Réponse du candidat Jean-Baptiste Natama
(1) Qu’est-ce qui dans votre parcours personnel et professionnel vous a préparé à présider aux destinées de votre pays?
Dire que l’on a été préparé à présider aux destinées de ce pays pourrait sonner prétentieux dans la mesure où nul n’est né pour être prédestiné à ces fonctions. Nous pouvons néanmoins dire que notre candidature à cette élection répond de la chance que nous avons eue d’être éduqué à certaines valeurs dont celle de l’Amour et du service de la Patrie ; ce qui induit l’Amour et le service du prochain.
D’un point de vue personnel, nous avons toujours appris que « aimer sa Patrie, c’est l’exalter en se mettant à son service ». Car c’est de la Patrie que nous tenons tout, la vie y compris, et c’est à elle que nous devons également tout donner en retour. C’est cela le sens de notre engagement, un engagement sacerdotal pour notre Patrie ! Il s’inscrit dans la continuation de nos engagements, services et sacrifices consentis pour notre Patrie avec loyauté, responsabilité et dévouement à travers les différentes responsabilités exercées.
Et à propos, dans notre parcours, nous avons eu l’immense privilège d’être fait héros à 21 ans par le Président Thomas Sankara à l’issue de la guerre entre le Mali frère et voisin et notre pays en décembre 1985. Nous avions alors été décoré de la Médaille d’Or du Flambeau de la Révolution à titre exceptionnel pour bravoure et hauts faits de guerre. Depuis lors, pour la Patrie, nous avons toujours fait et respecté le serment de servir avec fidélité et loyauté.
Sur le plan professionnel et toute humilité gardée, nous disposons objectivement d’une connaissance et d’une expérience suffisamment fortes et soutenues de notre pays, de sa gouvernance, des défis qui nous attendent. Il vous souviendra que nous avons servi ce pays dans diverses administrations, notamment aux ministères de la Défense, de l’Administration du territoire, des Affaires étrangères aussi bien à la capitale que dans de nombreuses villes à l’intérieur du pays.
Notre formation nous a permis d’acquérir les connaissances et compétences pluridisciplinaires nécessaires à ces fonctions qui font de nous aujourd’hui un juriste, politologue, diplomate, philosophe, ancien officier militaire et expert des Nations Unies et de l’Union africaine dans de nombreux domaines.
En 2009, nous avons conduit le processus d’élaboration du rapport du Mécanisme africain d’évaluation par les pairs (MAEP) sur le Burkina où nous avons procédé à un diagnostic de la gouvernance politique, économique, sociale et des entreprises de notre pays. Nous en avons relevé les insuffisances accompagnées de recommandations pertinentes. Aujourd’hui encore, ce rapport reste d’actualité et nous donne l’atout d’une très bonne maîtrise des questions de gouvernance dans notre pays et des défis qui nous attendent.
Au plan international, notre parcours professionnel nous a aussi conduit au carrefour de mille et une expériences en terres africaines du Burundi, de la République démocratique du Congo, du Rwanda, du Soudan. Puis, avant de nous engager dans la course pour cette élection, nous avons dû abandonner nos fonctions de Directeur de Cabinet de la Présidente de la Commission de l’Union africaine, poste de prestige pour certains, mais de labeur pour nous. Cette expérience nous est toutefois d’un précieux secours en termes d’ouverture sur le monde extérieur.
En somme, il est vrai que parler de soi est un redoutable exercice. Mais nous avons la sincère et humble conviction et certitude que notre parcours personnel nous a donné les aptitudes morales et notre parcours professionnel les aptitudes intellectuelles et techniques nécessaires à la charge de présider aux destinées de notre si belle et si riche Patrie.
(2) Quels sont les changements immédiats que vous comptez apporter dans la gouvernance de votre pays et sur lesquels vous voudriez être jugé à la fin de la première année de votre mandat?
Nous attendons de nos compatriotes qu’ils nous jugent sur tous nos engagements pris dans le cadre du contrat social nouveau que nous leur proposons. Ils en ont le droit ; et nous, le devoir de leur rendre compte. Les engagements sont sacrés et doivent être respectés. Nous respecterons ceux que nous avons pris.
Vous parlez de changements à apporter dans la gouvernance de notre pays et qui serviront de bases de jugement de notre action. Cela relève assez souvent de tout un processus qui peut s’étaler au-delà d’un an. C’est pourquoi, il est préférable ici de parler de mesures ou d’actions concrètes permettant d’émettre un jugement au bout d’une année. Nos compatriotes nous jugeront dès la fin de la première année de notre mandat sur les aspects suivants :
- La politique en matière de santé à travers l’effectivité de l’assurance maladie universelle et l’obligation de prise en charge systématique des urgences médicales avant paiement;
- La compression du Parc automobile de l’État pour le ramener au strict minimum;
- Les mesures répressives contre la corruption, la fraude et le faux;
- L’éradication des écoles sous paillote;
- La couverture vaccinale au taux de 100% pour les enfants de moins de 5 ans;
- La mise en place d’un Gouvernement paritaire de 16 membres astreints à la déclaration des biens et à la reddition des comptes.
(3) Quelles sont les sources de financement de votre campagne électorale et quel en est le budget ?
Concernant les sources de financement, notre campagne est supportée par la communauté des femmes, des jeunes et des hommes qui portent notre candidature et qui sont organisés et réunis au sein du Collectif NATAMA 2015.
En guise de rappel, le Collectif regroupe des partis politiques, des organisations associatives non politiques et des personnes ressources. Les apports sont volontaires et s’effectuent en espèces et surtout en nature, notamment du matériel mais surtout de l’expertise, du savoir et du savoir- faire à divers niveaux de l’architecture du Collectif.
Pour vous faire un aveu, toutes nos équipes sont animées par des jeunes bénévoles qui apportent chacun et chacune, ce qu’ils peuvent pour l’édification de l’œuvre commune. Par exemple, nos affiches et supports publicitaires ont été quasiment conçus par des jeunes militants et offerts gratuitement.
Le deuxième volet de votre question trouve logiquement sa réponse dans le développement précédent. Il est clair que dans le contexte qui est le nôtre tel qu’exposé, on ne saurait, sans être menteur, donner une évaluation du coût de notre campagne. Mais la vérité est que nous menons une campagne électorale d’austérité et dans l’austérité par la proximité et les échanges directs, francs et chaleureux avec nos populations comme vous pouvez le constater d’ailleurs dans les reportages de différents médias. Nous allons à la rencontre de nos militants ; nous ne réunissons pas des foules.
C’est aussi cela la culture politique nouvelle que nous entendons insuffler dans ce pays. Nous ne sommes pas fortunés. Et nous avons même osé prendre la décision historique de renoncer à notre part du financement de l’État destiné aux candidats à l’élection qui était de 25 millions de francs car, pour nous, la politique est un sacerdoce, un don de soi, une proposition de projet et de programme.
En fin de compte, notre campagne, si elle a un coût, c’est davantage en termes de ressources humaines de qualité et de sacrifice qu’en termes d’argent. Et c’est cela aussi qui nous inspire optimisme, confiance et sérénité quant à l’heureuse victoire qui nous attend au soir du 29 novembre prochain.
(4) Quelles sont les politiques que vous comptez mettre en place pour renforcer la cohésion nationale et sur lesquelles vous souhaitez être jugé au terme de votre mandat ?
Sans être alarmiste mais par honnêteté intellectuelle et par amour pour notre Patrie, il convient de reconnaître et d’admettre au préalable que dans ce pays, la fracture sociale existe et se creuse d’année en année du fait d’une mal-gouvernance rampante et généralisée. Pourtant, il est connu de tous qu’aucun pays ne peut être gouverné dès lors que la fracture sociale demeure un phénomène hors de contrôle. Le déficit social, le déficit de dialogue social, les inégalités et injustices, l’impunité et la crise de confiance entre gouvernants et gouvernés en sont entre autres des facteurs causaux, du moins pour ce qui nous concerne. En conséquence, le renforcement mais aussi la préservation de la cohésion nationale passent par l’éradication des causes qui l’érodent.
C’est pourquoi, nous nous engageons résolument à combattre tous ces malheureux facteurs par lesquels notre cohésion nationale est constamment ébranlée. Ainsi, la moralisation de la vie publique, la réhabilitation des valeurs d’intégrité, de justice, d’équité, de travail et de mérite, l’instauration d’un dialogue franc et sincère avec nos compatriotes, les politiques massives en faveur des secteurs sociaux pour lesquels nous comptons faire passer la part du PIB de 10 % actuellement à 20% constituent pour nous des chantiers urgents et pressants.
De même, nous nous engageons à promouvoir un développement participatif de sorte que nul ne soit laissé en marge des efforts pour la reconstruction nationale ou du partage des fruits de la croissance. Notre pays est également un État multiculturel qu’il convient d’accepter et de développer comme tel. Nous devons et allons donc créer les cadres et conditions pour la pleine expression de toutes les entités et diversités culturelles.
Mais avant tout cela, nous devrons affronter ensemble la redoutable mais non impossible épreuve de relecture de notre passé pour en apurer le passif et penser le présent afin d’oser et de pouvoir ensemble réinventer l’avenir. Cela nécessitera la justice dans la vérité en vue d’une réconciliation sincère. Et sur ce sujet, nous avons foi aux capacités de notre peuple à toujours renaître, tel un sphinx de ses cendres.
(5) Quelles sont vos propositions précises de réformes dans l’un des quatre domaines suivants :
a) l’enseignement supérieur
b) la santé publique
c) l’accès à l’électricité
d) la réduction de la corruption
(Le candidat a choisi la sous-question (d), note de WATHI)
Nous avons placé notre candidature sous le sceau de la rupture, du changement vrai et véritable. Pour en donner un signal fort et concret, il nous paraît tout à fait indiqué d’aborder ici la question de la lutte contre la corruption dans la mesure où ce fléau est symptomatique de l’ancien ordre qui a régné des décennies durant sur ce pays. Pour cela, nous avons pris l’engagement de la tolérance zéro vis-à-vis de ce scandale. Nous voulons bâtir une Patrie où la corruption, la fraude et le faux n’ont ni place ni grâce. Nous les combattrons sans état d’âme et vigoureusement.
Ainsi, nous renforcerons le dispositif répressif de lutte contre la corruption, la fraude et le faux en procédant à une révision du Code pénal.
Ainsi, les peines en la matière seront désormais suffisamment lourdes et dissuasives. Nous pensons qu’il est nécessaire d’instituer tout simplement la punition exemplaire et la traduire en acte. Ce fléau fait perdre à notre État 25% de son PIB, l’équivalent de 1058,125 milliards de F CFA en 2014. Ce montant est astronomique et inacceptable car des secteurs sociaux entiers se trouvent ainsi privés d’investissements. Notre élan de développement se trouve grevé.
La répression s’accompagnera de la prévention à travers une batterie de mesures. Ainsi, nous travaillerons d’arrache-pied à minimiser les transactions directes clients-agents de l’État en procédant à l’informatisation systématique de la chaîne des dépenses ainsi que celle des recettes pour favoriser la transparence et l’efficacité. De même, un système de télésurveillance sera installé dans les administrations car pour endiguer ce fléau, nous n’aurons pas d’autre choix que le recours à la machine si l’action directe sur l’homme tarde à produire ses résultats. Les lieux de transactions seront également reliés par des terminaux de paiement.
Mais avant, un audit général de la gestion de l’État sera réalisé et prendra en compte le foncier, le système informatique utilisé par le Gouvernement etc. Et dans la mesure où nous voulons bâtir une société où désormais l’exemple vient d’en haut, la lutte contre la corruption commencera par la mise en place d’un Gouvernement paritaire de 16 membres démontrant une probité morale reconnue, qui prêteront serment et seront astreints à la déclaration de biens et à la reddition des comptes.
Enfin, par la refondation de notre système d’éducation, nous réhabiliterons les valeurs d’intégrité, de justice et d’honnêteté entre autres car, à notre avis, la corruption est aussi la manifestation d’un déficit, d’une perte de valeurs. C’est parce que les hommes ont perdu ces valeurs qu’ils sont valeurs. C’est parce que les hommes ont perdu ces valeurs qu’ils sont corrupteurs ou corrompus. Il faut donc s’attaquer à l’humain, réhabiliter ces valeurs, rééduquer nos populations au sens et au respect du bien public, au devoir de solidarité nationale, à la justice, à l’intégrité. Ce n’est que de cette façon que nous réussirons à éradiquer la corruption dans notre pays.