Tendances mondiales de l’emploi des femmes
Bureau international du travail, mars 2008
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Afrique subsaharienne
Les femmes continuent de porter un plus lourd fardeau en termes d’insuffisance d’emplois décents. En dépit des signes récents de progrès économique, l’Afrique subsaharienne demeure la région du monde qui affiche les taux de pauvreté les plus élevés. Le nombre insuffisant d’emplois décents créés dans la région et la pauvreté largement répandue continuent de peser lourdement sur les femmes.
Dans cette région, les femmes n’ont guère d’autre choix que de travailler – le ratio emploi-population des femmes est le deuxième plus élevé du monde (derrière l’Asie de l’Est) – mais cela n’empêche pas la persistance d’une pauvreté très répandue, ce qui indique un grave dysfonctionnement des marchés du travail de la région. L’emploi décent et productif – avec ses corollaires de rémunération décente, de protection sociale, de droits fondamentaux au travail et de dialogue social – est sans aucun doute l’exception plutôt que la règle.
En 2007, les ratios emploi-population de la région étaient élevés tant pour les femmes (56,9 pour cent) que pour les hommes (79,7 pour cent). Mais le fait qu’une proportion importante de femmes travaille dans la région ne doit toutefois pas être interprété comme une évolution positive (à l’instar de ce qu’elle pourrait être dans d’autres régions ayant des niveaux de développement plus élevés), dans la mesure où les taux d’emploi comparativement élevés sont ici fortement liés au fort taux de pauvreté dans la région.
Une personne pauvre devra travailler pour survivre, sans se soucier de la qualité du travail. De plus, l’absence de solutions éducatives signifie qu’une proportion importante de jeunes femmes, qui pourraient autrement être scolarisées, travaille elle aussi pour contribuer au revenu familial, ce qu’illustre bien le ratio emploi-population élevé (49 pour cent) pour les jeunes femmes de la région.
Même dans une région accablée par la pauvreté où le plus grand nombre de personnes possible au travail est souvent nécessaire pour assurer la subsistance, un écart entre les hommes et les femmes existe. Dans cette région la plus pauvre du monde, le ratio emploi-population des hommes demeure supérieur celui des femmes. Cet écart n’a par ailleurs pas changé au cours des dix dernières années, que ce soit pour les jeunes ou pour l’ensemble de la population active. Ainsi, en 2007, l’écart entre les ratios emploi-population des femmes et des hommes s’est maintenu au même niveau qu’en 1997, c.à.d. à 22,7 points de pourcentage ; et, pour les jeunes, il n’a pratiquement pas changé non plus pendant cette période, s’établissant à 14,5 points de pourcentage en 2007.
En Afrique subsaharienne, s’agissant de l’emploi, les raisons du maintien d’un écart entre hommes et femmes tiennent moins probablement à la discrimination sur le lieu de travail (même si elle existe également) qu’à la nécessité pour les femmes de se charger elles-mêmes des activités quotidiennes de subsistance des foyers pauvres (aller chercher de l’eau, préparer les repas, s’occuper des enfants, etc.)
Même si, en Afrique subsaharienne, la pauvreté tend à obliger les gens à prendre n’importe quel emploi disponible (d’où les ratios emploi-population moyens sus-mentionnés), le chômage, qui fait que des personnes cherchant du travail ne parviennent pas à en trouver, demeure lui aussi un défi non négligeable. Une comparaison des taux de chômage par sexe – 9,1 pour cent des femmes et 7,5 pour cent des hommes en 2007 – montre que ce défi est plus important pour les femmes que pour les hommes ; et ces taux sont encore plus importants pour les jeunes, à 13,9 pour cent pour les femmes et 13,6 pour cent pour les hommes.
L’agriculture continue de fournir la très grande majorité des emplois destinés aux femmes : dans la région, près de 7 femmes sur 10 (67,9 pour cent) travaillent dans ce secteur, essentiellement dans l’agriculture de subsistance, dans des conditions très dures et avec une sécurité économique très faible, voire inexistante. Même si cette proportion s’est réduite au fil du temps (passant de 74,8 pour cent en 1997 à 67,9 pour cent en 2007), celle des hommes ayant quitté le secteur agricole dans la région a décru beaucoup plus vite.
La proportion d’emplois des femmes dans l’industrie est quant à elle demeurée pratiquement inchangée au cours des dix dernières années et, à 5,8 pour cent, est la plus faible du monde. En comparaison, celle des hommes est plus de deux fois plus élevée. Dans le secteur des services, la proportion d’hommes (26,4 pour cent) et de femmes (25,2 pour cent) est presque égale.
La proportion des travailleurs vulnérables continue d’être très élevée en Afrique subsaharienne et, une fois encore, la situation est encore pire pour les femmes que pour les hommes. Ainsi, sur l’ensemble des femmes travaillant en 2007, plus de 8 sur 10 (81,7 pour cent) le faisaient dans des conditions vulnérables, soit comme travailleuses familiales non rémunérées soit comme travailleuses indépendantes. En d’autres termes, moins de 2 femmes sur 10 bénéficiaient d’une sécurité économique relativement supérieure en étant des travailleuses rémunérées et salariées ou des employeurs.
Le tableau semble à peine plus brillant pour les hommes : seuls 3 sur 10 (30,3 pour cent) font partie du groupe des travailleurs rémunérés et salariés en Afrique subsaharienne. Mais au moins, contrairement aux femmes, ils ne sont pas piégés dans le groupe des travailleurs familiaux non rémunérés dans l’impossibilité de gagner directement le moindre revenu : seuls 18,4 pour cent d’entre eux étaient dans cette situation contre 34,7 pour cent des femmes.
Si l’on prend l’ensemble des emplois vulnérables, la situation s’est améliorée avec le temps pour les deux sexes, mais toutefois à un rythme beaucoup plus rapide pour les hommes (entre 1997 et 2007, la proportion des hommes occupant des emplois vulnérables a chuté de 71,4 à 66,4 pour cent, tandis que celle des femmes n’a baissé que de 85,0 à 81,7 pour cent). En résumé, le fardeau de l’emploi vulnérable dans la région continue de peser lourdement sur les femmes, qui restent principalement dans le secteur agricole, et les progrès dans la situation d’emploi et la répartition sectorielle semblent profiter majoritairement aux hommes.
En 2007, seules 15,5 pour cent des femmes avaient un emploi rémunéré et salarié, ce qui représente la moitié de la proportion d’hommes dans la même situation. Les femmes ont également un risque plus élevé de se trouver au chômage. Tout bien considéré, il semble que le peu d’emplois rémunérés et salariés qui sont créés dans le secteur formel privilégient les hommes aux femmes.
Dès lors, il ne reste habituellement à ces dernières que deux options : se rabattre sur les emplois vulnérables ou (même si cela est moins viable compte tenu de la nécessité de gagner un peu d’argent) rester sans emploi. La forte activité économique des femmes subsahariennes ne pourra être une force susceptible de contribuer positivement à la hausse des taux de croissance économique de la région que si la productivité et les conditions de travail sont améliorées.