Auteur
Direction des Etudes et des Prévisions Financières – Ministère de l’Economie et des Finances du Royaume du Maroc
Date de publication
Juillet 2015
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Site web de l’organisation ici
Après avoir demandé avec succès sa réintégration au sein de l’Union africaine, le Royaume du Maroc, géographiquement et politiquement ancré en Afrique du Nord, a manifesté sa volonté d’adhérer à la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). L’Autorité des chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO a émis un accord de principe pour cette adhésion et le roi du Maroc Mohamed VI est invité à prendre part au prochain sommet de l’organisation en décembre 2017.
WATHI a choisi ce document daté de 2015 émanant du Ministère de l’Economie et des Finances du Maroc parce qu’il permet de situer les initiatives diplomatiques du royaume en direction de l’Afrique subsaharienne et en particulier de l’Afrique de l’Ouest et du Centre dans le contexte d’une stratégie élaborée de longue date et fondée sur la dimension économique. Ce document décrit la politique économique poursuivie par le Maroc en Afrique depuis de nombreuses années et témoigne de la volonté de positionner le Royaume comme l’un des grands acteurs économiques sur le continent.
Le document montre comment le Maroc a déployé une stratégie sur la longue durée visant à faire du royaume un acteur majeur des échanges de biens et de services en Afrique subsaharienne avec une focalisation sur des pays clés d’Afrique de l’Ouest et du Centre. Le Maroc est aujourd’hui présent dans de dans des secteurs-clés de l’économie de plusieurs pays africain, dont la banque, les assurances, l’immobilier et les télécommunications. Ce document montre que l’offensive du Maroc en 2017 avec la réintégration de l’Union africaine et la volonté de rejoindre la CEDEAO résulte d’un long partenariat économique et technique avec les pays de l’Afrique subsaharienne. Le Maroc a établi plus de 500 accords formels de coopération avec plusieurs pays. Le rôle joué par le roi du Maroc, au travers de ses multiples déplacements dans les pays d’Afrique de l’Ouest, évoqués dans le document, illustre l’articulation assumée entre la politique, le commerce et l’économie dans la stratégie marocaine.
La principale leçon pour les pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre pourrait être la réalisation qu’une stratégie bien pensée et déployée méthodiquement sur une ou deux décennies par un Etat structuré, avec une continuité dans les objectifs et les modalités de mise en œuvre, permet d’obtenir des résultats probants. L’Etat marocain, jusqu’au plus haut niveau, a activement favorisé l’émergence, la croissance et la présence africaine d’entreprises marocaines « championnes » dans des secteurs stratégiques. Les observations et les recommandations de cette étude d’une administration publique montrent le pragmatisme d’une approche marocaine qui a servi à asseoir une influence politique incontestable de ce pays sur la région ouest-africaine.
EXTRAITS CHOISIS : 3, 5-7, 10, 1 7-18, 1, 22-25, 27-28
Introduction
Le Maroc n’a cessé depuis son indépendance de réaffirmer son identité africaine en plaçant le continent au cœur de ses choix stratégiques. Il a toujours accordé une importance primordiale au développement de ses relations avec ses confrères africains à travers la consolidation de ses relations politiques et l’établissement de partenariats diversifiés et féconds, fidèle en cela aux liens historiques profonds qu’il entretient avec ses pays.
Il convient au départ de souligner que la projection économique du Maroc en Afrique a connu une évolution en trois étapes :
- La première a commencé par l’implication des entreprises publiques marocaines dans la mise en œuvre de différents projets ayant trait au développement des infrastructures de base, notamment la construction de barrages, les réseaux routiers et ferroviaires, les télécommunications, l’assainissement, l’électrification, la gestion des ressources en eau et l’irrigation, …et autres.
- Dans un second temps, les opérateurs privés ont été impliqués principalement dans des secteurs de services (bancaires, formation professionnelle, exploitation minière,…), soutenu dans leurs initiatives par une diplomatie économique très dynamique.
- Et la phase actuelle marquée par l’impulsion d’une véritable stratégie économique, qui s’inscrit dans le cadre d’une vision de moyen et long terme orientée vers la réalisation d’une intégration régionale plus poussée dans toutes ses dimensions commerciale, financière, économique voire monétaire.
La vocation africaine du Maroc a, ainsi, pris une nouvelle dimension en s’inscrivant dans le cadre d’une vision long terme qui s’appuie sur les vertus de la coopération Sud-Sud et sur l’impératif du développement humain, dans l’établissement de rapports économiques équitables justes et équilibrés.
La vocation africaine du Maroc a, ainsi, pris une nouvelle dimension en s’inscrivant dans le cadre d’une vision long terme qui s’appuie sur les vertus de la coopération Sud-Sud et sur l’impératif du développement humain, dans l’établissement de rapports économiques équitables justes et équilibrés.
C’est à la faveur de cette vision qu’il convient d’interroger la configuration des relations économiques que le Royaume a tissé avec les pays africains pour en révéler le potentiel et les conditions requises pour sa réalisation effective.
Cadre réglementaire des relations du Maroc avec l’Afrique subsaharienne
Les relations économiques entre le Maroc et les pays africains sont régies par un cadre juridique de plus de 500 accords de coopération. Elles se distinguent par une implication du secteur privé dans les différentes initiatives gouvernementales en direction du continent.
Les conventions classiques fondées sur la clause de la nation la plus favorisée :
Le Maroc a conclu avec les pays de l’Afrique subsaharienne 14 accords commerciaux bilatéraux de type nation la plus favorisée (NPF), dont 8 pays d’Afrique de l’Ouest et 6 pays d’Afrique Centrale.
Les conventions commerciales de type préférentiel :
Des conditions liées aux règles d’origine ont été retenues pour permettre la réduction des droits d´importation ou l´exonération totale de ces droits, et même parfois de certaines taxes d’effet équivalent (Guinée, Tchad, Sénégal). Les dispositions de ces accords prévoient aussi des avantages fiscaux dans le cas où “la règle du transport direct” est respectée. Ainsi, le transit d’un produit par un territoire tiers ne permet pas au pays concerné de bénéficier du régime préférentiel.
Accords à caractère régional
Ces accords concernent aussi bien le commerce que l’investissement.
Ainsi, un projet d’accord de commerce et d’investissement avec l’Union Economique et Monétaire de l’Afrique de l’Ouest (UEMOA), paraphé en 2008, devrait être signé prochainement. Cet accord prévoit notamment outre le traitement de la NPF, des exonérations totales ou des réductions de droit de douane et taxes pour certains produits, pouvant atteindre jusqu’à 50%.
Le Maroc a aussi adhéré à la Communauté des Etats Sahélo-Sahariens (COMESSA) en février 2001 lors de son troisième sommet à Khartoum.
Par ailleurs, le Maroc négocie actuellement des accords de partenariats stratégiques, incluant la mise en place progressive de zones de libre-échange, avec la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et la Communauté économique et monétaire des Etats de l’Afrique Centrale (CEMAC).
Réglementation des investissements marocains en Afrique
L’accélération constatée des IDE marocains n’est pas sans relation avec l’assouplissement de la règlementation des investissements, qui propose davantage de facilités aux opérateurs marocains pour saisir les opportunités à l’étranger, notamment en Afrique subsaharienne.
Visite Royale en Afrique subsaharienne mai –juin 2015
Il s’agit de la 3ème tournée royale en Afrique en l’espace de trois ans. En effet, entre février et mars 2014 et, avant cela en mars 2013, le souverain s’est rendu en 2013, au Sénégal, en Côte d’Ivoire et au Gabon, et l’année suivante, au Mali, en Côte d’Ivoire, en Guinée et au Gabon.
Il s’agit de la 3ème tournée royale en Afrique en l’espace de trois ans. En effet, entre février et mars 2014 et, avant cela en mars 2013, le souverain s’est rendu en 2013, au Sénégal, en Côte d’Ivoire et au Gabon, et l’année suivante, au Mali, en Côte d’Ivoire, en Guinée et au Gabon.
A l’instar des précédentes, cette tournée, qui vise à développer les échanges commerciaux et les investissements avec les pays africains, a permis la signature d’accords bilatéraux, le lancement de projets de coopération portant sur le développement humain, l’échange d’expériences et le renforcement du partenariat économique avec ces pays.
Courants d’échanges entre le Maroc et ses partenaires africains
Les échanges commerciaux du Maroc avec les pays africains ont enregistré une nette progression sur la dernière décennie, reflétant les efforts de diversification et de renforcement des relations commerciales avec les pays du Sud Sur la période 2004-2014, le montant global des échanges commerciaux du Maroc avec le continent africain a augmenté de 13% en moyenne annuelle pour se situer à près de 37,6 milliards de dirhams en 2014, représentant environ 6,4% de la valeur totale des échanges extérieurs du Maroc contre 4,4% en 2004.
En termes de structure, les exportations marocaines vers l’Afrique subsaharienne sont composées essentiellement de :
- produits alimentaires (32% en 2014), dont notamment les conserves de poissons, les poissons frais, les produits céréaliers et les fromages ;
- demi-produits (31%), en particulier les engrais phosphatés, les papiers et cartons et le ciment ; – énergie et lubrifiants (16%), essentiellement les produits raffinés du pétrole ;
- produits finis d’équipement industriel (18%), notamment les fils et câbles pour l’électricité ;
- produits finis de consommation (11%), principalement les vêtements confectionnés et les médicaments.
Facteurs pénalisant les échanges
Les mesures non-tarifaires, comme les certificats d’importation, les contrôles qualité imposés parfois aux importations de manière discriminatoire et la multiplicité des régimes fiscaux entre les pays, sont de nature à augmenter les coûts de transaction afférents aux échanges extérieurs, avec un effet négatif sur la compétitivité des industries nationales et sur le volume des échanges.
Outre les facteurs non-tarifaires, des problèmes structurels liés notamment à l’infrastructure des transports limitent l’expansion des relations commerciales entre le Maroc et ses partenaires africains.
Intensité des échanges bilatéraux du Maroc avec ses partenaires africains
La progression soutenue des échanges entre le Maroc et ses partenaires africains depuis 2000 laisse suggérer qu’un potentiel de développement du commerce existe, comme en témoigne la référence à la part du marché des exportations marocaines sur le marché de cette région qui n’a pas dépassé 0,4% en 2013.
L’examen de l’intensité des échanges bilatéraux du Maroc avec les pays africains fait ressortir les conclusions suivantes :
- Le commerce bilatéral entre le Maroc et les pays d’Afrique subsaharienne demeure faible par rapport à son potentiel. Ce potentiel pourrait être atteint à travers la dynamisation et la diversification du cadre de coopération entre partenaires.
- L’intensité bilatérale des échanges du Maroc avec ses partenaires africains, tout en reproduisant la même réalité qui caractérise les échanges Sud-Sud dans leur ensemble, met en exergue la nécessité de résorber les contraintes structurelles (institutionnelles, politiques et logistiques) qui pèsent sur l’expansion des relations de coopération commerciale avec ces pays et ce, dans un souci d’élargissement de la géographie des échanges de notre pays et de la diversification des sources de croissance au bénéfice mutuel du Maroc et de ses partenaires africains.
- Les exportations des deux partenaires demeurent polarisées sur les produits les moins dynamiques de la demande mondiale. Un potentiel de développement des échanges existe cependant. Il s’offrirait, notamment, à la faveur de la libéralisation par les pays africains du secteur des services. En effet, les services représentent l’activité du commerce mondial qui a connu l’expansion la plus rapide depuis vingt ans, et ils représentent un produit intermédiaire essentiel dans la production.
Quelques opportunités d’exportation vers l’Afrique
L’examen des échanges commerciaux par secteur entre le Maroc et ses partenaires africains en 2013 permet de relever les remarques suivantes :
- Les exportations de produits agricoles sur le marché africain n’ont pas dépassé 1,5% des importations globales de la région de ces produits.
- L’essentiel des achats africains de textile s’effectue auprès de la Chine, de l’Inde et de la France. Le Maroc est faiblement présent sur le marché africain, sa part de marché ne représente que 0,2% des importations de textile-habillement de cette région.
- Concernant les produits chimiques, les exportations marocaines à destination de l’Afrique subsaharienne, n’ont représenté que 0,5% des importations globales de l’Afrique de ces produits.
Structure sectorielle des investissements marocains en Afrique
La répartition sectorielle des investissements directs marocains en Afrique indique que la moitié des flux sortants des IDE marocains entre 2007 et 2012 concerne le secteur des Banques (52%), suivi des Télécommunications (32%), des Holdings (7%) et de l’Industrie (3%).
Les banques marocaines se sont imposées comme des poids lourds en Afrique subsaharienne avec une présence directe dans 9 pays de la région, après quelques timides actions au cours des années 1990.
En matière de télécommunications, Maroc télécom s’est implanté en Mauritanie dès 2001 suite à la privatisation de Mauritel, qu’il détient via la Compagnie Mauritanienne de Communications «CMC» à hauteur de 41,2%. Le Groupe a marqué son entrée au Burkina Faso par l’acquisition de 51% du capital d’Onatel en décembre 2006 et racheté 51% des parts de Gabon Télécom en février 2007. Maroc Télécom s’est également emparé de 51% du capital de Sotelma en juillet 2009 dans le cadre d’un processus de privatisation lancé par l’état malien. En 2010, ces quatre filiales ont représenté 19,78% du chiffre d’affaires consolidé du Groupe.
Le Groupe ONA est actif en Afrique subsaharienne à travers la compagnie Optorg qui opère notamment dans la distribution de matériels lourds en Afrique de l’Ouest, et Managem qui a découvert de nombreux gisements de minerais en Afrique.
Pour le secteur des infrastructures, le groupe CCGT (Consortium pour les canalisations, les granulats et les travaux) a décroché en Guinée un projet d’aménagement d’un périmètre agricole pour une enveloppe de 70 millions de dirhams. Au Sénégal, le groupe a remporté l’un des plus grands chantiers publics du pays, permettant la construction d’une route de 230 kilomètres.
Dans le secteur pharmaceutique, un mémorandum d’entente a été signé entre le gouvernement ivoirien et la société COOPER PHARMA Maroc pour la réalisation d’une unité industrielle de production de médicament.
Dans le domaine des services, l’ONE a obtenu un contrat de concession au Sénégal pour une durée de 25 ans visant l’électrification des départements de Saint-Louis, Dagana et Podor.
Dans le transport aérien, la RAM a pu développer son réseau de dessertes africaines, passant de 6 en 2003 à 22 destinations en 2010 et à 30 en 2014.
Conditions de base pour un renforcement du positionnement économique du Maroc en Afrique
Ramener la confiance des opérateurs, puis d’éventuels investisseurs, exige des avancées institutionnelles des secteurs (gestion déléguée, affermage, concession, privatisation) et nécessite une régulation fiable et stable. Dans ce domaine, le Maroc possède une grande expérience et un niveau d’expertise assez probant (Charte d’investissement, centres régionaux d’investissement, réformes de l’administration…) qu’il peut partager avec les pays africains.
Ainsi, il est essentiel :
- de renforcer le dialogue institutionnel : partenariats d’entreprises privées, coopération, institutionnelle bilatérale, échanges techniques entre organisations professionnelles et entreprises publiques.
- d’instaurer un dialogue portant sur le suivi mutuel de la convergence des politiques économiques et commerciales à travers la mise en place d’enceintes de concertation permanente.
- de renforcer la coopération dans le domaine de l’éducation et de la formation professionnelle : appuyer les partenaires dans la conception de politique d’enseignement technique et de formation professionnelle appropriées, surtout en Afrique francophone.
Conclusion
Ainsi, le marché africain peut s’avérer porteur pour les entreprises exportatrices marocaines pourvu que celles-ci adoptent une stratégie d’adaptation à la demande d’importation de cette région. Les entreprises marocaines, ciblant le marché africain, devraient privilégier une stratégie de pénétration basée sur des considérations de coûts (Coste leadership) à partir de choix sectoriels ciblés en fonction de l’évolution des besoins actuels et surtout futurs des populations africaines, l’essor démographique, la montée des classes moyennes et l’urbanisation rampante du continent sont autant de facteurs à prendre en considération pour anticiper la configuration ascendante de ces économies en voie d’émergence.
C’est donc une stratégie à long terme qu’il convient de concevoir pour anticiper les évolutions positives et les dynamiques de transformations économiques, sociales et culturelles qui se profilent à l’horizon en Afrique subsaharienne.
Crédit photo : Africatime.com