L’école primaire au Sénégal : éducation pour tous, qualité pour certains
Fatou Niang, Cahiers de la recherche sur l’éducation et les savoirs, 2014.
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FRANÇAIS
Quantité dans le public, qualité dans le privé ?
Le développement du secteur privé a été encouragé dans le cadre de la massification, et la part des effectifs scolarisés dans le privé a régulièrement progressé, passant de 10,9 % en 2003 à 14,4 % en 2011 (MEN, 2011b : 59). Cependant, le privé est principalement présent en zone urbaine, où il scolarise 24,8 % des effectifs, alors qu’il ne représente que 5,7 % en milieu rural. Dans la région de Dakar en particulier, le secteur privé scolarise 39,9 % des effectifs (MEN, 2011b : 59). L’école privée présente des figures très disparates entre le privé laïc, le privé catholique, les établissements franco-arabes et le secteur associatif.
Il existe aussi une grande différence entre les établissements privés d’élite, une poignée d’écoles reconnues et qui ont de très bons résultats aux examens nationaux, par rapport aux autres écoles privées, plus dispersées dans leurs résultats. Le coût de la scolarisation dans le privé varie selon la situation de l’école (centre-ville, banlieue) et son prestige ; il peut aller de 3 500 FCFA/par mois dans une école privée de banlieue à 25 000 FCFA et plus à Dakar centre, la moyenne étant située autour de 10 000 FCFA. Les frais de transport, de cantine, les blouses, tenues de sport, etc., peuvent s’ajouter à ces frais de base.
Malgré ces coûts élevés, les familles qui le peuvent y envoient leurs enfants. Les raisons de ce choix tiennent d’abord à la stabilité du privé, qui ne connait pas de grèves et dont les absences d’enseignants sont rares et suppléées. La seconde raison du choix du privé par les familles est qu’il obtient généralement de meilleurs résultats aux examens que les écoles publiques, constat fait également dans les résultats des enquêtes du Programme d’analyse des systèmes éducatifs (Pasec), qui montrent que les performances du privé dépassent généralement celles du public (Pasec, 2007 : 76-82).
Cela est lié, selon les directeurs des écoles privées, à une obligation de résultat pour pouvoir continuer à attirer les élèves. Le privé offre aussi souvent un meilleur environnement de travail. Pourtant, dans la majorité des cas, à l’exception du privé confessionnel, les enseignants du privé gagnent en moyenne 100 000 FCFA, une rémunération plus faible que dans le public, et ne bénéficient d’aucune indemnité. Ils ne bénéficient pas non plus de la formation de quelques mois dispensée par les écoles de formation des instituteurs.
C’est ce qu’explique ce directeur d’école :
« Pour les maîtres du public, on a une école de formation, mais le privé est formé sur le tas. Il appartient au maître de suivre des cours pour obtenir les diplômes professionnels. Nous avons juste une autorisation d’enseigner, qui est un papier administratif. On nous le délivre si on n’a pas de casier judiciaire et qu’on a le brevet. Une fois dans les classes, on a l’aide d’un conseiller pédagogique » (M. V., directeur-adjoint d’une école privée laïque, avril 2009).
Les écoles privées bénéficient d’une meilleure gestion des personnels, d’un temps de travail des élèves maximisé et d’intrants pédagogiques grâce au financement des parents. Le Sénégal a ainsi une école à deux vitesses, les familles socialement favorisées se tournant vers l’enseignement privé. Les résultats du privé sont cependant à nuancer, car certaines écoles privées ne sont pas autorisées par l’État et fonctionnent en dehors de tout cadre officiel.
Pour un inspecteur, « les écoles privées poussent comme des champignons » (M. S., inspecteur, octobre 2011) ; des entrepreneurs créent des écoles avec quelques salles de classe qui n’obéissent pas aux normes et reçoivent les paiements des parents. Ces cas exceptionnels n’atteignent pas l’aura du secteur privé, qui bénéficie de la perte de confiance dans le secteur public.
Un acteur de collectivité locale résume la situation ainsi :
« Vous savez, au Sénégal, vous comme moi, aujourd’hui, nous avons perdu espoir en l’école publique ; nous sommes tous des produits de l’école publique, tous nos enfants sont dans le privé. Les gens se décarcassent, se serrent la ceinture pour économiser le maximum pour amener les enfants au privé » (M. A., secrétaire général d’une collectivité locale urbaine, mai 2012).
ENGLISH
Quantity in public schools, quality in private ones?
The development of the private education sector has been encouraged within the massification framework, and the amount of students enrolled in private schools has steadily increased, from 10.9% in 2003 to 14.4% in 2011 (MEN, 2011b: 59). However, private schools are mainly found in urban areas, where they educate 24.8% of students, as opposed to only 5.7% in rural areas. Particularly in the region of Dakar, private schools educate 39.9% of students (MEN, 2011b: 59). There are disparate numbers between secular private schools, catholic private schools, French-Arabic institutions and the voluntary sector.
There is also a big difference between the elite private schools, a handful of recognized schools that score very well in the national exams, compared to the other private schools which have more scattered results. The cost of education in private schools varies according to the school location (downtown, suburbs) and prestige; it can range from 3500 FCFA per month in a suburban private school to 25000 FCFA or more in downtown Dakar, with the average cost being around 10000 FCFA. Fees for transportation, cafeteria, uniforms, including those for sport, can be added to these basic fees.
Despite the high cost, families who can do it send their children to these schools. This choice is firstly motivated by the stability of private schools, as they do not experience strikes, and teachers are rarely absent and are replaced if need be. The second reason for this choice is that private schools score better than public ones in exams. This was observed in the results of the investigations conducted by the Analysis of Educational Systems Program (Pasec), which show that the performances of private schools generally exceed those of public schools (Pasec, 2007: 76-82).
According to private schools principals, this is related to a performance obligation in order to continue to attract students. Usually, private schools also provide a better working environment. Yet in most cases, except for confessional private schools, teachers earn an average of 100,000 FCFA, which is lower than the earnings in public schools, and they do not receive any allowance. Neither do they benefit from the few weeks training provided by teachers training schools.
This is what this principal explains:
“There is a training school for public school teachers, but private school teachers are trained on the job. It is the teacher’s responsibility to take courses for professional qualifications. We just have a teaching license, which is an administrative paper. We receive it if we have a clean police record and the brevet (middle school certificate). Once in the classroom, we are assisted by an educational adviser” (Mr. V., assistant principal of a secular private school, April 2009).
Private schools enjoy a better staff management, a maximized students’ study time and educational inputs thanks to funding from parents. Senegal has a two-tier school, where socially advantaged families turn to private education. However, the results of private schools must be qualified, because some of them are not allowed by the State and operate outside of any official framework.
According to a school inspector, “private schools are sprouting like mushrooms” (Mr. S., Inspector, October 2011); entrepreneurs create schools with few classrooms that do not conform to standards and they receive payments from parents. These exceptional cases do not undermine the popularity of private schools, which benefit from the loss of confidence in public ones.
A local authority actor summarizes the situation:
“You know, today in Senegal, both you and I have lost hope in public schools; we are all products of public schools, yet all our children are in private ones. People go to a lot of trouble and tighten their belts to save up the best they can to send their children to a private school” (Mr. A., Secretary General of an urban local authority, May 2012).
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