Victor Bouscarle
La République Démocratique du Congo (RDC) est le deuxième plus vaste pays d’Afrique. Situé à l’extrémité Sud de l’Afrique centrale, il regroupe 90 millions d’habitants sur une superficie de plus de 2 millions de kilomètres carrés. Différentes expéditions minières, orchestrées par les puissances coloniales, découvrent au sud et à l’est du pays d’importantes ressources géologiques.
Il semblerait que l’expression régulièrement employée de « scandale géologique » provienne de l’une des expéditions dans la province du Katanga. L’expression serait attribuée au géologue belge Jules Cornet et aurait été prononcée en 1892 pour rendre compte de l’impressionnante diversité et quantité de ressources minières dont regorge le territoire.
Les difficultés d’évaluation des ressources disponibles
Il est très difficile d’estimer précisément les ressources géologiques présentes sur l’ensemble du territoire congolais. Selon Thierry De Putter et Sophie Decrée, comme pour l’ensemble du continent africain, il existe un réel manque de connaissances des ressources souterraines.
Si le potentiel minier est réel et que les ressources sont abondantes, il persiste un besoin d’investissement dans l’exploitation des données géologiques pour établir une nouvelle quantification et localisation des ressources.
En ce sens, avec l’appui de la Banque mondiale, l’État congolais a mis en place le projet PROMINES en 2010. Celui-ci avait pour objectif de mettre en place un cadre institutionnel performant permettant d’améliorer la gestion du secteur minier dans un but de développement économique et social.
Cette mission a permis de mettre en place une réforme du code minier, une cartographie géologique, la préparation de la création d’un Service géologique national, la formation d’agents de l’administration. En 2018, la Banque mondiale met en place PROMINES II, pour poursuivre la réalisation des objectifs de PROMINES.
Par ailleurs, comme le précisent Thierry De Putter et Sophie Decrée, il faut prendre en considération que les statistiques sont dépendantes des acteurs qui peuvent les produire. En effet, les compagnies minières produisent des statistiques surévaluées à destination de leurs actionnaires. À l’inverse, lorsque l’exploitation est artisanale, il n’existe le plus souvent aucune statistique fiable et un cruel manque de traçabilité.
Si le potentiel minier est réel et que les ressources sont abondantes, il persiste un besoin d’investissement dans l’exploitation des données géologiques pour établir une nouvelle quantification et localisation des ressources
Enfin, les ressources estimées ne sont représentatives qu’à un moment donné et sont susceptibles d’évoluer selon l’avancement des prospections géologiques.
Des ressources minérales tellement abondantes qu’elles sont qualifiées de « scandaleuses »
Les ressources minérales ont été considérées comme « scandaleuses » car les minerais présents dans le sol de la RDC sont à la fois divers et présents en grande quantité. En effet, en 2017, les statistiques du premier semestre, publiées par le ministère des Mines à travers le projet PROMINE, relatent la production de nombreux minerais : du diamant, de l’or, de la cassitérite, du coltan, du cuivre, du cobalt et du zinc. De plus, le centre américain d’études géologiques (USGS) inclut dans son rapport sur la RDC de 2015 des minerais comme le germanium.
Les chiffres qui suivent sont issus des publications annuelles de l’USGS relatif à chaque minéral et des statistiques minières du 1er semestre 2017 publiées par le ministère des Mines à travers le programme PROMINE.
La production de diamants industriels (sans considérer la production de diamants de synthèse) a atteint 15 millions de carats en 2017. Cela fait de la RDC le deuxième producteur mondial de diamants industriels derrière la Russie, et représente environ 20% de la production mondiale. Au-delà de la production, le pays possède d’importantes réserves avec une estimation en 2017 à 150 millions de carats, possédant ainsi 12,5% des réserves mondiales. Au premier semestre 2017, l’équivalent de plus de 91 millions de dollars américains (USD) de diamant a été exporté depuis la RDC.
Environ 30 000 kilogrammes d’or ont été produit en RDC en 2017, cela représente environ 1% de la production mondiale. Au premier semestre de cette même année, plus de 571 millions USD d’or a été exportés depuis la RDC.
En RDC, en 2017, 1 million de tonnes de cuivre ont été produites, représentant 5% de la production mondiale. Cela fait du pays le cinquième producteur mondial. De plus, la RDC possède environ 2% des réserves mondiales, soit environ 20 millions de tonnes.
En 2017 toujours, 73 000 tonnes de cobalt ont été produites en RDC. Cela en fait le premier producteur mondial et lui permet de fournir environ 60% de la production mondiale. Également, le pays possède les plus importantes réserves avec 3,4 millions de tonnes, soit environ la moitié des réserves mondiales.
La même année, environ 17 000 tonnes de zinc ont été produites dans le pays. Cela représente environ 0,1% de la production mondiale. En 2015, 21 000 tonnes de germanium ont été produites, ce qui fait de la RDC, le 3e producteur mondial et représente 12% de la production mondiale.
La cassitérite, un minerai d’oxyde d’étain, a été produite à hauteur d’environ 18 000 tonnes en 2017 en RDC. Ainsi, 9 000 tonnes d’étain ont été produites en 2017, ce qui représente 3% de la production mondiale et fait de la RDC le 6e producteur mondial. De plus, le sous-sol de la RDC détient 150 000 tonnes d’étain, soit 3% des réserves mondiales.
Par ailleurs, dans la cassitérite est présent le tantale, dont 760 tonnes ont été produites, soit 41% de la production mondiale, ce qui fait de la RDC le premier producteur mondial. Ainsi, les capacités de production de cassitérite sont exceptionnelles et, selon un rapport de l’Office français des réfugiés et apatrides (OFPRA), en 2014 la RDC détenait 15% des réserves mondiales de cassitérite. Ainsi, au premier semestre 2017, l’équivalent de plus de 42 millions USD de cassitérite a été exporté depuis la RDC.
En 2017 toujours, 73 000 tonnes de cobalt ont été produites en RDC. Cela en fait le premier producteur mondial et lui permet de fournir environ 60% de la production mondiale. Également, le pays possède les plus importantes réserves avec 3,4 millions de tonnes, soit environ la moitié des réserves mondiales
Enfin, en 2017, 1 800 tonnes de coltan ont été produites. Le coltan est la contraction de colombite-tantalite. Comme avec la cassitérite, le coltan permet d’obtenir du tantale, mais également du niobium. Ainsi, au premier semestre 2017, l’équivalent de plus de 20 millions USD de coltan a été exportés depuis la RDC.
Des ressources stratégiques sur toute l’étendue du territoire
Le « scandale » géologique ne tient pas seulement à la quantité et à la diversité des ressources présentes dans le sous-sol de la RDC, mais également à leur grande valeur financière et stratégique.
En effet, la RDC tire de l’exploitation de ces ressources une rente, par le prélèvement d’impôt, de tarifs douaniers, et de recettes non fiscales. L’exploitation de ces ressources géologiques a rapporté, au premier semestre 2017, près de 307 millions USD aux administrations financières selon le rapport du ministère des mines à travers le projet PROMINE.
Par ailleurs, ces ressources sont stratégiquement essentielles. En effet, bon nombre des minerais présents sont devenus indispensables à la production de matériaux de haute technologie. Les diamants sont essentiels, notamment de par leur rigidité et conductivité thermique inégalées. La fabrication de nombreux objets qui nous entourent nécessite ce minéral.
L’or est également un minerai stratégique. En effet, au-delà de sa fonction esthétique employée en joaillerie, ses propriétés de conductivité électrique et de résistance à la corrosion sont employés en informatique. Par ailleurs, c’est la ressource financière par excellence, jouant un rôle de premier choix comme réserve de valeur sur le long terme.
Le cuivre est également une ressource stratégique. C’est le troisième métal le plus consommé au monde derrière le fer et l’aluminium. Les propriétés thermiques et électriques ainsi que la résistance à la corrosion ont fait du cuivre un incontournable de notre civilisation dépendante à l’électricité.
L’exploitation de ces ressources géologiques a rapporté, au premier semestre 2017, près de 307 millions USD aux administrations financières selon le rapport du ministère des mines à travers le projet PROMINE
Le cobalt est un métal qui doit également sa popularité à ses propriétés électriques. En effet, il est massivement utilisé dans l’élaboration des batteries électriques rechargeables, aujourd’hui présentes partout autour de nous. Par ailleurs, ce métal est utilisé dans divers superalliages, notamment utilisés pour la fabrication de turbines aéronautiques et marines.
Le zinc se classe juste derrière le cuivre comme le quatrième métal le plus consommé. Sa fonction est de protéger l’acier et le fer de la corrosion. Le germanium est utilisé pour la réalisation des réseaux de communication par fibre optique ou encore pour les techniques de vision nocturne. Par le passé, ce métal était nécessaire pour la réalisation des transistors, composant électronique incontournable.
La cassitérite est stratégique car elle permet de produire de l’étain et du tantale. L’étain est grandement utilisé, il se trouve dans les emballages en fer comme les boîtes de conserve ou bien dans les circuits électroniques. Par ailleurs, l’étain est souvent utilisé pour la réalisation de pièces de monnaies.
Enfin, le cobalt est également stratégique car, comme la cassitérite, il permet d’obtenir le tantale. En effet, il est grandement utilisé pour la fabrication de condensateurs, supraconducteurs, transistors pour les industries aérospatiales et l’ensemble du matériel électronique qui nous entoure.
Ainsi, le sol de la RDC renferme de nombreux métaux aujourd’hui incontournables pour notre civilisation dépendante à l’électricité et au matériel informatique.
La malédiction des ressources naturelles
Bien que la RDC soit consciente de ses ressources, le pays reste pourtant l’un des 47 Pays les moins avancés (PMA). Cette situation peut au premier abord sembler contradictoire, seulement c’est le cas de nombreux pays aux ressources naturelles conséquentes.
Le cobalt est un métal qui doit également sa popularité à ses propriétés électriques. En effet, il est massivement utilisé dans l’élaboration des batteries électriques rechargeables, aujourd’hui présentes partout autour de nous. Par ailleurs, ce métal est utilisé dans divers superalliages, notamment utilisés pour la fabrication de turbines aéronautiques et marines
La malédiction des ressources naturelles est une théorie économique qui remarque la corrélation négative entre développement économique et ressources naturelles. Si cette tendance est vérifiée empiriquement, notamment par Sachs et Warnes, selon Sala-i-Martin et Subramanian ce ne sont pas les conséquences sur le taux de change ou bien la dépendance à une ressource à la valeur volatile qui en sont à l’origine mais plutôt les conséquences néfastes sur les institutions.
En effet, la présence d’importantes ressources naturelles serait le moteur de lutte de pouvoir et de corruption handicapant dans son ensemble le développement d’un territoire.
Selon Ben Katoka, le Congo est un exemple typique de la malédiction des ressources naturelles. En effet, il observe qu’en dépit des importantes ressources naturelles présentes la pauvreté persiste et que le pays est l’un des plus corrompus au monde selon l’Indice de perception de la corruption. Par ailleurs, les violences sont exacerbées à l’est du pays, comme en témoigne la cartographie de l’IPIS qui met en relation les conflits et les sites miniers artisanaux..
Au-delà de la violence armée, les mines artisanales sont des exploitations extrêmement précaires dans lesquels se côtoient adultes et enfants. Le manque de traçabilité des ressources minières, du tantale et du cobalt notamment, ne permet pas d’améliorer la situation des travailleurs.
Enfin, le cobalt est également stratégique car, comme la cassitérite, il permet d’obtenir le tantale. En effet, il est grandement utilisé pour la fabrication de condensateurs, supraconducteurs, transistors pour les industries aérospatiales et l’ensemble du matériel électronique qui nous entoure
International Rights Advocates, association de protection des droits humains, accuse des géants américains des technologies, comme Tesla, Google, Microsoft ou Dell, de complicité dans le travail forcé, la mutilation et la mort d’enfant par l’utilisation de cobalt provenant de ces mines artisanales.
Ainsi, le territoire de la RDC bénéficie de quantités exceptionnelles de ressources géologiques stratégiques. Seulement cette richesse ne semble pas profiter aux populations au regard du développement économique du pays.
Photo: Le Petit Journal
Victor Bouscarle est étudiant géographe en Master Etude comparative du développement à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Il effectue un stage à WATHI.