Sexualité prémaritale et utilisation du préservatif parmi les jeunes en Côte d’Ivoire
7e Conférence Africaine sur la Population, Afrique du Sud, 2015.
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Summary :
There is an increase in prenuptial sexuality among adolescents and young people in Côte d’Ivoire. In the current context of the HIV / AIDS epidemic, this sexuality is not without risk. This study shows that condom use among sexually active unmarried youth is very low, and even more so among girls. However, a number of factors contribute to its use, including the place of residence, level of education and age group , which were tested for this study.
Qu’entend -on par sexualité prénuptiale?
L’importance et la croissance de l’activité sexuelle des adolescents et des jeunes avant le mariage, en Afrique, ne fait plus aucun doute (Delaunay, 1994 ; Wellings et al., 2006). Une enquête réalisée en 1982 dans la ville d’Ibadan, au Nigéria confirmait le niveau élevé et croissant de l’activité sexuelle des adolescents et jeunes célibataires (Nichols et al., 1986). Des études récentes (Rossier et al., 2013) révèlent même que l’activité sexuelle prénuptiale est une pratique généralisée en milieu urbain, parmi les jeunes instruits et aisés.
Si par le passé, les premiers rapports sexuels coïncidaient avec le mariage, aujourd’hui, il existe un décalage entre les deux occurrences. En effet, du fait de plusieurs facteurs dont l’urbanisation, la modernisation des modes de vie, la crise économique, la généralisation de la scolarisation notamment celle de la jeune fille, les mariages des jeunes générations ne sont plus aussi précoces qu’autrefois. On assiste donc une longue période de célibat caractérisée par une sexualité prénuptiale due à la hausse de l’âge au mariage et à l’écart qui se creuse entre l’âge au premier rapport sexuel et celui de la mise en union (Delaunay et Guillaume, 2007 ; Beninguisse, 2007 ; Rossier et al., 2013 ; Bakass et al., 2013). Cette période de sexualité préconjugale n’est pourtant pas sans risque pour les jeunes dans la mesure où leurs rapports sexuels ne s’inscrivant pas dans un cadre « formel », ils échappent ainsi à tout contrôle, laissant libre cours à des comportements peu responsables.
Cette observation est corroborée par Delaunay et Guillaume (2007), lorsqu’elles soulignent que cette période de sexualité juvénile autonome, échappant au contrôle des aînés, aboutit à une plus grande individualisation des comportements. Ainsi, les jeunes cumulent plusieurs comportements sexuels dits « à risque » : précocité de l’entrée en vie sexuelle, développement du multipartenariat sexuel, intensité de l’activité sexuelle prénuptiale et non utilisation du préservatif car comme le soulignent Rossier et al. (2013) les rapports sexuels des jeunes africains restent insuffisamment protégés.
La généralisation des relations sexuelles préconjugales des adolescents et des jeunes provoque un certain nombre de préoccupations liées aux risques sanitaires qui lui sont associées : infection à VIH, IST, grossesses prénuptiales non désirées, avortements (Adjamagbo et al., 2004). Effectivement, cette sexualité prémaritale est couramment le lieu de prises de risque, les moyens de protection étant absents lors des rapports sexuels (Bajos, 2006).
Les grossesses prénuptiales : le plus souvent précoces et/ou non désirées
Dans de nombreuses régions d’Afrique subsaharienne y compris en milieu rural, on assiste au déclin de la nuptialité précoce (Kuate-Defo, 2000). Ce déclin va transposer l’initiation sexuelle de la sphère conjugale à la sexualité prémaritale (Birungi et al., 2012). Au nombre des conséquences de cette activité sexuelle préconjugale, notons les grossesses prénuptiales dont certaines sont le plus souvent précoces et/ou non prévues.
Traditionnellement le mariage est le seul espace socialement reconnu dans lequel doit s’exercer la maternité. De ce fait, les grossesses hors mariage sont susceptibles d’occasionner le rejet de la famille (Mondain et al. 2005). En effet, la grossesse avant le mariage est souvent très mal perçue par certaines communautés en Afrique, pouvant même entraîner le risque pour la jeune fille d’être expulsée du domicile paternel. La jeune fille peut alors se trouver livrée à elle-même dans des conditions économiques précaires. Perçue comme une source de honte, la jeune mère s’expose à l’opprobre, sa réputation est ternie, elle court le risque de rester célibataire, ou d’être obligée d’épouser l’auteur de sa grossesse.
Avortements clandestins à risque
En Afrique subsaharienne, plus d’une grossesse sur 10 chez les 15–19 ans se termine par un avortement (Biddlecom et al., 2008). Les niveaux élevés d’avortement chez les adolescentes et les jeunes filles célibataires notamment en milieu urbain sont souvent attribués un accès difficile aux centres de planification familiale à cause de la réprobation sociale de la sexualité hors union (Mensch et al., 2006).
Selon les résultats d’une étude menée, à l’échelle nationale, en Côte d’Ivoire par Vroh et al. (2012), le profil des femmes ayant avorté est dominé par les femmes âgées de moins de 25 ans (65,3 %), non scolarisées (36,8 %), célibataires (58,9 %). A l’exception du niveau d’instruction, cette étude vient corroborer les résultats trouvés précédemment par Guillaume et Desgrèes du Lou (2002). À Abidjan, des enquêtes auprès de femmes en consultation dans les centres de santé montrent que l’avortement concerne surtout les femmes de moins de 25 ans célibataires et d’un niveau d’instruction élevé. Une autre étude réalisée au Togo par N’Bouke et al. (2012) confirme un recours plus fréquent à l’avortement chez les jeunes comparativement à l’ensemble de la population féminine en âge de procréer. Les auteurs révèlent également qu’à Lomé, 39 % des femmes de 15 à 24 ans, qui ont été enceintes au moins une fois, ont déclaré avoir déjà eu recours à un avortement.
Les avortements clandestins, effectués en violation des législations en vigueur, ne sont pas sans risque pour les jeunes filles. Elles peuvent être victimes de complications car elles avortent à des durées tardives et avec des méthodes dangereuses surtout l’indigénat, les médicaments en surdosage et les produits chimiques (Guillaume, 2004). Ces complications peuvent avoir des conséquences à long terme sur la santé des femmes ou sur leur fertilité, mais aussi provoquer leur décès. Dans ce contexte, un nombre important des décès maternels pourrait être attribuable aux avortements, comme le souligne Guillaume (2000). En effet, 70% des décès maternels survenus dans les trois CHU en Côte d’Ivoire entre 1989 et 1992 seraient consécutifs à des avortements provoqués.
Utilisation du préservatif suivant les caractéristiques socio-démographiques
Lorsqu’on s’intéresse aux groupes de jeunes célibataires sexuellement actifs, il ressort que l’utilisation du préservatif est plus élevée chez les plus jeunes (15-19 ans) aussi bien chez les EDS-MICS 2011-2012, nos calculs hommes que chez les femmes. Aussi, l’utilisation du préservatif dans ce groupe de population augmente avec le degré d’urbanisation. Autrement dit, les jeunes qui résident en milieu urbain sont plus nombreux à utiliser le préservatif. En sus, l’usage du préservatif au dernier rapport sexuel augmente positivement avec le niveau d’instruction quel que soit le sexe. Toutefois, l’usage est plus élevé parmi les hommes par rapport aux jeunes femmes. En outre, on constate que le niveau de vie favorise l’utilisation du préservatif. Ainsi, les jeunes hommes vivant dans des ménages aisés sont plus nombreux à recourir au préservatif lors des derniers rapports sexuels.
Le modèle multivarié final indique que le fait de vivre en milieu urbain influence l’utilisation du préservatif. Ainsi, par rapport aux jeunes du milieu rural, ceux de la ville ont 32% moins de chance d’utiliser le préservatif à leur dernier rapport sexuel. En outre, les jeunes résidant dans les ménages pauvres ont 43% moins plus de chances que leurs homologues vivant dans les ménages riches d’utiliser le préservatif au dernier rapport sexuel. En effet, les individus vivant dans la pauvreté ou menacés par la précarité sont vulnérables à lors des rapports sexuels et sont susceptibles d’avoir des rapports sexuels non protégés. Le niveau d’instruction influence positivement l’utilisation du préservatif. En effet, les jeunes n’ayant aucun un niveau d’étude et de ceux de niveau primaire ont respectivement 61% et 34% moins de chance d’utiliser le préservatif au dernier rapport sexuel que ceux du niveau secondaire et plus.
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