Agence nationale de la Maison de l’Outil (ANAMO), il a été procédé en 2012, au virement de crédits de cent vingt-cinq millions cinq cent quatre-vingt-dix mille (125 590 000) francs CFA du budget d’investissement vers le budget de fonctionnement. En effet, en vertu des dispositions de l’article 15 de la loi organique n° 2011-15 du 08 juillet 2011 relative aux lois de finances, ” la modification de la nature des crédits ” par le recyclage des crédits d’investissement au profit des dépenses de fonctionnement est formellement prohibée.
En dehors de ces dépenses prévues, il a été constaté entre 2009 et 2013 qu’un montant de trois milliards trois cent trente-sept millions trois cent treize mille trois cent trente-quatre (3 337 313 334) francs CFA a été affecté, sous forme d’appui institutionnel, au fonctionnement de la Direction des Routes, de la Direction des Transports terrestres et du Centre de Formation professionnelle, sans base réglementaire. Il en est de même de l’appui institutionnel d’un montant de cent soixante millions (160 000 000) de francs CFA, alloué à la Direction générale des Infrastructures dans le cadre du Programme d’Entretien routier annuel (PERA) 2011, alors que ce type de dépense n’est pas éligible au FERA.
Par ailleurs, des dépenses ont été exécutées par l’Agent comptable, en l’absence de procès-verbaux de réception qui certifient la réalité des marchés et l’effectivité des dépenses. Ce manquement constitue une violation des dispositions du Règlement général sur la Comptabilité publique qui prescrivent qu’aucune dépense ne peut être valablement liquidée, qu’après constatation du ” service fait”, matérialisée par un procès-verbal de réception.
Au niveau de l’Agence nationale des Ecovillages (ANEV), des frais de mission et billets d’avion ont été indûment supportés, au profit du département de tutelle, pour un montant de vingt millions cinq cent soixante mille deux cent quatre-vingt-dix-sept (20 560 297) francs CFA.
A l’Autorité de Régulation des Télécommunications et des Postes (ARTP), en exécution d’un contrat passé avec la Société S., pour la fourniture d’un groupe électrogène à concurrence d’un montant de vingt millions cinq cent soixante-trois mille deux cent quarante et un (20 563 241) francs CFA, cette entité a consenti une avance de 50%, soit dix millions deux cent quatre-vingt un mille six cent vingt (10 281 620) francs CFA, versée à deux (02) personnes physiques différentes. Sur cette opération, au moins deux (02) entorses aux règles de la comptabilité publique ont été relevées :
- l’avance de 50% aurait dû être cautionnée à 100%, si elle était contractuelle ;
- le paiement à des personnes physiques pour un contrat souscrit avec une société, ne revêt pas un caractère libératoire pour l’agence.
A l’Agence de Promotion des Sites industriels (APROSI), des dépenses n’ayant aucun rapport direct avec le fonctionnement de l’agence, ont été supportées, en toute illégalité, au profit d’un ancien Directeur général et d’un ancien Responsable administratif et financier. Elles concernent, notamment, des sommes prélevées par ces deux (02) responsables, au titre des avances au personnel.
En effet, la revue des comptes ” avances et acomptes au personnel ” a laissé apparaitre un solde total de deux cent vingt-cinq millions trois cent vingt-neuf mille neuf cent quatre-vingt-treize (225 329 993) francs CFA, au 31 décembre 2008. Sur cet encours, cent un millions douze mille sept cent quatre-vingt-onze (101 012 791) francs CFA sont imputables à l’ancien Directeur général, au titre de prêts.
En 2009, sur un solde de deux cent quarante-deux millions huit cent quatre mille treize (242 804 013) francs CFA, les prélèvements effectués par l’ancien Directeur général se chiffrent à cinquante-six millions quatre vingt mille cinq cent douze (56 080 512) francs CFA.
Il en est ainsi sur toutes les gestions de 2008 à 2012. Mais compte tenu de l’indisponibilité de toutes les pièces comptables, il n’a pas été possible d’établir, de manière exacte, le montant global de l’encours de la dette de ces deux (02) responsables.
Il est cependant établi que l’ancien Directeur général avait prélevé, pour son compte, deux cent soixante-quatorze millions deux cent treize mille trois cent quatre-vingt-quatorze (274 213 394) francs CFA, soit 71% du solde de l’ensemble des avances au personnel, au titre de la période considérée.
Les investigations ont révélé d’autres dépenses irrégulièrement prises en charge par l’agence, pour le compte de l’ancien Directeur général. Il s’agit :
- des frais de gardiennage d’une villa, pour un montant de trois millions cent quatre-vingt-huit mille six cent quarante (3 188 640) francs CFA ;
- des loyers des mois de novembre et de décembre 2009 d’une autre villa, pour un montant de trois millions cent huit mille (3 108 000) francs CFA ;
- d’une indemnité de logement d’un montant d’un million six cents mille (1 600 000) francs CFA et que l’ancien Directeur général avait demandé de faire déduire de son salaire Il a cependant été constaté que ce même montant lui avait été parfois restitué ;
- des loyers d’une troisième villa, d’un montant de six millions huit cent trente-sept mille six cents (6 837 600) francs
D’autres dépenses ont aussi été exécutées, en l’absence de contrats et de factures. Elles concernent particulièrement la Société F., pour un montant de deux millions quatre cent deux mille cinq cents (2 402 500) francs CFA, la Société S. T., pour un million deux cent vingt-cinq mille (1 225 000) francs CFA et le GIE M.S., pour un million trois cent vingt mille (1 320 000) francs CFA.
Subventions et autres libéralités
Le paiement de subventions et autres libéralités a été souvent effectué sans les justifications nécessaires. Or, en vertu des articles 12 et 15 du décret n° 2011-540 du 26 avril 2011 portant régime financier et comptable des établissements publics, des agences et autres organismes publics similaires, applicable pour la période considérée, toute modification ou reclassification de la subvention doit faire l’objet d’une approbation par le ministère de tutelle avant exécution de la dépense.
Cette disposition n’a pas été respectée au niveau de l’Agence nationale des Affaires maritimes (ANAM).
D’importantes réserves ont été formulées, par ailleurs, sur diverses subventions accordées par la Direction générale de l’ANAM, au Comité national olympique et sportif sénégalais (CNOSS), à l’Ecole nationale de Formation maritime, aux syndicats professionnels, à des Dahiras et équipes de football “navétanes”. Les chèques sont principalement libellés aux noms de personnes physiques ou de certains employés de l’ANAM. Cette situation expose l’Agence à des risques de fraude ou des détournements d’objet sur les paiements.
En outre, à la Direction générale de l’APROSI, il a été noté entre 2008 et 2012, des dépenses non justifiées, pour un montant de trente-huit millions huit cent quatorze mille cent cinquante-huit (38 814 158) francs CFA, exécutées comme dons ou appuis institutionnels.
Cas particuliers de mal gouvernance financière
Il a été relevé des cas particuliers de mal gouvernance découlant, soit d’une non-application de dispositions contractuelles, soit de la négligence de certains organes dirigeants, tels que la direction générale de l’entité considérée, l’organe délibérant ou la tutelle technique, voire financière.
Dans cet éventail de situations spécifiques en marge d’une bonne gouvernance, les trois (03) cas ci-dessous exposés paraissent suffisamment représentatifs des dérives et autres ” fautes de gestion “, constatées dans les structures concernées.
Il s’agit :
- de la mise en œuvre du contrat de concession passé avec la SAP SA ;
- du non-reversement des impôts, taxes et diverses charges sociales retenues à la source ;
- des abandons de créances et des comptes d’attente non apurés.
- CONTRAT DE CONCESSION DU CONTROLE DU GABARIT, DU POIDS ET DE LA CHARGE A L’ESSIEU
La quote-part revenant à l’État sur le montant des amendes collectées, au titre du contrôle de la charge à l’essieu, n’abonde pas pour l’instant, les ressources destinées au financement de l’entretien routier.
Les vérifications ont néanmoins révélé qu’il a été recouvré, à la date du 31 décembre 2013, tel qu’il ressort du courrier n° 00092/ EGS-YSN DG/AFP-SN/02 du 25 février 2015 de SAP SA, un montant de trois milliards soixante-quatre millions quatre cent quarante-cinq mille deux cent quatre (3 064 445 204) francs CFA sur lequel 25% revenaient à l’État, soit sept cent soixante-six millions cent onze mille trois cent un (766 111 301) francs CFA. Sur cette part de l’État, seuls trois cent dix millions (310 000 000) de francs CFA ont été effectivement reversés, à la suite d’un moratoire accordé par les services du Trésor, à raison de trente et un millions (31 000 000) de francs CFA par mois.
Au regard de la nature des recettes et du contrat de concession, cette situation est injustifiable. L’intégralité des recettes recouvrées au titre des amendes doit être reversée au Trésor public, le concessionnaire n’étant que collecteur. Ainsi, le moratoire qui lui a été accordé par les services du Trésor est donc sans fondement.
- NON-REVERSEMENT DES IMPOTS, TAXES ET DIVERSES CHARGES SOCIALES, RETENUS A LA SOURCE
Il est à déplorer que plusieurs agences et organismes similaires continuent d’accumuler d’importants arriérés de paiement.
A titre illustratif, l’APROSI traine une dette fiscale de soixante-quatorze millions trois cent cinquante-deux mille quatre cent quarante-neuf (74 352 449) francs CFA, relative à un non-reversement de la retenue à la source des impôts et taxes sur salaire, au titre de la période allant de janvier à octobre 2008. Pour les années 2006 et 2007, elle a accusé respectivement un passif de quatre-vingt-dix-neuf millions sept cent quatre-vingt et un mille quatre cent soixante-quatre (99 781 464) francs CFA et quatre-vingt-sept millions neuf cent cinquante-quatre mille huit cent quatorze (87 954 814) francs CFA.
Concernant la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), qui obéit aussi à la règle de la retenue à la source ou du précompte sur les mandats de dépenses de matériel, cette agence reste devoir à la DGID la somme de quarante millions six cent mille (40 600 000) francs CFA, pour défaut de déclaration et de paiement de la TVA au titre du mois de décembre 2007.
A l’ANAMO également, au 31 décembre 2012, le compte passif enregistrait, entres autres, de la TVA due pour neuf millions deux cent soixante-deux mille (9 262 000) francs CFA et de l’impôt sur le revenu des salariés à reverser, pour cinq millions sept cent vingt et un mille (5 721 000) francs CFA.
Quant à l’ARTP, elle a subi un redressement fiscal sur la TVA concernant les exercices 2003 à 2007 d’un montant de trois milliards cent soixante-cinq millions six cent quatre-vingt-quatre mille six cent soixante-douze (3 165 684 672) francs CFA, relatif à une minoration de chiffre d’affaires taxable, la TVA due sur des rémunérations de dépôt à terme (DAT), et la livraison de travaux immobiliers à un tiers.
De 2008 à 2012, les redressements subis par l’ARTP et confirmés en 2013 par la DGID, se chiffrent à six milliards six cent vingt-six millions deux cent soixante mille neuf cent dix (6 626 260 910) francs CFA de droits simples et à deux milliards trois cent sept millions six cent quarante-huit mille quatre cent vingt-sept (2 307 648 427) francs CFA de pénalités. La somme de ces droits et pénalités s’élève à huit milliards neuf cent trente-trois millions neuf cent trois mille trois cent trente-sept (8 933 903 337) francs CFA.
Au total, l’ensemble de ces retenues opérées sur les mandats régulièrement ordonnancés, au profit du Trésor public ou des organismes sociaux tels l’IPRES et la CSS, doivent faire l’objet d’un règlement dans les mêmes conditions, que les salaires nets et les autres créances dues aux fournisseurs et prestataires.
En leur qualité de simples collecteurs, les responsables des établissements publics, agences et structures similaires, qui s’abstiennent de procéder à leur reversement, outre les pénalités de retard dues par les entités concernées, sont passibles de sanctions, pour détournement de deniers publics.
Etablissements publics de santé
Les années “90” se caractérisent par une récurrence des critiques à l’égard du système hospitalier. Il est dénoncé un hôpital public insensible, manquant de moyens, de ressources, peu attentif aux usagers et aux citoyens. Pour remédier à cet état de fait, une réforme hospitalière a été introduite par deux (02) lois complémentaires, la loi n° 98-08 du 02 mars 1998 portant réforme hospitalière et la loi n° 98-12 du 02 mars 1998 relative à la création, à l’organisation et au fonctionnement des établissements publics de santé.
Cette réforme qui est l’aboutissement d’un long processus participatif et inclusif, a pour objectif l’amélioration des performances des hôpitaux, aussi bien sur le plan de la gestion, que celui de la qualité des soins. Elle combine, en quelque sorte, l’exigence du service public incarné par les administrations, avec l’esprit d’entreprise qui caractérise le secteur privé.
Aujourd’hui, dix-huit (18) ans après, force est de reconnaitre qu’il subsiste des interrogations, sur les résultats de la réforme.
Ainsi, d’un EPS à un autre, on constate une diversité de situations.
A l’Hôpital Aristide Le Dantec, de nombreuses opérations déterminantes et répétitives sont encore réalisées manuellement, au niveau du circuit allant de l’accueil du malade, à l’encaissement des recettes issues des prestations, d’où des risques de lenteurs, d’erreurs, ou de fraudes préjudiciables à l’établissement. En effet, en l’absence d’un service informatique central, la sécurité et la pérennité de l’information ne sont pas assurées.
A l’Hôpital Principal, il n’y a pas la certitude, au sein des différents départements cliniques ou médico-techniques, que les divers actes, prestations et prescriptions pratiqués (consultations, analyses, radiographies, échographies, etc.) sont saisis dans les dossiers administratifs des malades, correctement et de manière exhaustive.
En effet, la fiche de relevé individuel qui est un récapitulatif de l’ensemble des prestations offertes à un malade, constitue la preuve matérielle de la réalité des actes pratiqués et des prestations fournies, et sert de base de facturation. Cette fiche permet de valider la facturation des prestations effectuées et doit être signée, par les différents intervenants dans la réalisation desdits actes.
L’utilisation de cette fiche n’a pas été généralisée dans tous les services de l’Hôpital Principal de Dakar et a même été supprimée, à la Crèche et en Pédiatrie. En l’absence de cette fiche dûment servie, les services dédiés à la facturation ne peuvent pas certifier que tous les éléments sont correctement saisis par les infirmiers majors, dans le logiciel de facturation.
En conséquence, il existe le risque élevé d’une appréciation non exhaustive des recettes de cet hôpital.
A l’Hôpital de Pikine par exemple, il a été constaté une multitude de logiciels comptables n’ayant aucune interface entre eux, comme c’est le cas entre le logiciel de facturation et celui de la comptabilité. A cet égard, des écarts apparaissent souvent entre le montant des recettes facturées sur les soins médicaux, ainsi que sur les produits pharmaceutiques et les recettes effectivement comptabilisées. Ces écarts s’élèvent, pour l’année 2008, à cent soixante-dix-sept millions soixante-cinq mille huit cent quarante et un (177 065 841) francs CFA et, pour 2010, à quatre cent vingt-huit millions neuf cent soixante-seize mille cinq cent soixante douze (428 976 572) francs CFA.
En dehors des questions relatives au système d’information, les diligences entreprises, pour l’encaissement des créances se heurtent à l’inexistence de procédure formalisée de suivi des recouvrements et à une politique performante en la matière.
Absence de suivi du recouvrement
D’autres manquements ont été relevés dans les EPS, relativement au suivi du recouvrement de leurs recettes.
A titre illustratif, à l’Hôpital Aristide Le Dantec, il a été relevé l’absence d’un plafond de crédit pour les clients à terme et l’existence, au titre de la période 2001 à 2008, de soldes de comptes de clients douteux, arrêtés à cent soixante-dix-sept millions sept cent quarante-huit mille cent cinquante-huit (177 748 158) francs CFA non encore recouvrés.
A l’Hôpital de Kaffrine, divers manquements concourent à une contreperformance dans la mobilisation des ressources, ce qui entraine une sous-évaluation des recettes. Les manquements dont il s’agit concernent, entre autres, l’absence de contrôle périodique des registres des consultations et les ventes de médicaments, le non suivi des encaissements provenant des prises en charge, la non-exhaustivité du suivi des paiements effectués par les patients, le non reversement des recettes dans les comptes bancaires à période régulière.
Aux Hôpitaux de Diourbel et de Touba, les carnets de facturation ne sont ni côtés, ni paraphés et ne font l’objet d’aucun suivi, ce qui engendre un important risque de déperdition de recettes. Il s’y ajoute, également une défaillance dans le traitement des factures. A Diourbel, des délais moyens de deux (02) mois pour le traitement des factures ont été observés, pour les exercices 2010 à 2012, alors qu’à Touba, sur la même période, des factures d’IPM et de mutuelle mettent parfois dix (10) mois, sans être traitées. Au-delà de ces manquements, les EPS sont aussi confrontés à des difficultés de recouvrement de leurs créances, tenant davantage à la qualité des clients.
Défaillances de clients particuliers
Hormis le cas des clients dont la solvabilité est douteuse, notamment ceux pris en charge au titre des urgences, l’Etat et ses démembrements ne sont pas toujours de bons payeurs. L’exemple de l’Hôpital Principal de Dakar illustre parfaitement cette situation. Ainsi, au 31 décembre 2012, les créances suivantes ont été enregistrées :
- trois cent quarante-neuf millions huit cent quarante mille quatre cent quarante (349 840 440) francs CFA, pour des impayés sur les accidentés de la voie publique ;
- deux milliards trois cent quarante-sept millions cinq cent cinquante huit mille quatre cent trente-six (2 347 558 436) francs CFA, pour des impayés, au titre du Plan Sésame ;
- huit cent vingt millions (820 000 000) de francs CFA sur le Centre des Œuvres universitaires de Dakar (COUD) ;
- cent cinquante millions (150 000 000) de francs CFA sur la Présidence de la République.
Pour cet EPS, en une année, du 31 décembre 2011 au 31 décembre 2012, les créances clients sont passées de vingt-deux milliards quatre cent quatre-vingt-six millions (22 486 000 000) de francs CFA à vingt-quatre milliards quatre cent soixante et un millions (24 461 000 000) de francs CFA, soit une hausse d’un milliard neuf cent soixante-quinze millions (1 975 000 000) de francs CFA.
En tout état de cause, l’exécution budgétaire révèle, néanmoins, des taux de réalisation corrects en 2014. Il importe à ce niveau de s’interroger sur la sincérité des prévisions de recettes et sur la qualité de l’évaluation des recettes potentielles.
Pour ce qui est des dettes de l’Etat et de ses démembrements vis-à-vis des EPS, il y a lieu de faire déterminer leur montant exact, en vue de leur apurement.
Allocation des ressources
L’analyse de l’exécution budgétaire des EPS a permis de relever les constats suivants, en matière de dépenses :
- les dépenses de fonctionnement, qui constituent l’essentiel des charges des EPS, concernent le mobilier et le matériel de bureau, les produits pharmaceutiques, la buanderie, l’alimentation des malades, les consommables médicaux, le paiement des salaires et des indemnités, ainsi que les impôts et taxes ;
- les dépenses d’investissement, relatives notamment à l’acquisition et au renouvellement du matériel, à la réhabilitation des locaux et à l’achat d’équipements, impactent fortement la qualité des soins et le relèvement du plateau médical ;
- l’acquisition de matériels et d’équipements médicaux constitue la portion congrue des budgets des EPS ;
- le volume des dépenses d’investissement rapportées aux dépenses totales est relativement Le meilleur taux est observé à Thiès, avec 24,62%, suivi de Kaolack, Ziguinchor et Kaffrine, où il est, respectivement, de 20,24%, 20,11% et 16,76%.
Par ailleurs, l’analyse des résultats d’exploitation des EPS se caractérise par :
- Des ressources insuffisantes, pour couvrir les dépenses d’exploitation ;
- le poids excessif des dépenses de personnel sur les charges d’exploitation, par rapport aux ressources dont dispose l’hôpital.
L’article 20 du décret n° 98-702 du 26 août 1998 précité fait obligation aux EPS de tenir une comptabilité et d’élaborer des états financiers accompagnés de notes annexes, conformément au plan comptable en vigueur au Sénégal.
Dans la pratique, ils se conforment à cette obligation légale, même s’il a été relevé divers manquements dans la tenue de la comptabilité.
A ce sujet, les immobilisations ne sont pas convenablement enregistrées. Ainsi, soit elles sont enregistrées avec beaucoup de retard, soit elles ne le sont pas du tout.
A titre illustratif, à l’Hôpital de Pikine, les bâtiments, le terrain d’assiette et un certain nombre d’actifs n’ont été valorisés qu’en 2011, alors que ces immobilisations ont été mises en service ou réceptionnées au cours de l’exercice 2006.
A l’Hôpital Principal de Dakar, les rapprochements entre les acquisitions comptabilisées et celles figurant en comptabilité des matières font ressortir un écart significatif d’un milliard trente-six millions (1 036 000 000) de francs CFA, entre le patrimoine immobilier de l’hôpital, comptabilisé au 31 décembre 2012 et celui recensé par la comptabilité des matières à la même date.
Il a été constaté, en outre, que des immobilisations déjà réceptionnées et figurant dans le fichier de la comptabilité des matières ne sont pas enregistrées. Il s’agit :
- des travaux de réhabilitation des installations électriques et de la rénovation des installations du service de stérilisation, effectués en 2009, pour un montant de six cent quatre-vingt-dix-sept millions (697 000 000) de francs CFA ;
- de la construction de pharmacies, l’installation et la mise en service de chambres froides, en 2010, pour un montant de trois cent soixante-trois millions (363 000 000) de francs CFA ;
- de la réhabilitation de la Maternité en 2012, pour un montant de sept cent quatorze millions (714 000 000) de francs
Par ailleurs, d’autres anomalies ont été relevées en comptabilité, sur les opérations courantes. Ainsi, toujours à l’Hôpital Principal de Dakar, certains comptes clients présentent des soldes anormalement créditeurs.
L’examen de ces comptes fait aussi ressortir des incertitudes sur la fiabilité de leurs soldes. En effet, les créances nettes sur les clients représentent 200% du chiffre d’affaires annuel de l’hôpital, générant ainsi une situation préoccupante, pour le bon fonctionnement de l’hôpital.
Dans le même temps, l’analyse des comptes d’attente client laisse apparaitre un solde créditeur de deux milliards neuf cent quatre-vingt-treize millions (2 993 000 000) de francs CFA. Ce solde qui n’a pas évolué depuis 2008 représente les avances faites par les clients hospitalisés, pour la couverture des frais d’hospitalisation. Cette situation découlerait du fait que les services comptables n’auraient pas reçu des services de facturation, les informations appropriées permettant de solder ces comptes.
Enfin, il a été constaté des comptes d’avance anormalement débiteurs, d’un montant de quatre cent soixante et onze millions (471 000 000) de francs CFA, dont les soldes étaient antérieurs à 2012.
A l’Hôpital Le Dantec, malgré la tenue de la comptabilité SYCOHADA, des anomalies ont été relevées, notamment, des comptes de clients dont le solde total d’un montant de quatre cent trente-trois millions cinq cent quatre-vingt-huit mille huit cent trente et un (433 588 831) francs CFA n’a été justifié qu’à hauteur de cent quatre-vingts millions (180 000 000) de francs CFA.
Gouvernance des collectivités locales
Sur instructions du Président de la République, l’IGE a effectué, au cours de la période couverte par le présent rapport public, des missions de vérification administrative et financière dans les villes, telles qu’entendues par la loi, et communes, chefs-lieux de région ci après :
- Ville de Dakar ;
- Ville de Guédiawaye ;
- Ville de Pikine ;
- Ville de Rufisque ;
- Ville de Thiès ;
- Commune de Fatick ;
- Commune de Kaolack ;
- Commune de Saint-Louis ;
- Commune de
Il y a lieu de préciser que même si les villes ont le statut de commune, elles s’en distinguent, par leur organisation territoriale et leur vocation, notamment.
Dans le cadre de ses missions de contrôle des neuf (09) villes et communes précitées, l’IGE s’est intéressée à la préparation et à l’exécution de leurs budgets. Leurs marchés publics et la gestion de leurs biens ont également retenu son attention. Enfin, il lui est apparu opportun de partager quelques appréciations sur l’Acte Ill de la Décentralisation, au terme des premières évolutions qui se dégagent de la mise en œuvre de cette réforme.
Les arriérés accumulés par diverses collectivités locales auprès de l’Agence de Développement municipal (ADM), dans le cadre de l’exécution de “contrats de ville”, sont révélateurs de défaillances dans le contrôle budgétaire.La Ville de Pikine et la Commune de Saint-Louis sont des exemples pertinents à cet égard.
A la fin de l’année 2015, la première citée devait à l’ADM un montant total de trois cent cinquante-six millions six cent soixante et un mille six cent quatre-vingt-neuf (356 661 689) francs CFA. Malgré plusieurs rappels, aucune disposition n’a été prise en vue du règlement de cette somme. Même si ces arriérés se sont constitués avec la précédente mandature, le principe de la continuité du service public voudrait qu’ils soient pris en charge par l’équipe actuelle.
Quant à la Commune de Saint-Louis, elle doit à l’ADM vingt-deux millions six cent quarante-sept mille cent cinquante-quatre (22 647 154) francs CFA, au titre du Programme d’Appui aux Communes (PAC) et trois cent cinquante-trois millions neuf cent onze mille onze (353 911 011) francs CFA, au titre du Programme de Renforcement et d’Equipement des Collectivités locales (PRECOL). Bien que le Préfet du Département de Saint-Louis ait, depuis le 5 février 2014, demandé au Maire de procéder au règlement de cette dette et qu’une inscription de cinquante millions (50 000 000) de francs CFA ait été faite au budget de 2015, aucun règlement n’avait encore été opéré au moment de la mission de l’IGE.
Dans le budget de 2015 de la Ville de Thiès, certaines activités ont été prévues et exécutées, alors qu’elles ne relèvent plus du domaine de compétence des villes.
Ainsi, des fournitures scolaires ont été acquises pour dix-neuf millions cinq cent cinquante-huit mille cinq cents (19 558 500) francs CFA. Or, l’acquisition de fournitures scolaires ne figure pas parmi les attributions de la ville, limitativement énumérées à l’article 170 de la loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 portant Code général des Collectivités locales. Elle est du ressort des communes, en vertu de l’article 313 dudit code.
Des secours ont été alloués également aux indigents, pour un montant de seize millions (16 000 000) de francs CFA. Or, cette catégorie de dépenses est du ressort des communes, depuis l’entrée en vigueur du Code général des Collectivités locales.
L’explication fournie, pour justifier l’exécution de ces dépenses indues, est que l’arrêté interministériel portant répartition des fonds de dotation, signé des ministres chargé des Finances et des Collectivités locales, avait pourvu ces services et que l’affectation ainsi faite, ne pouvait pas être changée par le conseil de la ville.
Il s’agit là d’une interprétation abusive, à tout le moins erronée, de l’arrêté interministériel n° 04796 du 27 mars 2015 portant répartition du Fonds de Dotation de la Décentralisation aux départements, aux communes et autres bénéficiaires. En effet, dans cet acte, il est alloué à la Ville de Thiès une dotation de quatre-vingt-quinze millions (95 000 000) de francs CFA, répartie dans une rubrique “indemnités” et une rubrique “compensation”, pourvues, respectivement, à hauteur de dix millions huit cent mille (10 800 000) francs CFA et de quatre-vingt-quatre millions deux cent mille (84 200 000) francs CFA. Aucun service budgétaire n’était donc précisé. Quand bien même des services budgétaires auraient été prec1ses, l’arrêté interministériel aurait contrevenu à la loi qui fixe les compétences des villes.
Un autre type d’anomalie a été relevé, notamment à Guédiawaye, de 2011 à 2014, relative à une double comptabilisation des recettes du Fonds de Dotation de la Décentralisation (FDD). Le réalisme et la prudence commandent aux collectivités locales de ne pas prévoir dans leurs budgets primitifs les ressources attendues du FDD ou du Fonds d’Equipement des Collectivités locales (FECL), si elles n’ont pas reçu notification des arrêtés portant répartition de ces fonds.
La réglementation prévoit, en effet, lorsque cette information est reçue au cours de l’exécution budgétaire, le vote d’autorisations spéciales de recettes et de dépenses, afin d’intégrer ces ressources nouvelles aux budgets et de décider de leur utilisation. En tout état de cause, il ne peut être fait d’inscription dans le budget primitif, de ressources attendues du FDD et du FECL, et d’inscription supplémentaire, par la suite, dans une autorisation spéciale, au risque d’une double prévision.
Analyse de l’évolution des budgets
L’examen des comptes administratifs et de gestion, comme celui des situations financières et d’exécution budgétaire permet de faire ressortir divers constats, relativement à l’évolution des budgets des villes et communes contrôlées par l’IGE, dans les sections « fonctionnement » et « investissement ».
Budget de fonctionnement
La Ville de Dakar est un exemple typique de budget caractérisé par la prépondérance des recettes fiscales. En effet, sur des recettes de fonctionnement recouvrées de cent dix-huit milliards six cent soixante-quatre millions cinq cent quarante-trois mille cinq cent un (118 664 543 501) francs CFA de 2011à 2014, les impôts locaux ont été collectés à hauteur de quatre-vingt-six milliards huit cent trente-cinq millions deux cent cinq mille cinq cent quatre-vingt-dix-neuf (86 835 205 599) francs CFA, soit un taux de couverture de 73, 18%.
Ces impôts locaux reposent, essentiellement, sur les trois (03) sources que sont, par ordre décroissant, la patente, l’impôt du minimum fiscal (IMF) et la contribution foncière des propriétés bâties.
La patente a été l’impôt prédominant, à raison de soixante milliards trois cent soixante-cinq millions quatre cent quatre-vingt-douze mille neuf cent cinquante-trois (60 365 492 953) francs CFA, soit 69,51% des impôts locaux et 50,87% des recettes de fonctionnement de la Ville.
L’IMF, qui avec l’Acte Ill relève désormais des communes, a été le deuxième pourvoyeur, pour onze milliards huit cent quatre-vingt-douze millions quatre mille trois cent quatre-vingt-quinze (11 892 004 395) francs CFA, soit 13,69% des impôts locaux.
La contribution foncière des propriétés bâties a été le troisième contributeur, pour dix milliards sept cent vingt-quatre millions sept cent cinquante-trois mille six cent six (10 724 753 606) francs CFA, soit 12,35%.
En sus de ces impôts, la Ville a collecté la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TOM), pour un montant de cinq milliards neuf cent soixante-seize millions quarante-neuf mille neuf cent sept (5 976 049 907) francs CFA, soit 5,03% des recettes de fonctionnement réalisées.
Quant aux taxes municipales qui reposaient essentiellement sur la taxe sur la publicité (99,98%), désormais dévolue aux communes, leur produit sur la période a été de six milliards quatre cent vingt-cinq millions six cent quarante-deux mille six cent quatre-vingt-trois (6 425 642 683) francs CFA, soit 5,41% des recettes de fonctionnement.
Le produit cumulé de ces impôts et taxes, de 2011 à 2014, a été de quatre-vingt-quinze milliards trois cent quatre-vingt-trois millions neuf cent quarante-trois mille cinq cent quarante-quatre (95 383 943 544) francs CFA, soit 80,38% des recettes de fonctionnement et 55,95% des recettes totales de la période.
Dans le même temps, les fonds de dotation de l’Etat et les produits domaniaux ont, respectivement, représenté 0,97% et 0,46% des recettes de fonctionnement recouvrées.
Un certain nombre de pratiques constatées par l’IGE justifient la nécessité d’une rationalisation et de contrôles plus rigoureux, par les comptables publics, de l’exécution des dépenses concernant les secours aux indigents, les subventions aux associations, les bourses et allocations scolaires, ainsi que les participations diverses.
A titre illustratif, dans la Commune de Ziguinchor, les subventions aux associations sportives et culturelles, ainsi que celles allouées aux chefs religieux et groupements féminins étaient payées durant une période par l’intermédiaire d’un billeteur, au nom de qui tous les mandats y relatifs étaient émis.
Cette procédure ne garantissait pas la transparence des opérations, mais en plus le défaut de conservation par le billeteur de tout document comptable probant pour justifier le versement des sommes à leurs bénéficiaires constitue une entorse aux règles de la comptabilité publique. En conséquence, l’IGE a demandé que les mandats soient désormais établis au nom des bénéficiaires et qu’il soit procédé à des virements, quel que soit le montant, pour les personnes morales et, pour les personnes physiques, pour toute somme supérieure ou égale à trois cent mille (300 000) francs CFA. Cette exigence découle de l’arrêté ministériel n° 6055 MEF-DGCPT du 22 août 2003 fixant le montant des dépenses de l’Etat payables obligatoirement par remise de chèque ou par virement à un compte bancaire ou postal.
Des irrégularités de même nature ont été notées dans l’exécution des dépenses relatives à l’attribution de secours aux indigents, par la Ville de Rufisque. Entre 2011 et 2013, un billeteur a été le destinataire de mandats relatifs à cette dépense pour un montant total de cent trente-huit millions trois cent quatre-vingt-quinze mille (138 395 000) francs CFA. Aucune pièce justificative n’est disponible auprès de l’intéressé ou des services comptables.
Outre le respect de la réglementation en matière de dépenses publiques, que l’IGE a recommandé, la Ville de Rufisque gagnerait à s’inspirer des bonnes pratiques mises en œuvre par d’autres collectivités locales, pour l’identification et l’allocation de secours aux indigents. En effet, parmi toutes les personnes figurant dans son fichier “secours aux indigents”, seules trois (03) disposent d’un dossier, d’ailleurs incomplet.
Toujours à Rufisque, le contrôle des dépenses de la période sous-revue concernant les bourses et allocations scolaires a fait ressortir des manquements, aux plans de la légalité et de la transparence. A titre d’exemple, sur un échantillon de cinquante-deux (52) dossiers, représentant des dépenses d’un montant de cent trente-cinq millions neuf cent cinquante-six mille cinq cent quarante-huit (135 956 548) francs CFA, il a été constaté que :
- sept (07) dossiers comportaient des pièces justificatives complètes, pour des dépenses d’un montant de quarante-deux millions sept cent quatre-vingt-dix mille trois cent soixante-dix-huit (42 790 378) francs CFA ;
- quatre (04) dossiers, correspondant à une somme de neuf millions sept mille cinq cents (9 007 500) francs CFA, avaient des pièces incomplètes ;
- quarante et un (41) dossiers ne comportant aucune pièce justificative ont pourtant fait l’objet de règlement pour un total de quatre-vingt-quatre millions cent cinquante-huit mille six cent soixante-dix (84 158 670) francs
Un autre compte qui mérite une attention particulière est celui des “Participations diverses”, au regard des montants exécutés par certaines collectivités locales.
En principe, les crédits prévus pour les participations ont vocation à servir au règlement de contributions, pour des missions de service public ou à des organismes auxquels une collectivité locale est partie. Ils ne devraient pas être un moyen détourné de verser des subventions à des associations, d’autant qu’un compte spécifique y est dédié.
Il a été constaté que les villes de Rufisque et de Dakar ont versé des participations à des associations, pour des montants sans commune mesure avec les subventions qu’elles consentent, habituellement, à ce type d’entités.
Ainsi, divers groupements ont reçu de la Ville de Rufisque, des sommes comprises entre deux millions cinq cent mille (2 500 000) francs CFA et quarante-trois millions cinq cent mille (43 500 000) francs CFA. Une organisation non-gouvernementale a même perçu soixante-dix-neuf millions deux cent vingt-mille (79 220 000) francs CFA.
Budget d’investissement
Les collectivités locales contrôlées ont une capacité d’autofinancement, différente, pour contribuer à leurs dépenses d’investissement. Sur la période, seule la Ville de Dakar a pu consacrer des ressources propres significatives au financement de ses dépenses d’investissement. Pour le reste, l’essentiel des investissements réalisés reposaient sur les fonds de concours de l’Etat et sur ceux provenant de partenaires.
Cas particulier de Dakar
Entre 2011 et 2014, la Ville de Dakar a mobilisé cinquante et un milliards huit cents millions neuf cent treize mille sept cent vingt-six (51 800 913 726) francs CFA, pour la réalisation de ses investissements. L’autofinancement représentait près de 57% de cette enveloppe, contre 35% pour les emprunts. L’Etat a accompagné l’action de la municipalité, en contribuant à hauteur de 12,03% des recettes extraordinaires de la ville.
Cependant, le profil de la dette de la ville gagnerait à être revu. Cette dette est essentiellement constituée d’emprunts à court terme auprès de banques commerciales, alors qu’ils sont destinés à financer des investissements dont la rentabilité immédiate n’est pas toujours assurée. D’ailleurs, certains d’entre eux, aussi pertinents soient-ils pour l’amélioration du cadre de vie, n’ont aucune rentabilité. C’est le cas, par exemple, de la réalisation de feux de signalisation, opération pour laquelle la Ville s’est endettée, alors qu’elle aurait dû, soit rechercher des financements concessionnels, soit solliciter le concours de l’Etat, d’autant que ces travaux concernaient, en partie, la voirie classée.
Nécessité de renforcer les efforts d’investissement des autres collectivités locales
Des efforts soutenus doivent être déployés par les collectivités locales, afin de consacrer au moins 25% de leurs recettes budgétaires à l’investissement. Cela passera certes par une contraction de leurs charges de fonctionnement, mais aussi par une diversification de leurs sources de financement.
L’Etat a un rôle déterminant à jouer dans cette diversification. A cet égard, il convient d’accompagner les collectivités locales dans l’expérimentation de stratégies innovantes, comme le recours à l’emprunt obligataire. En outre, comme déjà préconisé dans le précédent rapport public, des études approfondies devraient être menées sur les mécanismes de diversification et, le cas échéant, les rôles respectifs que pourraient jouer les structures existantes comme l’Agence de Développement municipal (ADM), la Caisse des dépôts et consignations (CDC), la Banque nationale de développement économique (BNDE), le Fonds souverain d’investissements stratégiques (FONSIS) et le Fonds de Garantie des Investissements prioritaires (FONGIP).
Source photo : Sec.gov.sn