Wathinote Constitution : Niger
Promulguée le 29 novembre 2010 par un gouvernement de transition, la Constitution nigérienne est divisée en 14 titres couvrant 185 articles faisant un total de 13 704 mots. C’est un texte de portée générale dont plusieurs dispositions doivent être étayées par des dispositions législatives.
Droits, devoirs et garanties
La Constitution nigérienne, se référant à la Déclaration universelle des droits de l’homme ainsi qu’à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, comporte la dichotomie droits et devoirs.
La Constitution nigérienne reconnaît les droits et libertés civils et politiques : la sacralité et la dignité de la personne humaine, l’égalité devant la loi ; le refus des traitements inhumains et arbitraires ; le droit de propriété ; les libertés de pensée, d’opinion, d’expression, de conscience, de religion, de culte ; les libertés d’association, de réunion, de cortège et de manifestation ; le droit syndical et le droit de grève.
Sont également reconnus des droits « sociaux » : travail, santé, alimentation saine et suffisante, eau potable, éducation, instruction ; « développement de sa personnalité », droit à un environnement décent.
Le Niger tranche dans l’énonciation des devoirs en ce que les dispositions visent autant les citoyens que l’État. Les citoyens sont astreints au respect des lois, à la défense de la patrie et au respect des biens publics. De nombreux devoirs échoient à l’État, notamment en vue d’assurer l’effectivité des droits sociaux : veille à l’épanouissement de la jeunesse, veille sur les personnes âgées, la protection des droits et libertés des citoyens nigériens à l’étranger, la création de conditions propres pour assurer à tous des services médicaux et une aide médicale en cas de maladie.
Cette conception extensive des droits et devoirs est garantie tant par l’État que les collectivités publiques auxquelles est reconnu une place prééminente dans l’affirmation de la citoyenneté.
Par ailleurs, une Commission nationale des droits humains (CNDH) est en charge de veiller à la promotion et à l’effectivité des droits et des libertés. Elle présente un rapport annuel à l’Assemblée nationale. Elle est composée de neufs membres élus par leurs pairs : un avocat, un magistrat, un représentant des organisations de défense des droits de l’homme, un représentant élu par les associations de défense des droits de la femme, un enseignant chercheur, un représentant du conseil islamique, un représentant de l’église du Niger ainsi que deux députés. La Commission, qui jouit d’une autonomie administrative et financière, dispose de pouvoirs d’enquêtes sur toute question relative aux droits et libertés. Elle reçoit les plaintes des victimes ou d’associations. Les pouvoirs publics sont tenus de lui communiquer toute information et document utiles à sa mission ; elle peut également requérir la force publique pour l’exercice de sa mission.
Références :
Titre II : Articles 10-44
Organisation politique
Le pouvoir exécutif
Comme dans les autres pays de la région, le système institutionnel est dominé par le pouvoir exécutif. Le Président, chef de l’État, chef suprême des armées et de l’administration. Il nomme le Premier ministre. Il peut également convoquer par décret une session extraordinaire de l’Assemblée nationale et la dissoudre.
La Constitution nigérienne se distingue cependant par une quête d’équilibre à l’intérieur du pouvoir exécutif. Ainsi le Premier ministre contresigne tous les actes présidentiels à l’exception de ceux concernant sa nomination, les nominations aux postes diplomatiques, la décision de soumettre un référendum, la prise de mesures exceptionnelles en cas de crise et la convocation d’une session extraordinaire de l’Assemblée nationale par décret. Par exemple, le Président nomme aux emplois civils de l’État sur proposition du gouvernement.
Le gouvernement est responsable devant l’Assemblée nationale, devant laquelle le Premier ministre prête serment lors de sa nomination. En cas de non concordance entre la majorité présidentielle et la majorité parlementaire, le Président est tenu de nommer un chef de gouvernement issu de la majorité parlementaire. Dans ce cas de figure, seuls les ministres de la défense et des affaires étrangère sont nommés d’un commun accord entre les deux têtes de l’exécutif.
De plus, la Constitution nigérienne introduit la notion de collégialité dans des domaines relevant généralement de la compétence exclusive du chef de l’État. Un conseil supérieur de la défense nationale émet ainsi des avis sur la nomination aux autres fonctions militaires et sur des questions du domaine militaire. Un conseil national de sécurité donne son avis sur des questions relatives à la sécurité et la politique étrangère. Par ailleurs, l’article 69 crée un Conseil de la République, « en vue de prévenir les crises institutionnelles et politique, de manière consensuelle ». Il est composé notamment du Président de la République, du Président de l’Assemblée nationale, du Premier ministre, d’anciens présidents de la République et du chef de file de l’opposition.
Le pouvoir législatif
Le Pouvoir législatif est exercé par une chambre unique : l’Assemblée nationale. Celle-ci vote la loi, consent l’impôt et contrôle l’action du gouvernement. L’Assemblée nationale partage avec le gouvernement l’initiative des lois. Les domaines relevant de la loi sont cités de manière exhaustive par la Constitution. L’initiative des lois des finances est cependant du ressort du gouvernement.
Outre la maitrise de son ordre du jour, l’Assemblée nationale dispose de plusieurs moyens de contrôle de l’action de l’exécutif : l’interpellation par les députés ; les questions écrites et orales ; la motion de censure – par laquelle elle met en cause la responsabilité du gouvernement – qui doit être signée par un cinquième des députés pour être recevable et adoptée à la majorité absolue pour renverser le gouvernement ; le vote de défiance par lequel elle désapprouve à la majorité absolue le programme ou la déclaration de politique générale du gouvernement, ou rejette un projet de loi.
Si l’ Assemblée nationale passe une motion de censure ou un vote de défiance, le Premier ministre est tenu de remettre la démission de son gouvernement au Président.
En termes de contrôle des finances publiques, l’Assemblée nationale peut demander à la Cour des comptes – qui relève du pouvoir judiciaire – des enquêtes sur l’exécution des recettes et dépenses publiques.
Le pouvoir judiciaire
La Constitution reconnait les principes d’indépendance de la justice envers les pouvoirs exécutif et législatif et d’inamovibilité des magistrats du siège. L’effectivité de ce principe est relativisée par la prééminence du Président de la République qui nomme les magistrats sur proposition du ministre de la Justice, après avis du Conseil supérieur de la magistrature. Les modalités de fonctionnement et d’organisation du Conseil supérieur de la magistrature doivent être fixés par une loi.
Le pouvoir judiciaire est exercé par la Cour constitutionnelle, la Cour de cassation, le Conseil d’État, la Cour des comptes, les cours et tribunaux.
- La Haute cour de Justice
La Haute Cour de Justice juge le Président en cas de haute trahison, seul acte dont il est responsable dans l’exercice de ses fonctions. Elle juge également les membres du gouvernement pour des crimes et délits commis dans l’exercice de leurs fonctions.
La mise en accusation du Président de la République est votée par un scrutin public à la majorité des deux tiers et celle des membres du gouvernement, à la majorité absolue.
La Haute cour de Justice, relevant de l’Assemblée nationale, est composée de quatre députés élus au sein de l’Assemblée nationale en début de législature et de trois magistrats respectivement désignés par la Cour de cassation, le Conseil d’État et la Cour des comptes.
- La Cour des comptes
La Cour des comptes a une triple compétence : juridictionnelle, consultative et de contrôle. Elle juge les comptes des organisations publiques et de toute entité bénéficiant du concours financier de l’État. Une loi organique détermine son fonctionnement, sa composition et ses attributions.
La Cour constitutionnelle
La Cour Constitutionnelle a une double fonction de juridiction en matière constitutionnelle et électorale. Elle statue sur la constitutionnalité des lois, des ordonnances et des engagements internationaux (traités et conventions).
La Cour constitutionnelle comprend sept membres nommés pou un mandat de six ans non renouvelable. La composition de la Cour constitutionnelle est le résultat d’un processus collégial. Le Président de la République et le Bureau de l’Assemblée nationale nomment chacun une personnalité ayant un grande expérience en matière juridique et administrative. Les magistrats, les avocats, les enseignants chercheurs et les associations des défenses des droits humaines et de la démocratie élisent un membre parmi leurs pairs pour faire partie de la Cour. Le Président de la Cour constitutionnelle est élu par ses pairs pour une durée de trois ans.
Références :
Titre III : Articles 47, 61-81
Titre IV : Articles 83, 90-95
Titre VI : Articles 116-135; 142-145
Animation de la vie politique
Régulation des partis politiques
La Constitution nigérienne admet les partis politiques et les groupements des partis politiques dans le cadre général de la liberté d’association reconnue et garantie. Les partis politiques à base régionaliste, ethnique, religieuse et ethnique sont interdits par la loi. La Constitution n’apporte pas de précisions concernant la régulation des partis politiques. L’article 99 en fait vaguement mention : “la loi fixe les règles concernant la charte des partis politiques”.
Élections
- Organisation et contrôle des élections
La Cour Constitutionnelle contrôle la régularité des élections et proclame les résultats définitifs. Une commission électorale nationale indépendante est en charge de l’organisation et du suivi des scrutins. Elle en proclame les résultats provisoires avant validation par la Cour constitutionnelle. Une loi organique détermine les modalités d’organisation et de fonctionnement de cette commission.
La Cour constitutionnelle est juge du contentieux électoral pour les élections présidentielles et législatives. Les tribunaux de grande instance statuent sur les élections locales dont ils proclament les résultats définitifs. L’instance de dernier ressort est le Conseil d’État dans le cas des élections locales.
- Modes d’élection
Le Président de la République est élu au suffrage universel pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois lors d’un scrutin majoritaire à deux tours. La Constitution insiste sur l’interdiction d’exercer plus de deux mandats et de les proroger.
Les députés sont élus au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans. Les listes de partis politiques doivent compter au moins 75% de candidats titulaires au moins d’un Brevet d’études du premier cycle (BEPC) et de 25% au plus ne remplissant pas cette condition.
Participation des citoyens aux affaires publiques hors élections
Hors élections, il n’est pas prévu dans la Constitution de mécanisme ou de dispositif de participation dans les affaires publiques. Le code de collectivités territoriales évoque le droit à l’information sur la gestion des affaires locales via l’organisation des débats publics sur les politiques locales et l’accès aux séances publiques et aux comptes des collectivités territoriales.
Références :
Titre I : Article 6 ; 9
Titre III : Article 47
Titre IV : Articles 84-85
Titre V : Article 99
Titre VI : Article 120
Titre IX : Article 166
Organisation administrative
Le caractère décentralisé du Niger est affirmé dans la Constitution vu que celle-ci accorde une place prépondérante aux collectivités territoriales (la région et la commune) dans la mise en œuvre effective des droits et libertés des citoyens. Il est reconnu aux collectivités territoriales le principe de libre administration par des conseils élus. Une loi organique crée les collectivités territoriales.
L’État reconnaît la chefferie traditionnelle comme dépositaire de l’autorité coutumière participant à l’administration du territoire de la République.
Références :
Titre IX : Articles 164-167