L’emploi des jeunes en Afrique : ce que les décideurs politiques peuvent faire
Deon Filmer, 2016.
FRANÇAIS
Depuis 15 ans, l’Afrique a connu un rythme de croissance impressionnant (environ 7 % par an) qui ne s’est pourtant pas traduit par une création d’emplois à grande échelle ni un recul de la pauvreté. L’essentiel de cette dynamique était en effet assuré par les industries extractives, peu pourvoyeuses d’emplois.
En dépit de l’essor rapide du secteur salarié formel dans certains pays (+ 10 % par an au Ghana par exemple) et même dans le meilleur des scénarios possible, ce secteur ne créera pas suffisamment d’emplois dans les années à venir.
Sur la base de prévisions optimistes de la conjoncture économique globale et d’estimations hautes en ce qui concerne les emplois créés grâce à cette croissance dans le secteur salarié formel, le rapport présentait des projections du profil des emplois disponibles en 2020, en s’appuyant sur le parcours de pays comme le Bangladesh ou le Viet Nam (Fox et al. 2013).
Les résultats sont édifiants : malgré le nombre significatif d’emplois créés, la structure de la population active reste étonnamment semblable à celle qui prévaut actuellement — dans les pays d’Afrique à faible revenu, l’agriculture concentrerait 60 % des emplois, contre 20 % pour les entreprises individuelles, avec 13 % de salariés dans le secteur des services et seulement 6 % dans le secteur industriel. La démographie et l’écart entre les stocks et les flux signifient qu’il ne faut pas attendre d’évolution avant longtemps.
Dès lors, comment les gouvernements doivent-ils réagir ? Le rapport propose un cadre permettant d’apprécier systématiquement les entraves à la hausse des revenus liées au capital humain mais aussi les conditions à réunir dans l’environnement des affaires pour garantir des emplois productifs.
Ce cadre ne se contente pas d’analyser le secteur salarié formel. Il s’intéresse aussi aux gains de productivité dans l’agriculture et les entreprises familiales. Il avance des recommandations sur les actions à engager « maintenant pour maintenant » et celles à engager « maintenant pour plus tard ».
Les recommandations :
- réformer l’environnement des affaires pour attirer des investissements dans des grandes entreprises afin de créer de nombreux postes salariés formels et d’aider ces entreprises à gagner en compétitivité. Parmi les réformes prioritaires, l’amélioration de l’accès au financement et aux services d’infrastructure, l’optimisation de la logistique commerciale et l’aplanissement des obstacles réglementaires à l’entrepreneuriat ;
- redoubler d’efforts pour soutenir le secteur informel, en reconnaissant son importance et en offrant un statut juridique à ceux qui y travaillent. Ce soutien passe par l’accès i) aux terres ou à un lieu (officiel) où exercer une activité ; ii) aux services publics (sécurité notamment) et aux infrastructures (alimentation électrique) pour offrir un environnement sûr et prévisible aux petites entreprises ; et iii) au financement pour que même les petits exploitants et les entrepreneurs individuels puissent investir et améliorer leur productivité ;
- s’assurer que les jeunes acquièrent un socle de compétences fondamentales solide. L’Afrique subsaharienne connaît une crise des apprentissages : alors que toujours plus d’enfants sont scolarisés, la plupart n’apprennent pas grand-chose à l’école. En troisième année, une majorité d’écoliers ne savent pas reconnaître un mot dans un paragraphe simple. En fin de primaire, selon une évaluation des compétences en calcul réalisée dans 14 pays d’Afrique australe et orientale, 60 % des élèves ne dépassent pas le niveau « de base » tandis qu’une étude récente conduite dans 10 pays francophones d’Afrique de l’Ouest et centrale révèle que 60 % des élèves ne peuvent répondre qu’à des questions courtes faisant appel à des connaissances factuelles ou à une procédure spécifique (ce que les auteurs qualifient de seuil de compétences « suffisant »).
En s’attelant à ces problèmes éducatifs pressants, les pouvoirs publics pourraient s’assurer que les jeunes Africains acquièrent les fondamentaux sur lesquels s’appuyer ensuite, dans leurs études ou leur travail. D’autres dimensions du capital humain requièrent des actions : les gouvernements doivent mettre en place des programmes de développement de la petite enfance puisque l’on sait que les enfants qui démarrent leur vie en étant suffisamment nourris et stimulés réussiront mieux une fois adultes.
De même, les employeurs attendent de leurs salariés qu’ils aient un niveau certain de compétences socio-affectives — une qualité également recherchée dans les entreprises individuelles. Il faut donc miser sur ces compétences (dans le cas d’adolescentes, l’apprentissage de « compétences pour la vie » leur a permis d’obtenir des revenus supérieurs) :
- promouvoir un secteur privé dynamique pour l’enseignement et la formation professionnels (apprentissage compris). Il faut notamment mieux informer et faciliter l’accès aux formations existantes pour les jeunes défavorisés et offrir dans le même temps des possibilités de formation de meilleure qualité (sans devoir forcément assurer ces services). Dans le cas de marchés de la formation bien développés, les interventions publiques doivent être sélectives, privilégier la performance et s’appuyer sur des données probantes. Le rapport a ainsi constaté que les programmes associant formation et accès au financement (pour démarrer une entreprise ou investir dans une activité) sont très prometteurs.
ENGLISH
For 15 years, Africa has experienced an impressive growth rate (about 7% per year) yet this has not led to large-scale job creation or a decline in poverty. Most of this economic growth was led by extractive industries, which are a poor source of jobs.
Despite the rapid growth of the formal wage sector in some countries (+10% per year in Ghana for example) it will not create enough jobs in the coming years, even in the best of all possible scenarios.
The report projects available jobs in the year 2020 and is based on optimistic growth projections, a high estimate of formal jobs created due to this high growth, and the recent histories of Bangladesh and Vietnam (Fox et al. 2013).
The results are instructive: despite the significant number of jobs created, the structure of the workforce will be surprisingly similar to that of what it is now. In low-income African countries, the agricultural workforce will still comprise 60% of all available employment, against 20% for private companies, with 13% of employees in the service sector and only 6% in the industrial sector. Demographics and a deep skills gap mean that we should not expect changes anytime soon.
Therefore, how should governments respond? The report proposes a framework to systematically assess the barriers, which prevent human capital related revenue increases and also the environmental conditions that allow for productive employment.
This framework does not merely analyze the formal wage sector. It is also interested in productivity gains in agriculture and small businesses. It submits recommendations that can have immediate effects and those that should be implemented now to have effects in the longer term.
Recommendations:
- reform the business environment to draw in more Foreign Direct Investment (FDI) in order to create numerous formal salaried positions and to help them increase their competitiveness. The reforms should focus on the improvement of access to finance and infrastructure services, trade and logistics optimization, and the elimination of regulatory barriers to entrepreneurship;
- redouble efforts to support the informal sector, by recognizing its importance and offering legal status to those employed in the informal sector. This support goes through i) access to land or an (official) location where an activity can take place; (ii) public services (including security) and infrastructure (power supply) to provide a secure and predictable small business environment; and (iii) the financing so that even smallholders and individual entrepreneurs can invest and improve their productivity.
- ensure that the youth acquire a solid base of fundamental skills. Sub-Saharan Africa is facing a crisis of learning, while an ever increasing number of children are in school, most do not learn much in there. In their third year a majority of students do not know how to pick a word in a simple paragraph. According to a mathematical skills assessment, 60% of students do not exceed the “basic” level at the end of primary school in 14 countries in South and East Africa. In 10 of the francophone countries of West and Central Africa, a recent study reveals that 60% of students cannot answer short questions using factual knowledge or a specific procedure (what the authors describe as “sufficient” competence threshold).
In tackling these pressing educational problems, governments should ensure that young Africans acquire the fundamental skills on which their studies and work will rely. Other human capital dimensions also require action: governments must establish an early childhood development program because we know that children who start their lives by being sufficiently fed and stimulated will have a better chance of success once adults.
Similarly, employers expect their employees to have a minimum level of soft skills – a quality also sought in small enterprises. It is therefore necessary to build on these skills, and in the case of adolescents ‘life skills’, allowing them to obtain higher incomes:
- promote a dynamic private sector for education and professional training (including apprenticeships). We have to increase information and ease of access to existing training programs for disadvantaged youth and at the same time to have higher quality training opportunities (without necessarily providing these services). In the case of private education, public interventions must be selective with a reliance on evidence-based performance. The report found that the programs combining training and access to financing (to start a business or invest in a business) are very promising.
Les Wathinotes sont soit des résumés de publications sélectionnées par WATHI, conformes aux résumés originaux, soit des versions modifiées des résumés originaux, soit des extraits choisis par WATHI compte tenu de leur pertinence par rapport au thème du Débat du mois. Lorsque les publications et leurs résumés ne sont disponibles qu’en français ou en anglais, WATHI se charge de la traduction des extraits choisis dans l’autre langue. Toutes les Wathinotes renvoient aux publications originales et intégrales qui ne sont pas hébergées par le site de WATHI, et sont destinées à promouvoir la lecture de ces documents, fruit du travail de recherche d’universitaires et d’experts.
The Wathinotes are either original abstracts of publications selected by WATHI, modified original summaries or publication quotes selected for their relevance for the theme of the Debate of the Month. When publications and abstracts are only available either in French or in English, the translation is done by WATHI. All the Wathinotes link to the original and integral publications that are not hosted on the WATHI website. WATHI participates to the promotion of these documents that have been written by university professors and experts.